À partir des années 1990 aux États-Unis, puis des années 2000 en France, les territoires périurbains ne sont plus perçus sous le seul prisme de l’idylle. Une veine satirique, voire dystopique, prend corps, pour raconter d’autres trajectoires que celles de réussites sociales.
Si Plexiglas est marquant dans son approche territoriale, c’est qu’il va encore plus loin. Les protagonistes évoluent dans un cadre géographique flou, sans limite précise, dans lequel s’articulent autour d’une ZAC de multiples types d’habitats, des supermarchés, des bars-tabacs, des EHPAD, des agences Pôle Emploi/France Travail et des pizzerias.
Dans cet environnement fait d’indéterminations, on suit deux personnages entourés de nombreux acolytes : Elliot, bientôt jeune trentenaire, forcé de revenir chercher du travail dans la ville de son enfance, et Lulu, caissière de supermarché, qui franchit le cap de la soixantaine.
Plexiglas met en scène diverses formes de misères : économique, sociale, affective, sexuelle. On n’y élude ni les procès d’exploitation ni les modalités pernicieuses de paupérisation. L’intrigue, qui se déroule en 2020, fait lien avec l’actualité du temps, notamment par les évocations des Gilets Jaunes.
Mais Antoine Philias sait déjouer les pièges. Il ne se montre ni moralisateur ni misérabiliste. Les personnages ne sont pas traités en surplomb, mais à hauteur d’homme et de femme. Ils font face aux situations avec leurs ressources : sans héroïsme, mais pas sans force et sans courage, recourant, pour résister à l’humour ou à des stratégies de basse intensité (renâcler, ralentir, faire semblant de ne pas comprendre, contourner, feindre d’obéir…).
À ce titre, l’écriture apparaît comme un outil au service du propos. En maniant le verbe de manière percutante, l’auteur parvient tant à dévoiler les ressorts des normes qu’à insuffler une forme de révolte contre elles.
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