Politique

Insolite : Habib n’est pas un cochon

Suite aux éclats récents à l’Assemblée nationale, notre reporter a mené une enquête minutieuse dont les conclusions pourraient vous étonner : Meyer Habib n’est ni un cochon, ni un sanglier, ni même un phacochère. Démonstration.

Expérience : trouvez sur Google un portrait de bonne qualité du député LR Meyer Habib, imprimez-le en haute définition, format A3 si possible, punaisez-le sur un mur, positionnez-vous bien en face et absorbez-vous totalement dans sa contemplation. Il est immanquable que vous apparaisse alors, comme à tout un chacun, une gracieuse libellule, un chat agile ou un splendide papillon.

Lorsque, le 28 mai dernier, dans la salle dite des quatre colonnes de l’Assemblée nationale, le député LFI David Guiraud s’est permis de qualifier publiquement son collègue de « porc », il ne pouvait donc s’agir d’une allusion physique, un minimum de ressemblance étant requise pour que la blague fonctionne. Ce n’eût pas été plus pertinent ni plus drôle que de traiter Caroline Fourest de rongeur gluant ou Raphaël Enthoven de coquelet sans plumes, par exemple.

Référence à la saleté des positions politiques et du comportement d’Habib ? Sous-entendant qu’il se roule dans les opinions iniques et les outrances comme cochon dans la boue ?

Les plus insistants s’en référeront à ce qu’il dit de la Palestine et des Palestiniens (« Le cancer qu’est cette population, à qui on a tout donné »[1]), à ses ambitions chaplinesques pour Israël, à son agressivité parfois ordurière (le voilà ici qui traite ses collègues de « connes », là qui s’en prend, médusant l’assistance, violemment à Edgar Morin…), à ses fréquentations douteuses (n’est-ce pas le droit de tout honnête homme de faire entrer un ami armé sans badge à l’assemblée nationale ? Ou de faire du business avec le criminel Arnaud Mimran ?), à ses déboires avec l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, ses exigences étonnantes auprès de la police, au fait que, représentant des Français de l’étranger pour neuf pays, il ne parle que ou quasi d’Israël, un peu comme s’il militait…[2]

Admettons.

Un papillon on vous dit

Mais tout ce que la France compte d’antennes solliciterait-elle sans cesse, écouterait-elle longuement, avec grand respect, quelqu’un qui ne serait pas, doublé d’un grand penseur, un impeccable démocrate ? Ce n’est donc, CQFD, pas ça non plus.

Réplique, tout simplement, du tac au tac au « on n’a pas élevé les cochons ensemble » asséné juste avant ? Impossible : on nous a depuis rappelé partout qu’il s’agissait là d’une vénérable locution française, prononcée par Habib en amoureux des bons mots et du bel esprit.

Alors, pourquoi ?

La clé est sur le compte X du député Habib, lequel y partage la parfaite démonstration du sénateur LR Le Rudulier, bassement accusé par ailleurs d’avoir plagié la moitié de sa thèse de doctorat[3] : « En 1920 l’homme politique allemand Walther Rathenau était insulté de « porc juif » au Reichstag. En 1922 il était assassiné car juif. 100 ans après en France un député LFI insulte le député Meyer Habib de porc. LFI est l’héritier des antisémites allemands du siècle dernier. »

Très bel éclairage, qui nous permet de comprendre au passage que Jean-Marie Le Pen lui-même, longtemps caricaturé en cochon alors que son physique n’est pas non plus sans rappeler celui d’une libellule et que ses positions politiques et son impeccable correction auraient pu lui valoir le Nobel, a été sous nos yeux la silencieuse victime d’un antisémitisme ignoble. Et ne nous parlez plus du hashtag « balance ton porc » qui, non content d’éclabousser les Grands Hommes du bon goût français, suintait à notre insu le national-socialisme.

Les mots ont un sens, et si vous aviez cru pouvoir qualifier de « porc » quiconque dont les actes vous dégoûtent et/ou vous rappelle physiquement l’animal, vous vous trompiez. D’autres ont compris immédiatement. Madame Ferrari déplorera illico que « Jean-Luc Mélenchon n’a pas dit un mot sur les insultes antisémites proférées par David Guiraud »[4]. Monsieur Hanouna, dont tout le plateau était horrifié (excepté Gilles Verdez, qui alors « jouait sa partition » et campait péniblement le dépressif LFI de service), poussera de grands cris[5]. Bernard-Henri Lévy se fendra d’une indignation non feinte[6]

Et à vrai dire l’armée presque au complet des « Grands Médias » nous l’expliquera par or et par donc après l’éclat : Meyer Habib n’est pas un cochon, ni un sanglier, ni même un phacochère, le croire relève du plus pur antisémitisme. Quant à la tentation de le renommer Meyer Halouf, autant se tenir pour dit que ce serait basculer tout de bon dans l’islamisme.

Alignement général sur l’interprétation Habib de l’invective, donc, lequel Habib, c’est sans doute lié à son très haut potentiel intellectuel, est extrêmement habile à débusquer l’antisémitisme partout où il se cache, c’est à dire partout, tout court. Dans le mot « porc », évidemment. Dans la critique de Netanyahou. Dans le recours au boycott (« l’arme absolue des antisémites », apprend-on sur son compte X).

Dans l’expression « de la mer au Jourdain », sauf si vous vous référez à la zone où le contrôle militaire israélien doit s’appliquer[7]. Et tant pis, sur ce dernier point, si par-là vous collez à une condition que prévoit le droit international pour qualifier une « occupation » : parler d’occupation est antisémite. Au reste, les instances internationales le sont aussi beaucoup, tout comme penser qu’il y a de quelque manière que ce soit un fait colonial israélien : « Un Juif ne sera jamais un colon en Judée ».[8]

Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité nationale, en train de tirer sur des Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est occupée, le 13 octobre 2022.

L’État français, même, dont « les plus hautes autorités » ont rendu « judenrein » le salon Eurosatory en en écartant les « 74 sociétés de défense de l’état juif »[9] (l’État se laissera-t-il traiter de nazi par Habib l’intrépide ? L’avenir le dira…). Vous pourriez d’ailleurs vous aussi, trouvant – à tort ! – qu’il exagère et laissant échapper une pensée mal pesée, vous découvrir dégoûtamment antisémite, chagriner hautement le grand émotif, et comparaître assez immédiatement devant la 17ème chambre.

Faculté exceptionnelle de voir ce qu’on ne voit pas, ou usage (bien légitime !) à la massue d’une fin de non-recevoir qu’on croyait un peu éventée ? Nul ne sait.

« Quant à la tentation de le renommer Meyer Halouf, autant se tenir pour dit que ce serait basculer tout de bon dans l’islamisme. »

Toujours est-il que, d’ordinaire, tout le monde raffole des gros imbéciles boursouflés sortis d’un roman d’il y a deux siècles. On aime en rire gentiment et, avec un peu de recul, on peut même trouver significativement drôle que des micros leurs soient tendus sans blague.

Mais difficile ici de rire. D’abord car il va sans dire qu’Habib, guère plus qu’un cochon, nous l’avons démontré, n’est pas un gros imbécile boursouflé. Ensuite car si le cirque des éditorialistes et marchands d’opinions est vaguement pénible quand il refourgue son tout-venant sur les prélèvements obligatoire, l’éducation, la culture… il devient glaçant quand il puise ses entendements dans la fosse, tient pour normaux, valables, ses cris belliqueux. Et finalement entonne avec elle, toute honte bue, le chant des assassins.

Nos desserts

Notes

[1] https://www.liberation.fr/checknews/que-sait-on-de-cette-video-ou-le-depute-meyer-habib-qualifie-la-population-gazaouie-de-cancer-20240119_HZ2RISJQ35CYZHKCTEHK7XYWLY/

[2] Cf, quant à ces quelques faits, le portrait publié par Frustration : https://www.frustrationmagazine.fr/meyer-habib-porc-fi/

[3]  https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/07/15/stephane-le-rudulier-des-ombres-dans-le-parcours-du-professeur-figure-montante-des-republicains_6134940_4355770.html

[4] https://www.cnews.fr/france/2024-05-29/laurence-ferrari-jean-luc-melenchon-na-pas-dit-un-mot-sur-les-insultes-antisemites

[5] https://youtu.be/gzfhZAAcPek?si=p-OWL7GjorX1REyN

[6] https://www.bfmtv.com/politique/bernard-henri-levy-traiter-meyer-habib-de-porc-c-est-parler-comme-dieudonne-et-comme-alain-soral_VN-202405290963.html

[7] https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/politique/benjamin-netanyahou-tient-a-la-vie-des-civils-cest-le-combat-de-sa-vie-defend-le-depute-lr-meyer-habib

[8] https://www.humanite.fr/politique/armee-israelienne/un-juif-ne-sera-jamais-un-colon-en-judee-comment-meyer-habib-est-devenu-le-porte-parole-de-la-droite-radicale-israelienne

[9] https://x.com/Meyer_Habib/status/1798357896402473228?ref_src=twsrc^google|twcamp^serp|twgr^tweet

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2 réponses »

  1. Meyer Habib est un français, un vrai français de vrai français.

    Et il suffit d’ouvrir n’importe quel album d’Astérix pour en avoir la preuve.

    Il est à la fois Obélix et Sanglier

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