Politique

Dominique Reynié : son business, c’est les idées

Dominique Reynié, un nom clamé aussi bien à la télévision par Yves Calvi que sur les ondes par Bruce Toussaint, Patrick Cohen ou Marc Voinchet. Sans pour autant que l’on sache si c’est en tant que chercheur, professeur de l’IEP Paris, directeur de la Fondapol ou les trois. Reste qu’il truste le monde des idées à titre personnel avec, à la clef, une reconnaissance et des profits de notoriété avec tous les avantages induits. Défrayant la chronique pour l’étude Fondapol sur l’antisémitisme, Dominique Reynié vient occuper à nouveau le devant de la scène. Plongée sous-marine dans le système Reynié.

Fondapol : le ver est dans le fruit

 Professeur à Sciences Po Paris, Dominique Reynié lie son destin à celui du think tank Fondapol, la fondation pour l’innovation politique, en prenant sa direction en 2008. Fondée en 2004, la ligne de ce cercle se déclare « libérale, progressiste et européenne ». Dès sa première minute d’existence, elle autoproclame haut et fort son indépendance politique. Laquelle est, déjà, évidemment contestable, tant la Fondation est organiquement liée à l’UMP.

Son président, Jérôme Monod, est un imminent personnage de la chiraquie et de la haute administration. Son premier directeur général, Franck Debié, fut auparavant directeur des études de l’UMP. La dotation de Fondapol est alors assurée à 10 % par l’UMP et est largement subventionnée par Matignon (1,4 million d’euros sur la ligne « droits de l’homme et citoyenneté ») et les assemblées (200 000 euros) de l’époque. La finalité non avouée de la fondation est de créer un réservoir d’idées pour Jacques Chirac et l’UMP.

Mise en sommeil après la prise de l’UMP par Nicolas Sarkozy, Fondapol est relancée en 2008 par son nouveau président Nicolas Bazire, témoin de mariage de M. Sarkozy, et par son nouveau directeur général Dominique Reynié. La fondation regroupe grands patrons, hauts fonctionnaires, économistes, banquiers et avocats d’affaires. On y retrouve aussi l’ancien numéro 2 du Medef, Charles Beigbeder, toujours Jérôme Monod, Francis Mer, l’avocat Laurent Cohen-Tanugi et le conseiller opinion de Nicolas Sarkozy, Pierre Giacometti, pour n’en citer que quelques uns.

La fondation dirigée par Dominique Reynié a choisi le statut avantageux de fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) avec une sensibilité de « fondation politique » visant l’intérêt général. Son budget, alors de 2,2 millions d’euros, est alimenté majoritairement de subventions publiques et complété par le mécénat venant de grands donateurs privés et quelques multinationales comme EDF, Suez, Véolia… La loi n° 2003 – 709 du 1er août 2003 relative au mécénat tombe à merveille. Instaurant une défiscalisation à hauteur de 60% des sommes allouées par les entreprises aux organismes d’utilité publique tels les think tanks, elle assure à Fondapol de nombreux dons.

« Au dernier bilan d’activité effectif datant de 2013, la Fondapol était subventionnée à 68% par des subventions publiques. Ironique de voir ce leader d’opinion se faire le chantre des réductions des dépenses publiques dont il profite directement. »

À l’échelle européenne, Fondapol est membre de l’European Idea Network la plaçant dans un réseau de think tanks européens et renforçant son influence sur le monde politique et économique. Elle a ses prébendes aussi dans la sphère médiatique par des partenariats de diffusion de contenus passés avec lemonde.fr, slate.fr, Atlantico.fr, saphirNews.com, de SalamNews, d’Africa N°1 et le Huffington Post. Elle occupe aussi cet espace à travers son blog « Trop libre ».

CaptureLa confrontation entre les mécanismes internes de la fondation et les velléités d’indépendance comme d’objectivité dans ses statuts prêtent à sourire. Objectivité et indépendance face aux partis ? Certes, Fondapol n’est plus subventionnée directement par l’UMP mais, en utilisant un faisceau d’indices, on voit que ses membres sont des personnalités imminentes de ce parti et des proches des principaux cercles économiques. L’hypocrisie saute aux yeux lors des grands enjeux et moments de la vie politique : la Fondapol intègre en 2012 le conseil des clubs et des think tanks de Jean-François Copé.

Sa proximité avec l’Élysée est aussi flagrante, comme le prouve le succès sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande de son concept de la règle d’or budgétaire (première de ses douze idées pour 2012 énoncée par Jacques Delpla). La manœuvre est fine. Sans aucun lien institutionnel avec l’UMP, Fondapol soutient le parti sur certaines lignes (libéralisme économique) tout en se cantonnant au débat d’idées. Cultivant une proximité intellectuelle avec le parti, elle joue un rôle d’expertise et de recommandation sans pour autant se substituer à lui. Elle évite ainsi de rentrer ostensiblement dans la compétition politique.

Objectivité et indépendance face à l’État honni qu’il faut dégraisser ? Au dernier bilan d’activité effectif datant de 2013, la Fondapol était subventionnée à 68% par des subventions publiques. Ironique de voir ce leader d’opinion se faire le chantre des réductions des dépenses publiques dont il profite directement. Peut être considère-t-il que son travail forme une ligne budgétaire infrangible et intouchable. L’hôpital arrêterait de se foutre de la charité, s’il ne fermait pas. On aimerait que les appareils politiques cessent de suivre ces think tanks pour leur préférer les études d’institutions visant l’intérêt général : le conseil économique social environnemental, au hasard.

Objectivité et indépendance face aux entreprises donatrices ? La place de personnalités du monde des affaires dans l’organigramme et le volume des contributions du privé plaiderait presque pour un remaniement statutaire vers la fondation d’entreprise. Au moins, les rédacteurs de Fondapol et son directeur pourraient assumer pleinement leur ligne ultralibérale. Celle-ci est particulièrement visible à travers les douze idées pour 2012 de la Fondapol dont l’ordre de classement, assez éclairant, place l’éducation en dernier et la règle d’or en premier. Dans un pays cartésien comme la France, cela en dit beaucoup si ce n’est tout !

CaptureFondapol est une cellule contre-insurrectionnelle menant une conquête des idées afin d’obtenir l’hégémonie culturelle autour d’une pensée unique néolibérale sur toutes les thématiques (emploi, retraites, santé, éducation…), au profit des entreprises, des industries et des banques. Ce monde des affaires y investit massivement son argent afin de remporter la bataille des idées en désamorçant l’exercice démocratique et en muselant les gouvernements. Par sa participation professionnelle et structurée au débat public, cette organisation spécialisée désamorce la critique en imposant un consensus politique puis des réflexes d’autocensure dans les appareils partisans et la population. La ligne définie permet aussi de trancher entre les mouvances internes aux partis : ce ne fut pas le cas de Fondapol qui n’a pas réussi à contrer la dérive droitière de l’UMP (ligne Buisson).

Un think tank est amené à être l’instrument de conquête du pouvoir partisan puis politique. En témoigne l’exemple de la proximité entre Terra Nova et le candidat puis le président de la République, François Hollande. C’est la raison pour laquelle Dominique Reynié fait appel à Image 7, l’agence d’Anne Méaux, pour gérer sa communication et celle de Fondapol, comme celles de nombreux patrons du Cac 40.

Dominique Reynié : le chantre du libéralisme

Après avoir évoqué Fondapol comme machine de guerre idéologique, évoquons son directeur général et principal émetteur : Dominique Reynié. Son magistère intellectuel reçoit le double adoubement : professeur à IEP Paris et directeur de Fondapol. Preux chevalier de la cause libérale, il occupe les forteresses médiatiques et radiophoniques à un tel point qu’on se demande s’il n’a pas déjà recouru au clonage.

CapturePartisan puritain d’un libéralisme total en matière économique et culturelle, Dominique Reynié soutient toutes les actions économiques de l’ordre du fameux TINAThere is no alternative ») mâtinées de darwinisme social. Son libéralisme est aussi culturel, ce qui explique son soutien au « mariage pour tous » ou une reconnaissance du discours de Jean-Luc Mélenchon du 15 avril 2012 à Marseille sur la diversité et la Méditerranée. C’est également la raison pour laquelle il prend ses distances, sans se désolidariser complètement de l’UMP, quand la ligne Buisson est reprise par Sarkozy et son état-major en 2012. Cela n’empêche pas Fondapol en mars 2014 de le donner vainqueur au second tour à l’aide d’un sondage réalisé par l’Ifop aux ordres directs de Mme Parisot, ex-présidente du Medef s’il est besoin de préciser.

« Dans cette tâche d’évangéliste du TINA au cœur de la chapelle du PAF, Dominique Reynié se fait le petit chanteur à la croix de bois d’une logique comptable qui est la même que celle appliquée en Grèce. »

CaptureSi Dominique Reynié avait un rêve, ce serait un parti totalement libéral qui mettrait en place un programme de contre-réformes des programmes sociaux de 1944 et 1952 suivant la mode social-libérale actuelle. Il se considère comme le pourfendeur d’une pensée unique fantasmée : le social-étatisme. Il se fait le chantre convaincu de la politique de la « caisse vide » définie par Sébastien Guex, qui revient à creuser les déficits budgétaires en diminuant les impôts, permettant une diminution des recettes d’État, tout en affirmant que ce fait est dû à l’augmentation inconsidérée des dépenses publiques. Avec un certain cynisme, il fait de ces dernières la cause de la panne et le créateur de la dette tout en oblitérant que celle-ci a plutôt largement été plombée par le sauvetage du système financier à travers une intervention étatique d’une ampleur inédite qui mobilisa l’argent public. D’autant plus que cette dépense publique est vecteur de richesse et permet au secteur privé de fonctionner. Espérait-il, lors de la crise de 2008, une expérimentation européenne de la stratégie du choc (définie par Naomi Klein) dans laquelle, la France et les États européens allaient embrasser le néolibéralisme goulûment avec la langue ? Ils y vont du bout des lèvres en appliquant des réformes structurelles dans la fonction publique, l’éducation, les services hospitaliers, la sécurité sociale, la culture, le système de retraites par répartition, le secteur public, la solidarité nationale, l’indemnisation du chômage, le code du travail… L’actualité de la loi Macron en est un proche écho. Est-on à un moment transitoire de la dictature du marchétariat ?

Dans cette tâche d’évangéliste du TINA au cœur de la chapelle du PAF, Dominique Reynié se fait le petit chanteur à la croix de bois d’une logique comptable qui est la même que celle appliquée en Grèce. En maniant l’analogie historique à mauvais escient comme il aime à le faire, notamment en comparant l’actualité aux fameuses années 1930, autrement surnommées les heures les plus sombres de notre histoire, son action participe de ce que Hannah Arendt appelle la « banalité du mal » néolibéral. S’en prendre ainsi à l’État (dont il dépend), c’est s’attaquer à son action exocentrée tournée vers l’intérêt général, pour privilégier celle du secteur privé autocentrée sur la maximalisation des profits.

Dominique Reynié, gardien de la doxa ultralibérale

De ce militantisme économique découle sa vision de la politique. Défenseur effréné d’un système ultralibéral, Dominique Reynié adopte une position de franc-tireur contre tous ses contradicteurs, partis comme personnes. Son champ d’exercice est l’exploitation du vocable « populisme » jusqu’à la dernière fibre textile du fil de ce concept. Avec un certain aplomb dans son livre de 272 pages Populisme, la pente fatale, Dominique Reynié fait du populisme la résultante du cumul de la globalisation économique, du vieillissement démographique, de l’épuisement des finances publiques et de la recomposition ethnoculturelle de la société par l’immigration. Nier le diagnostic et les symptômes serait contreproductif. En revanche, on attend d’un chercheur qu’il délimite chacun de ces éléments, qu’il les explicite et en donne une lecture contrastée et argumentée.

Dominique Reynié a réussi à imposer une équivalence entre le FDG et le FN autour du terme « populisme » défini par une série d’amalgames. Il sonde les annales de l’Histoire par l’évocation incantatoire du spectre du nazisme et de la montée des autoritarismes des années 1930. Choisir 1930 plutôt que 1870 n’est pas anodin. La solution envisagée après les épisodes fascistes et nazis entre 1930-1945 fut le libre échange, celle des années 1870 le protectionnisme.

CaptureCette jonction FN – FDG se ferait sur le clivage entre peuple et élites, la disqualification des élites représentatives, une apologie de la démocratie référendaire et une rhétorique outrancière. Accolant cette définition un peu légère sur une notion polysémique aux contours flous, il l’utilise pour disqualifier tous mouvements et partis contrevenant au « cercle de la raison » défini par Alain Minc. L’infâme sceau d’opposants au progrès et au mouvement marque les classes populaires et moyennes réfractaires à l’horizon néolibéral et son cortège de réformes structurelles en matière économique, sociale ou sociétale. L’opprobre s’étend aussi à l’État planificateur, au souverainisme (aux portes de l’Europe pour le FDG, à celles de la France pour DLF et le FN). Pour notre communicant, ce sont autant de marqueurs de la clôture, de la résistance au changement et du passéisme. Cela permet aussi la création artificielle d’une dichotomie morale entre le bien et le mal. C’est selon ce même mécanisme et sur les mêmes bases que le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qualifie la France de réactionnaire sur l’exception culturelle française. Les médias mainstream usent le filon à force d’en abuser et essaient au maximum de faire correspondre les événements à cette construction préfabriquée. Cette dichotomie permet à la fois l’exclusion des « extrêmes » et l’organisation sporadique de matchs de boxe. Processus à la fois rassurant pour les financiers des organes de presse et aussi très rémunérateur.

CaptureCette démophobie crée une mise à distance, une relégation, puis un mépris pour une France populaire souvent qualifiée de « prolo ». Mépris qui peut, en réaction, renforcer le vote FN chez des personnes déjà en révolte contre l’aliénation de leurs conditions de vie. Comme le clamait Léon Trotski : « Quand le peuple ne trouve pas de solution dans l’espoir révolutionnaire, alors il peut vouloir la chercher dans le désespoir contre-révolutionnaire. »

« Hérault de la démocratie », Dominique Reynié ne l’est que par intermittence. Il a oublié de l’être lors des hold-up démocratiques sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe ou le traité de Lisbonne. Ce silence n’est-il pas une forme de détestation de cette France du NON qui ne sait pas voter comme il faut ? Qui ne comprend pas que son salut est dans l’Union européenne ? 2005 est d’ailleurs pour Dominique Reynié l’élément catalyseur qui définit les mouvances populistes. Son europhilie ne tient-elle pas aussi à son titre d’expert auprès de la Commission européenne (direction de la communication) dans le cadre du programme « The Future of Europe » ?

« Derrière son mot valise « populisme », on voit poindre un mélange au shaker entre haine, peur et mépris du peuple que Dominique Reynié boit cul sec et vomit à longueur d’émissions. »

Risible encore de le voir défenseur de la démocratie. Tout en s’indignant avec aplomb de la montée du populisme, il encourage en sous-main son fondement principal : l’application (certes incomplète mais en voie de le devenir) de son ultralibéralisme dogmatique rimant avec rigueur budgétaire et baisse des dépenses publiques, déclenchant une paupérisation globale de la population, et la mise à sac de tout ce qui fait societas. Cette démocratie qu’il contribue à rendre de plus en plus virtuelle en imposant, avec d’autres think tanks et lobbies, cette pensée unique ultralibérale au cœur de la sphère médiatico-politique. Une pensée unique qui rime avec une standardisation des idées, mais surtout la fin d’une pluralité des opinions politiques devenue une fiction télévisuelle et journalistique.

Sur le fond, on peut plaider la mauvaise foi, le parti pris, la paresse intellectuelle ou l’obsession, à croire que l’expert s’est fait tatouer « FN = FDG, CQFD ». À maintes reprises, lors de ses allocutions publiques, Jean-Luc Mélenchon a fait la preuve qu’il misait, non pas sur de présupposés bas instincts du peuple, mais sur leur élévation par le savoir, l’intelligence collective, mais aussi sur la participation active du citoyen.

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Si le FN et le FDG s’opposent tous deux au projet ultralibéral, ce n’est pas pour les mêmes raisons, au même degré, à la même échelle, sur les mêmes fondements et pour la même finalité. L’opposition est réactionnaire au FN, rénovatrice et révolutionnaire au FDG. Le FN est l’héritier de la France maurrassienne, le FDG celui de la Révolution française dont les valeurs et la maxime restent celles de notre République. L’opposition est pourtant là, entre un FN Thanatos et un FDG Éros. Cette polarisation sur Jean-Luc Mélenchon tient presque du syndrome de Gilles de la Tourette. Si cette appellation était brevetée, Dominique Reynié serait son premier pourvoyeur de royalties. Derrière son mot-valise « populisme, » on voit poindre un mélange au shaker entre haine, peur et mépris du peuple que Dominique Reynié boit cul sec et vomit à longueur d’émissions. Peut-être se sent-il concurrencé par François Baroin, qui renifle le bon filon en sortant un ouvrage sur ce même sujet. Sa démarche est de faire entrer une réalité bien récalcitrante car plus complexe dans un cadre théorique simpliste qu’il a peint, non pas au pinceau, mais au rouleau. Plus c’est gros, plus ça passe. Le PS surfe aussi sur le concept qui arrange tout le monde, semble-t-il.

Des échos à la Ferme des animaux d’Orwell se font entendre avec une démocratie devenue l’interface présentable d’un régime autoritaire des dominants jetant l’opprobre sur toutes les formes de contestation de cet ordre établi par les dominés, en arguant d’un populisme qui serait un cousin éloigné du fascisme.

Dominique Reynié, l’expertise et le magistère intellectuel

Dominique Reynié a passé le concours pour être recruté comme professeur à l’IEP, ce qui fait de lui un fonctionnaire très éloigné de ceux qui seraient victimes de coupes budgétaires au sein du secteur public. Ce rôle d’apparatchik de l’IEP, il y tient et le clamait lors de la course à la direction de l’Institut durant laquelle afficher une pédagogie d’apparat était de bon ton. Notre Torquemada de l’ultralibéralisme tient à faire réciter le credo à ses futurs moines inquisiteurs du temple Science Po Paris. Plus proche des salons aristocratiques que des cafés révolutionnaires, on comprend mieux son opposition à ceux qui s’en réclament.

Sur les réseaux sociaux et au cours d’émissions télévisées, il décline (déclin est le mot) ses idées non pas comme un pédagogue mais sur le ton paternaliste-professoral de celui qui détient la vérité unique, celle qui oriente les gouvernements de ce monde. Ce démiurge, cette pythie néolibérale éclaire le destin de ce monstre collectiviste qu’est la France en rejetant la contradiction soit par la délégitimation de l’adversaire, soit par l’argument d’autorité (dont il est un adepte poussif). Sur Twitter, sa morgue contre l’anonymat est la preuve d’un libéralisme à géométrie variable qui refuse l’esprit de ce réseau comme espace public dévolu à la controverse argumentée sans hiérarchie entre les locuteurs : la nouvelle agora est acceptable tant qu’elle n’est pas contestataire.

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CaptureLa méthode de production de son savoir répond aux plus grands standards de la recherche. Dominique Reynié utilise comme n’importe quel universitaire en sciences sociales des données Insee (données publiques produites par une institution publique, hum) et les confrontent à ce qu’il entend au café. Devant fréquenter ceux à mi-chemin entre Fondapol et l’IEP, on ne s’étonne plus guère de ses prises de position et de leur subjectivité. La méthode laisse pantois : les cafés du quartier de Saint-Germain-des-Prés sont les lieux de l’interaction maximale entre les membres de la société française, c’est bien connu. Dans une tribune pour Le Monde, la politiste et sociologue Nonna Mayer a démontré les faiblesses méthodologiques, conceptuelles et catégorielles développées dans la dernière étude Fondapol « L’antisémitisme dans l’opinion publique française ». Nous pouvons aussi faire part de nos doutes sur l’objectivité ou la neutralité de cette étude, puisqu’elle fut menée en collaboration avec l’Ifop, vice-présidé par Mme Parisot qui s’avère être aussi la présidente du conseil scientifique et d’évaluation de la Fondapol.

« Si la révolution ne sera pas télévisée, la réaction néolibérale de l’expertise l’est quotidiennement. Elle impose ses résultats, son processus, ses actions au nom d’une simili-rationalité à l’efficacité dogmatique. »

Pour ce qui est des sources de première comme de seconde main, elles sont infra-minimales tant dans son livre sur le populisme (uniquement journalistiques) que dans les notes de Fondapol, désespérément dépourvues de bibliographie. Plus qu’un chercheur, il est un rhéteur et un débatteur hors pair privilégiant la communication des idées à leur émergence. L’analyse est souvent pauvre et ne brille sur les plateaux télévisés qu’en fonction de celle des co-invités. La sphère médiatique, peu regardante en déontologie et en conflits d’intérêts, a consacré l’exercice de son magistère intellectuel et moral ainsi que sa force d’expertise. Sans aller jusqu’à évoquer une cooptation de médiacrates, on peut plutôt parler d’un capital intellectuel supposé que Dominique Reynié, en professionnel du marketing, ne cesse de faire fructifier comme une marque déposée, vecteur d’influence et de notoriété.

CaptureDéjà invité officiel au dîner du Siècle, il vise certainement le groupe Bilderberg. Cette notoriété lui sert aussi à vendre ses ouvrages. Son think tank, ses écrits, ses pratiques, son discours fondent son pouvoir scientifique et assure son siège au sein d’une oligarchie de l’expertise. Sa principale compétence est d’orienter et de fédérer celles d’autrui (comme fins et comme moyens) au nom d’une rationalité totalisante (totalitaire ?) pour le bien d’une organisation globale en accord avec l’orthodoxie ultralibérale. Cette rationalité doit ainsi s’imposer au peuple comme aux preneurs de décisions (peuples, élus, gouvernements). On entre de plain-pied dans une société post-démocratique régulée par une gouvernance technocratique œuvrant contre le peuple, pour des intérêts privés. Pour réaliser cette fin, notre gardien de cette nouvelle utopie devenue concrète n’hésite pas à moduler la réalité pour imposer sa vision néolibérale, auréolée du label de la recherche et de l’expertise, sur le remboursement de la dette, les retraites, la santé, les privatisations, le logement social, le sauvetage des banques, l’éducation. Si la révolution ne sera pas télévisée, la réaction néolibérale de l’expertise l’est quotidiennement. Elle impose ses résultats, son processus, ses actions au nom d’une simili-rationalité à l’efficacité dogmatique.

CaptureDominique Reynié a bien intégré les leçons du livre de référence de l’IEP, Le Prince de Machiavel. Il agit avec la ruse du renard dans son « art et de simuler et de dissimuler » et comme un lion quand il s’agit de débattre ou de questionner son expertise. Une autre phrase, tirée du même livre, définit parfaitement l’ambition de Dominique Reynié : « Néanmoins, ne pouvant admettre que notre libre arbitre soit réduit à rien, j’imagine qu’il peut être vrai que la fortune dispose de la moitié de nos actions, mais qu’elle en laisse à peu près l’autre moitié en notre pouvoir. » Rien n’est laissé au hasard dans sa conquête des idées et du champ médiatique au nom de néolibéralisme, jouant à plein sa virtu, son « expertise ». Pourfendeur de l’État, Dominique Reynié devrait assumer le poids de son engagement par une réorientation professionnelle afin d’intégrer le secteur privé au bas de l’échelle comme un réel sociologue. Il y a fort à parier qu’en butte à la réalité salariale, il abandonnerait ses certitudes pour embrasser le seul individualisme recevable, celui qui s’épanouit au sein d’un projet commun.

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