Politique

Le fascisme, nous y voilà : quelques clarifications sur la situation actuelle

Chaque jour, de nouveaux caps sont franchis dans l’abject. La situation politique globale semble s’accélérer et l’on sent qu’un tournant vers des formes renouvelées de fascisme s’opère, de Trump II à Meloni, de l’AfD allemande à Ciotti, Bardella et leurs strapontins macronistes. Nous y voilà donc. La situation nous oblige à élucider les forces en présence et énoncer des lignes claires. Par exemple : le fascisme s’impose quand le capital y voit la meilleure option pour sécuriser ses dynamiques d’accumulation. Le capital, voilà l’ennemi : comme toujours.

Un constat, simple : la concentration du capital dans les mains de quelques-uns – n’ayant d’autre but que de le faire fructifier – nous mène à la ruine. Certains l’ont compris depuis longtemps – on pense à Marx. D’autres découvrent la nocivité du capitalisme sur le tas. Exemple chimiquement pur à travers la figure d’Elon Musk. Elon est un milliardaire, ayant fait fortune dans la tech. Elon amasse beaucoup de sous, devient l’homme le plus riche du monde, ne sait plus quoi faire de son fric. Ou plutôt si, il sait très bien : puisque dans les sociétés capitalistes, l’argent achète tout, même – surtout – le pouvoir, Elon achète un réseau social concentrant des milliards de données personnelles de ses utilisateurs, et oriente tout entier ce réseau vers la conquête du pouvoir par une bande d’oligarques fascisants, aux Etats-Unis mais aussi désormais en Allemagne.

S’ensuit l’équivalence logique : concentration intense de capital dans la main d’un homme = pouvoir de nuisance incommensurable. Certains pensaient Elon isolé – une exception, comme l’ami Bolloré chez nous. Des milliardaires fanatisés, mais des exceptions – les autres sont gentils, d’ailleurs ils créent des emplois. L’accélération politique à l’œuvre ces derniers mois apporte avec elle son lot de clarifications. Où l’on découvre donc le gentil Bernard Arnault – il a reconstruit Notre-Dame tout seul avec Manu – chanter les louanges des fascistes américains[1]. Hier, Bolloré et Stérin, demain Pigasse, Arnault, Niel et toute la clique, pourvu que le cash flow.

Bernard Arnault

Première clarification : les milliardaires, un « bariolé identique » – c’est Sandra[2]. Différents sons de cloches, un même bruit de fond : laissez-nous accumuler en paix, ou les crocs sortiront. Première conclusion : les milliardaires ne devraient pas exister, ils se servent bien, ils ne servent à rien.

Dans ces temps particulièrement opaques, tout paradoxalement s’éclaircit. Clarifions donc encore : les capitalistes n’en ont globalement rien à carrer, ils vont simplement où le vent du profit les porte – quitte à pousser les fachos au pouvoir. Certains avaient d’ailleurs pu étonnamment croire le capital doué de morale ou de bon sens ; les mythes s’envolent d’eux-mêmes. Illustration : nous apprenons mercredi 5 février 2025 au matin que le chiffre d’affaires de TotalEnergies est en baisse (flûte) mais les dividendes versés aux actionnaires, eux, sont toujours en hausse (chouette), des coupes massives ayant été réalisées dans les investissements de la firme en énergies renouvelables (oups).

À la moindre bourrasque, le gant de velours vert s’envole donc, la main de fer du capital reste seule. Ces temps-ci, un ouragan fasciste – eux disent « un grand vent de liberté » – souffle sur le monde. D’aucuns estiment d’ailleurs qu’il pourrait y avoir causalité historique entre développement agressif du capitalisme marchand et relents bruns de ressentiment nationaliste – tiens donc, qui pourrait croire qu’à travers l’histoire les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Un ouragan fasciste souffle donc sur le monde, et avec les bruns c’est facile : pas touche aux profits. Alors Saint Capital se laisse porter. Mieux/pire : il souffle avec les fachos pour faire sauter toute entrave au profit. Quand marché pas content, lui toujours faire ainsi – c’est Frédéric[3].

Aujourd’hui, le problème majeur que nous pose le capitalisme n’est donc pas seulement un enjeu moral de répartition inégale de la richesse – il l’est, de toute évidence – mais également un enjeu politique : celui du pouvoir de nuisance sans borne conféré par l’accumulation privée du capital à ses détenteurs. Écoutons David et David : il convient de « prendre en compte ce à quoi les gens s’opposent réellement dans le cadre de ces structures sociales « inégales » : le fait que certains parviennent à convertir leur richesse en pouvoir sur les autres, par exemple, ou que d’autres s’entendent dire que leurs besoins n’ont pas d’importance et que leur vie n’a pas de valeur intrinsèque »[4].

« Les milliardaires ne devraient pas exister, ils se servent bien, ils ne servent à rien. »

Avec Elon et les autres surgit donc peut-être l’occasion attendue ou non de démontrer une bonne fois pour toutes le caractère néfaste de l’accumulation privée du capital, qui réside dans le pouvoir et l’ascendance que l’argent donne aux plus nantis sur ceux qui en sont dépourvus. Au hasard : acheter des journaux et des réseaux sociaux, discipliner une société en lui jetant de la poudre aux yeux, sécuriser en douce les profits. Des soucis ? La faute aux trans, aux dépenses publiques, aux Mexicains et aux narco-racailles – jamais aux patrons.

Une clarification de plus : il y a aujourd’hui et depuis trop longtemps, en France et dans le monde, une structure économique – le capitalisme marchand – incarnée par une minorité agissante – la classe bourgeoise – qui en poursuivant sa recherche effrénée de profit et de pouvoir entraîne le monde à sa perte. Perte morale : le fascisme. Perte matérielle : la catastrophe écologique. Conclusion intermédiaire : l’urgence vitale est aujourd’hui de démanteler le capitalisme et le pouvoir que ce système socio-économique confère à quelques-uns. Objectif limpide.

Manifestation néofasciste du Comité du 9-Mai, Paris (2024)

Pourtant, à cet instant précis de l’histoire où du ventre chaud renaît la bête immonde, certains s’acharnent à plugger des serveurs d’IA – c’est Manu – pour y aller vite et très vite – vers l’abîme ?[5] D’autres suppriment des aides pour isoler les logements, font sauter l’application des règles anti-pesticides, parlent submersion migratoire et identité nationale, copient le chant des bruns mais leur voix toujours sera trop chevrotante – c’est Bayrou. Alors ils penseront : nous n’avons d’autre choix que de les mettre au pouvoir – les bruns. Nous refusons cela.

« Un ouragan fasciste souffle donc sur le monde, et avec les bruns c’est facile : pas touche aux profits. »

Pour clarifier les choses, on peut mettre des signes « = ». Par exemple : renforcer le capital = nourrir le fascisme. S’ensuit donc : lutter contre le fascisme qui partout se renforce = lutter contre le capitalisme qui gangrène nos sociétés, nos solidarités, le tissu de nos vies. Pas d’antifascisme efficace sans lutte anticapitaliste. Toute initiative allant en ce sens sera donc jugée bonne, merci d’avance. On pourrait par exemple commencer par démanteler le capitalisme par le haut, ou bien le cisailler par en-bas. On allierait nos forces pour « éroder » le capitalisme – c’est Erik[6] – c’est-à-dire créer des brèches législatives où s’engouffreraient des gens, des conseils de quartier, des zadistes, des caissières en grève et des garçons de café.

On élirait des députés qu’on pourrait révoquer s’ils ne votaient pas d’urgence une grande loi pour interdire la concentration des médias et garantir la presse libre. On prendrait des mesures de salut public pour plafonner les revenus, les héritages et la taille des entreprises. D’autres pour favoriser la création et la reprise d’activités en coopératives autogérées par-ci, pour collectiviser les entreprises au-delà d’une certaine taille par-là. Et sur le terrain on s’entraiderait. On expérimenterait des caisses sociales de l’alimentation ou du logement. On bloquerait les chantiers d’autoroute, les raffineries, les nœuds logistiques. On reprendrait la terre aux machines, on y ferait pousser notre propre bouffe. On se syndiquerait. On reprendrait nos vies à leurs griffes.

Et tout cela, c’est déjà là, c’est du conditionnel mais c’est aussi du présent. Des propositions de loi dans des tiroirs, des expérimentations locales, des tracts et des chansons, des gens qui font et qui tracent un sillon. De « l’érosion-du-capitalisme » déjà-là. Y a qu’à souffler sur les braises, nous aussi. Des braises rouge vif qui feraient un grand feu, on y brûlera leurs chemises brunes.

« Pas d’antifascisme efficace sans lutte anticapitaliste. »

Face aux assauts du capital fascisé, deux choix : s’affaler ou bien passer la seconde – c’est toujours Fred qui parle[7]. La bataille qui s’ouvre ne peut avoir d’autre issue que notre victoire collective. Nous y voilà donc, à nouveau. La ligne de front s’éclaircit jour après jour. À ma droite : l’éternel retour de l’alliance entre capital et fascisme. À ma gauche : l’écosocialisme, la décroissance, la subsistance, la convivialité, le commun, la commune, le communisme – appelle-ça comme tu veux, on n’est pas dogmatique. Aujourd’hui le choix est binaire. On/off. Socialisme ou barbarie – c’est Cornelius[8]. L’utopie ou la mort – c’est René[9].

Conclusion finale : que crève le capitalisme. Ce sera lui ou nous – c’est Hervé[10].

Arthus Fabliaut

Nos Desserts :

Notes

[1] Dominique Nora, « La contagion américaine : les grands patrons français séduits par l’exemple Trump ? », Le Nouvel Obs, 12 février 2025

[2] Sandra Lucbert, Le Ministère des contes publics, Verdier, Lagrasse, 2021

[3] Frédéric Lordon, Figures du communisme, La Fabrique, Paris, 2021

[4] David Graeber et David Wengrow, « Comment changer le cours de l’histoire (ou au moins du passé) », La revue du crieur, 2018, vol. 3, n°11, pp. 4-29

[5] Célia Quilleret, « « Plug, baby, plug ! » : quand Emmanuel Macron joue les gros bras face à Donald Trump », Planète verte, France Inter, 14 février 2025

[6] Erik Olin Wright, Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, La Découverte, Paris, 2020

[7] Frédéric Lordon, op. cit.

[8] Socialisme ou barbarie est une revue politique publiée de mars 1949 à août 1965 par l’organisation française Socialisme ou Barbarie. L’organisation et la revue sont créées à Paris en 1949 par un groupe de militants mené par Cornelius Castoriadis et Claude Lefort. Source : Wikipédia.

[9] René Dumont, L’utopie ou la mort, Seuil, Paris, 1973.

[10] Hervé Kempf, Que crève le capitalisme. Ce sera lui ou nous, Seuil, Paris, 2020.

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2 réponses »

  1. je suis on ne peut plus, d’accord, notre monde fonce vers sa fin. Pour se faire des petits plaisirs on détruit notre planète. Le système capitaliste est devenu une ploutocratie qui ne voit plus que le bénéfice immédiat et la thésaurisation des ultra-nantis aux dépens des peuples et états surendettés, mais pour quoi faire ?

    Quand on aura tout détruit, il sera trop tard. L’argent n’a pas de valeur en soi, c’est un moyen, pas un but et cela ne rend certes pas heureux. De plus, nous occidentaux sommes pris dans une bulle algorithmique comme sur le net, dans nos sociétés riches, on ne meurt plus de faim et de froid, mais du syndrome métabolique, la société redistribue, nous avons des problèmes de riches. Dans les pays pauvres, les famines reprennent, certes moins qu’il y a 70 ans, mais on vit dans des cabanes, sans confort, sans clim, parfois encore sans électricité et ce sont ces pauvres qui vont subir le plus le dérèglement climatique provoqué par la consommation effrénée des pays riches.
    Seule solution, une sobriété acceptée omniprésente, qui passe par des réformes dures, moins consommer, moins se chauffer, moins manger, y compris pour les « pauvres » des pays riches, moins de redistribution, lutter contre la gabegie dans les soins où on gaspille plus de la moitié, stopper les dettes étatiques et mettre à contribution les riches au point de réduire progressivement leurs avoirs pour réduire l’inégalité qui croît quasi-exponentiellement. Chacun doit contribuer, car nous participons tous à la destruction de notre planète

    • Il y a de nombreux qui ne sont pas surrendettés, a commencer par l’Allemagne par exemple. Vos angoisses apocalyptiques brouillent votre perception de la réalité.

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