Paul Guillibert, philosophe et enseignant, a émergé comme une figure importante de la pensée écologique contemporaine. À travers ses deux ouvrages principaux, « Terre et Capital » et « Exploiter les vivants », il propose une critique radicale du capitalisme en réarticulant les théories marxistes aux enjeux écologiques. En mobilisant des concepts originaux et en repensant les liens entre exploitation, production et vivant, Guillibert invite à envisager une écologie politique résolument anti-capitaliste.
Terre et Capital : Pour un communisme du vivant
Dans Terre et Capital, Guillibert interroge la capacité du communisme à répondre aux défis de l’ère de l’Anthropocène. Inspiré par les travaux de Karl Marx, Raymond Williams et José Carlos Mariátegui, il critique l’échec des pays socialistes à remettre en question les logiques productivistes. Pour Guillibert, ces régimes ont reproduit une vision industrialiste qui considérait le progrès technologique comme émancipateur, mais au détriment des écosystèmes.
Selon lui, le capitalisme ne se contente pas de structurer les relations humaines et économiques. Il transforme également les conditions biotiques de la planète, altérant durablement les équilibres écologiques. « Le capitalisme est une force géologique », affirme Guillibert. Cette idée souligne l’ampleur des bouleversements climatiques et écologiques produits par l’exploitation intensive des ressources naturelles.
Guillibert appelle à un « communisme du vivant », une alternative radicale basée sur une logique de décroissance émancipatrice. Ce communisme ne se limite pas à une redistribution des ressources, mais s’inscrit dans une transformation des relations écologiques et sociales. Il propose ainsi un imaginaire de l’abondance fondé sur les relations entre les vivants, plutôt que sur l’accumulation de marchandises.
Exploiter les vivants : Une écologie politique du travail
Dans Exploiter les Vivants, Guillibert étend sa critique en explorant le lien entre écologie et travail. Il développe une « écologie politique marxiste » qui s’oppose à l’écologie libérale, souvent moralisatrice, et au risque d’un écofascisme autoritaire. L’ouvrage analyse comment le capitalisme ne se contente pas d’exploiter le travail humain, mais mobilise l’ensemble des vivants (animaux, écosystèmes et même les processus naturels) dans une logique de production destructrice.
« Le capitalisme transforme les conditions biotiques de la planète, altérant durablement les équilibres écologiques. »
« Le capitalisme est fondé sur la mise au travail des interdépendances naturelles », explique Guillibert. Il démontre comment le système capitaliste s’approprie gratuitement le travail reproductif (assuré majoritairement par les femmes), les ressources des colonies, et les processus écologiques. Par exemple, les animaux domestiques et les sols arables deviennent des agents productifs intégrés dans les chaînes de valeur, intensifiés jusqu’à l’épuisement.
L’une des thèses centrales du livre est que cette exploitation généralisée des vivants crée un « prolétariat écologique » qui inclut humains et non-humains. Cette perspective révolutionne la compréhension traditionnelle des rapports de classe en élargissant la notion d’exploitation à l’ensemble des interactions écologiques.
Vers une écologie révolutionnaire
Guillibert propose une rupture avec les politiques écologiques réformistes. Plutôt que de chercher à « verdir » le capitalisme, il plaide pour une transformation radicale des modes de production et des relations écologiques. Cette transformation nécessite, selon lui, une articulation entre les luttes sociales et écologiques. « Il ne s’agit pas seulement de sauver la planète, mais de réinventer les conditions de vie pour tous les vivants », affirme-t-il ainsi.
Son approche met en avant l’idée d’un « communisme décroissant », qui valorise la qualité des relations écologiques et sociales plutôt que la quantité de biens produits. Ce projet, bien qu’utopique, repose sur une critique rigoureuse et une vision ambitieuse de l’émancipation collective.
« L’exploitation généralisée des vivants crée un « prolétariat écologique » qui inclut humains et non-humains. »
Avec Terre et Capital et Exploiter les vivants, Paul Guillibert invite à repenser en profondeur les liens entre écologie et politique. Ses ouvrages offrent des outils intellectuels pour critiquer les logiques destructrices du capitalisme et imaginer des alternatives soutenables et émancipatrices. En redonnant une centralité aux vivants dans les théories économiques et sociales, Guillibert ouvre la voie à une écologie révolutionnaire capable de relever les défis du présent.
Benoît Labre
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