Culture

Art contemporain : qu’y a-t-il derrière le chantage au fascisme ?

On ne parle pas assez de façon politique de l’art contemporain. Ce n’est que trop rarement que sont établis des parallèles entre l’état de délabrement de la vie politique et celui du monde de l’art, travail qui devrait relever aussi de la critique « partiale, passionnée, politique », que Charles Baudelaire appelait de ses vœux. Les récentes élections départementales, pour ne s’attarder qu’à un épisode récent de la vie publique, ont témoigné d’une dynamique de fond qui mérite qu’on s’y attarde tant elle éclaire les mécanismes de chantage et de malhonnêteté intellectuelle en jeu aussi dans le monde de l’art contemporain.

Au soir d’une prévisible raclée de son parti au second tour des élections départementales, le Premier ministre Manuel Valls discourait, fronçant du sourcil avec cet air qu’on lui connaît et dont il est difficile de dire ce qu’il doit à la méchanceté, à la détermination ou à la constipation. Malgré des résultats en hausse, le Front national était « contenu » ; le Premier ministre pouvait alors se féliciter de la « mobilisation républicaine » puisque des partis dits « républicains » avaient refusé de s’allier au parti bleu marine, et l’avaient ainsi maintenu à distance.

La scénographie est la même à chaque élection : le parti au pouvoir, appliquant une politique prévisiblement défavorable à la majorité des citoyens et accommodante au grand capital, subit une prévisible déroute, prévisiblement commentée par le parti dit « d’opposition » comme un désaveu populaire de la politique gouvernementale. Les rôles s’inversent à l’élection suivante, la déception et la tromperie portant sur l’autre camp. Interchangeables pantins d’un même ventriloque. Les Tatayet UMP tenaient en mars les mêmes propos que les Tatayet PS lors des dernières élections cantonales en 2011.

« Un traité dont Valéry Giscard d’Estaing affirma dans Le Monde qu’il relevait de “changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler”»

L'Europe c'est la pai...L’alibi répété de la « mobilisation républicaine » consiste à présenter les partis de pouvoir (camp du Bien) en « garants des valeurs démocratiques », ce à quoi attenterait le FN (camp du Mal). Les premiers nous prémuniraient donc de la « tentation du pire » et de la « Bête immonde » et représenteraient la seule voie de la Raison. Il est vrai qu’ils en savent long sur la démocratie. N’ont-ils pas su transformer la merde en or, ayant entendu le « non » des Français au référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, par une opération d’alchimie de la « démocratie représentative », adoptant à Versailles – tout un symbole – le Traité de Lisbonne ? Un traité dont Valéry Giscard d’Estaing affirma dans Le Monde qu’il relevait de « changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler ». Tout ceci confirmant les propos de Cornélius Castoriadis, qui estimait que derrière ce qui est qualifié de démocratie, il n’y a qu’une « oligarchie dominée par la bureaucratie des partis ».

Mais y a-t-il au moins des « républicains » ? Appliquant les desiderata du grand capital et de l’Union européenne qu’il a construite, clamant devant les grands capitalistes son amour de l’entreprise, disant son  admiration de Thatcher, rassurant les banquiers de la City, privatisant (dynamique commune à celle de la droite), organisation la dérégulation bancaire, libéralisant à tour de bras, fournissant au grand projet néolibéral un président de la Commission européenne (Jacques Delors, de 1985 à 1995), deux directeurs de l’Organisation mondiale du Commerce (Michel Camdessus — qui, s’il n’était pas encarté au PS en était proche —, de 1987 à 2000 ; Pascal Lamy[i], de 2005 à 2013) et un président du Fonds monétaire international (Dominique Strauss-Kahn, de 2007 à 2011), le PS a démontré son engagement fervent pour l’économie de marché et le soutien actif aux intérêts privés de l’oligarchie capitaliste[ii] . Quant à l’UMP, qui a eu le toupet de se renommer « Les Républicains »… faut-il vraiment s’y attarder ? Quelle personne de bon sens croit encore que la res publica soit leur affaire ?

« Quant à l’UMP, qui a eu le toupet de se renommer “Les Républicains”… faut-il vraiment s’y attarder ? Quelle personne de bon sens croit encore que la res publica soit leur affaire ? »

L’infantilisante scénographie « politique » des merdias

Luc Billières - Permanence de l'oppression, la pulsion de mort Plâtre , 43 cm - PU

Luc Billières, Permanence de l’oppression, la pulsion de mort (plâtre, 43 cm). Une œuvre reproduite ici avec l’aimable autorisation de l’artiste

S’ils ne sont ni républicains ni démocrates, à tout le moins, peut-être nous prémunissent-ils du pire ? Voire. Le bilan de Jean-Marie Le Pen, tout de même, est principalement d’avoir réussi à constituer l’épouvantail parfait, quelque peu « créé » par le PS pour affaiblir temporairement la droite et, en remplaçant la lutte des classes par un antiracisme de diversion, faire oublier qu’il embrassait le néolibéralisme.

Siphonnée par une fascination mêlée d’horreur pour Le Pen, au moment où s’opérait le grand virage idéologique et le reflux du communisme, toute une génération s’est politisée autour de l’antiracisme faisant un peu oublier les conquêtes du grand capital permises par le PS, relayé bientôt par la droite. Curieusement, la libéralisation de la vie politique irait plutôt dans le sens du Le Pen des années 1980[iii]. Un diablotin de baudruche, rotant, goguenard, ses blagues antisémites, qu’on a fait monter en grand péril fasciste, cependant qu’il n’avait ni l’intention, ni les moyens de mobiliser des milliers d’hommes pour en découdre avec le Parlement comme les Ligues factieuses en 1934. Et des violences et des meurtres, comme celui du pauvre Clément Méric, n’y changent rien.

Essentiellement, que les idiots la prennent au sérieux ou pas, la scénographie infantile des merdias où s’opposent le Bien et le Mal ne sert qu’à maintenir un pouvoir d’alternances sans alternative, PS, puis RPR, puis PS, puis UMP, puis PS, puis Les Républicains. Seul le nom change (à droite, du moins). Le chantage opère : ou bien c’est nous, « les démocrates », ou bien c’est le fascisme. Et nous voilà sommés de choisir entre le cancer et le sida, qui sont moins pires qu’Ebola. Le tout entretient aussi, même à gauche, cette prolophobie ambiante consistant à faire passer les ouvriers pour des lepénistes, le rejet de l’Union européenne pour une xénophobie, etc.
FN parti ouvrierSeuls les idiots ou ceux qui ont intérêt au statu quo devraient croire à ces montages entrelacés. Pour prendre le FN au pied de la lettre, qui pouvait encore récemment dénoncer l’UMPS (ayant bien compris que cet acronyme-valise dénonçait une vérité dérangeante, l’UMP a choisi la stratégie de se renommer), avançons que ce n’est pas l’UMPS, mais le FNUMPS qui forme le bloc à détruire, bloc de sclérose où le FN sert à maintenir ceux qu’il dénonce, dans une grande tromperie où tombent tous les gogos apeurés, pris aux rets qu’ils ont tissés et tremblants devant le Grand méchant Loup fasciste, ce personnage de conte pour grands enfants qui ne viendra pourtant pas dévorer le Parlement si aisément. Et le capitalisme d’avancer encore, peinard. La scénographie opère et tout n’est que spectacle, ce « mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de sommeil », selon les mots de Guy Debord[iv].

Le Bien contre le Mal : même refrain avec l’art contemporain

Comprendre cette scénographie et ses ressorts, c’est comprendre un modus operandi au profit d’une classe de privilégiés : ces bourgeois petits et grands dont l’enthousiasme pour une mondialisation dont ils ne souffrent pas se traduit dans leur vote ainsi que dans leurs propos à travers tous les merdias où ils ont pignon-sur-pognon. Car, comme toujours, les bourgeois confondent leur vision du monde et le bien universel. C’est en ceci que les mécanismes d’une politique-spectacle bornée à une fallacieuse polarité, éclairent le cas de l’art contemporain et de l’engeance, peu ou prou la même, qui tire profit du chantage qu’elle applique sitôt que ses intérêts — individuels ou de classe — sont menacés.

Autrement dit : en France, le conservatisme de ceux qui ont intérêt au statu quo se travestit, en politique tout comme dans l’art contemporain, sous un discours progressiste auquel beaucoup à gauche se laissent encore prendre. Et d’autant plus facilement que, tout comme les violences de quelques individus néofascistes renforcent l’illusion d’un péril fasciste, le tapage d’organisations d’extrême droite contre l’art contemporain renforce la légitimité des maîtres-chanteurs. Qui osera dénoncer l’art contemporain s’il doit commencer par un « je ne suis pas fasciste, mais l’art contemporain… » qui sonne comme le bien connu « je ne suis pas raciste, mais… », ou s’affronter au mépris condescendant de prétendus experts ? L’on préfère souvent se taire, donc, reconnaître que « l’on n’a pas les outils de compréhension », cédant à la foutaise des maîtres-tanceurs. Mais écoutons plutôt ceux-ci, les « progressistes », pour comprendre de quoi il retourne.

« “Honte à vous !” résume en trois mots la guerre à la vie, à la mort, que nous menons contre les réacs et les négationnistes de l’art qui veulent détruire la Demeure du Chaos comme symbole de la résistance face au conservatisme… » : ce sont les premiers mots du livre Honte à vous, signés de Thierry Ehrmann, fondateur de la Demeure du Chaos, musée d’art contemporain très singulier en Rhône-Alpes. Engagé dans une procédure judiciaire depuis plusieurs années[v], il a été condamné à une « remise en état » de l’endroit qui reviendrait à une destruction de nombreuses œuvres. Suivi par quelque 72 000 signataires, Thierry Ehrmann est le PDG « rock’n’roll » du groupe Serveur, qui détient Artprice, leader mondial de l’information sur le marché de l’art, et l’une des 200 plus grandes fortunes de France avec un patrimoine estimé à 80 millions d’euros[vi].

Au moment de l’affaire du « plug anal » de Paul McCarthy (Tree) sur la place Vendôme, en octobre 2014, lorsqu’alors des citoyens se consternèrent, ils ont eut droit au commentaire de la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin :

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Comme de bien entendu, les Inrocks se réjouit de pouvoir dénoncer les « réacs » qui s’offusquaient de cette ineptie. Magazine de la cool rebellitude libérale-libertaire, les Inrocks appartient à Matthieu Pigasse, ancien conseiller de DSK et directeur adjoint de cabinet de Laurent Fabius, puis vice-président européen de la banque d’affaires Lazard. Donc inféodés au capitaliste Pigasse, il ne faut pas s’étonner de les voir pavloviennement récidiver plus souvent qu’à leur tour (cf. la récente dénonciation de la « fachosphère » à l’occasion d’une exposition d’Anish Kapoor à Versailles), avec cette lâcheté cool balançant plus volontiers sur les « réacs » dépourvus de menace (et d’existence même) politique(s) réelle(s), que sur la mise à disposition du patrimoine public pour valoriser les artistes collectionnés par François Pinault. En effet, en 2008, les Inrocks avait déjà pointé les « ultraréacs » et leur « polémique d’arrière-garde » contre les expositions de Takashi Murakami, Jeff Koons ou Xavier Veilhan à Versailles. Symptomatiquement, ils s’étaient tus quant à la mise à disposition par Jean-Jacques Aillagon, alors président de l’Établissement public de Versailles, des espaces dont il avait la gestion, pour y exposer et valoriser les collections privées de son ami François Pinault (septième fortune de France), dont il avait été préalablement administrateur délégué et directeur du Palazzo Grassi de Venise. Commode, pour le milliardaire, qui possède aussi… les salles de vente Christie’s. Les rebelles cool de Pigasse ne la ramènent curieusement pas, eux qui comme lui sont « de gauche », quand il s’agit de dénoncer les curieuses accointances entre privé et public, ni sur l’art de gonfler une cote d’artiste et renflouer le capital privé d’un oligarque avec l’aide active de l’État.

« Les rebelles cool des Inrocks ne la ramènent curieusement pas, eux qui comme lui sont “de gauche”, quand il s’agit de dénoncer les curieuses accointances entre privé et public, ni sur l’art de gonfler une cote d’artiste et renflouer le capital privé d’un oligarque avec l’aide active de l’État. »

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Immersion, Piss Christ d’Andres Serrano (1987, Commons Wikimedia/Migel Sances Huares ©)

Le même Jean-Jacques Aillagon susmentionné se disait déjà « extrêmement choqué» par « un acte de régression très inquiétant» (toujours la même rhétorique du progrès) lorsque des catholiques intégristes avaient vandalisé Immersion, Piss Christ, d’Andres Serrano. Alors ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand avait « [condamné] une telle atteinte à un principe fondamental, la présentation de ces œuvres relevant pleinement de la liberté de création et d’expression qui s’inscrit dans le cadre de la loi», portant donc secours au propriétaire, le galeriste multimillionnaire Yvon Lambert, effaré : « Cette ignorance, cette intolérance. C’est le Moyen-Âge qui revient à grand-pas». Caractéristique des puissants défendant leur pré carré : ils sont des individus, face à une masse de « réacs » sans pensée et unis dans l’ignorance.

À ce florilège fatalement non exhaustif, difficile de ne pas ajouter le roi des rois en matière de pompiérisme officiel, Daniel Buren : « Ceux qui vomissent sur mes œuvres sont les petits-enfants de ceux qui crachaient sur Renoir»[vii]. S’estimant moqué car incompris comme les impressionnistes à leurs débuts — ils ne le demeurèrent pourtant pas bien longtemps et ceux qui vécurent longtemps finirent leur vie dans l’opulence et les honneurs —, l’artiste a bâti depuis la fin des années 1960 sa carrière et sa fortune multimillionnaire à partir de la réplication sur tous supports et en toutes formes de bandes de 8,7 cm de large alternant le noir ou une couleur (rouge, vert, etc.), et le blanc, forme qu’il déclina en une très rentable commande de l’État : Les Deux plateaux, dite les « Colonnes de Buren ».

Les larbins de la gauche culturelle au service des puissants

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Norman Rockwell, Le Connaisseur (1962)

Nous devrions revenir dans un futur article sur les mythes et le martyrologe des « maudits » et avant-gardistes (c’est-à-dire ce fatras de foutaises sur les impressionnistes moqués, Van Gogh incompris, les expressionnistes persécutés par le nazisme), révélant la malhonnêteté ou, plus vraisemblablement, l’ignorance de ceux qui en font usage. Un seul point compte ici : derrière la rhétorique, derrière la scénographie du Bien contre le Mal, il s’agit du capital et la propriété privée d’individus riches à millions. Et qui jouent volontiers et bruyamment les mécènes humanistes protégeant des artistes martyrs des forces obscures prêtes à se déchaîner. Leur intérêt à défendre cet « art de classe » (pour citer Nicole Esterolle) va au-delà des proclamations « progressistes » et en faveur de la « liberté » : il en va d’un ordre, le leur, qu’il leur revient de défendre, tout autant qu’à la valetaille merdiatique ou aux « intelligents » aliénés.

Mais ce qui ne laisse pas d’intriguer, c’est le rapport à l’art contemporain de certaines personnes éduquées, souvent de gauche, dont les articles des Inrockuptibles susmentionnés sont symboliques. Ils s’expliquent en partie par « […] l’aptitude qu’ont les riches et les puissants à identifier leur domination à de grands principes moraux, ce qui a pour effet de transformer toute remise en question en crime, non seulement contre l’État mais contre l’humanité elle-même»[viii]. C’est ainsi que, croyant défendre la liberté de l’artiste contre un « Moyen-Âge qui revient à grand pas », beaucoup de naïfs se rangent derrière les grands capitalistes, eux qui participent d’une dynamique où c’est le XIXe siècle qui fait retour, avec sa précarité, ses fortunes obèses, son antisyndicalisme, son éthique de boutiquiers et sa vulgarité, cela sous couleur de « modernisation ».

 « C’est ainsi que, croyant défendre la liberté de l’artiste contre un “Moyen-Âge qui revient à grand pas”, beaucoup de naïfs se rangent derrière les grands capitalistes, eux qui participent d’une dynamique où c’est le XIXe siècle qui fait retour, avec sa précarité, ses fortunes obèses, son antisyndicalisme, son éthique de boutiquiers et sa vulgarité, cela sous couleur de “modernisation”. »

Gabriel von Max - Singes comme critiques d'art, 1889

Gabriel von Max, Singes comme critiques d’art (1889)

Dans un article définitif, Julien Arlandis exposait le « syndrome du larbin », ce « comportement pathologique visant à prendre systématiquement la défense des classes les plus favorisées au détriment de celles dont [on] est issu ». Dans une société de plus en plus désidéologisée et où le sentiment d’appartenance à une classe s’est dilué, la notion politique et horizontale de lutte des classes est de moins en moins familière à une majorité de gens qui ont traversé, qui sont nés ou qui ont grandi dans les années 1980, 1990 et 2000, que la notion, éthique et transversale, de rejet du racisme qui l’est beaucoup plus. À l’époque du naufrage généralisé du diplôme (qui ne met plus à l’abri de la précarité), on ne parle plus de ce phénomène commun de bêtise « savante » que l’on peut surnommer avec Freud le « narcissisme des petites différences ». Et c’est ainsi que l’on trouve, paradoxalement, ces « pauvres qui votent à droite« , précaires supportant un édifice qui profite aux multimillionnaires : stagiaires en galerie, étudiants en arts plastiques précarisés ou étudiants en histoire de l’art, employés d’instituts « culturels », médiateurs aux contrats instables, etc.

Cela rejoint les propos de Jean-Philippe Domecq, évoquant, interloqué, ces « chroniqueurs d’art qui […], pour mille fois moins d’argent, continuent à défendre bec et plume des œuvres et anti-œuvres dont ils croient que seuls les bourgeois les méprisent – quand, au contraire, ce sont ceux qui méprisèrent Manet qui aujourd’hui respectent Warhol »[ix].

Faire sauter le tabou à gauche d’une critique de l’art contemporain

De même qu’une reconstitution de la gauche exige d’importants efforts auto-réflexifs de la part des électeurs, militants et partis de gauche (reconstruction que nous observons et appelons de nos vœux face à l’urgence économique et sociale), de même il convient de repenser profondément le rapport à l’art contemporain, à l’art tout court d’ailleurs. Car, « [d]ans une société où le pouvoir aime se présenter sous un aspect débonnaire — le gouvernement n’ayant que rarement recours à l’utilisation brutale de la force — il est particulièrement difficile d’identifier l’oppresseur, plus encore de le personnifier, ou de maintenir un sentiment brûlant d’injustice dans la population», écrivait Christopher Lasch[x].

Changer le monde, attaquer les puissances de l’argent, œuvrer à la dignité de l’individu et à la démocratisation de la vie publique, affirmer l’existence d’un commun liant les hommes : tout cela exige d’en finir avec la bureaucratie de la création (Drac, Frac, Fnac, etc.), avec un monde de copinage où bourgeois de gauche et bourgeois de droite, institutions d’État et grands capitaux financiers, se donnent la main pour promouvoir des objets ineptes n’affirmant souvent rien de plus que l’arbitraire pur d’un individu niant la dimension sociale de l’art, permis et encouragé par des institutions où règnent l’opacité et l’arbitraire des décisions. Tout ceci dominé par des personnes comme Bertrand Lavier, pouvant énoncer : « c’est quand je me suis rendu compte que l’art contemporain n’était pas de l’art que je suis devenu un artiste contemporain»[xi]. Ou comme Wim Delvoye, commentant l’exposition de ses créations au Louvre et révélant le pot aux roses : « Le Louvre est devenu une très bonne marque et je suis devenu une très bonne marque. Je suis très content des deux marques ensemble. Pour moi, l’art c’est pas grand-chose»[xii].

Il revient donc aux intellectuels critiques et radicaux de gauche, quelle que soit leur tendance, de dénoncer l’imposture et promouvoir l’art et les artistes tenus à l’écart aujourd’hui en France. Il revient aux visiteurs de musées de ne plus se laisser intimider par la foutaise amphigourique, car comme l’énonce Jean-Philippe Domecq : « [t]ant qu’elles sont plus intéressantes que les œuvres sur lesquelles elles spéculent, les théories peuvent se suffire à elles-mêmes et rester dans les livres»[xiii]. Il revient aux étudiants en histoire de l’art et en arts plastiques de questionner une histoire et un enseignement officiels, orthodoxes, qui ont une histoire, une structuration intellectuelle et classiste, et des bénéficiaires.

« Quelques 45 000 inscrits, peintres et artistes souvent précaires, à la Maison des Artistes, verraient, à coup sûr, d’un bon œil qu’un candidat à la présidentielle se penche sur une situation calamiteuse qui a contribué à la “mise à mort bureaucratique de la peinture”[xv] et d’autres formes d’art où ceux qui ont des choses à exprimer le disent avec une forme maîtrisée, un savoir-faire, non du bricolage assorti d’amphigouris. »

Il revient, enfin, aux responsables politiques, surtout à gauche, d’avoir le courage d’affronter la situation et de tenir compte, par exemple et parmi une abondante littérature sur les dévoiements de l’art moderne et la vacuité de l’art contemporain[xiv], de l’essai de Marc Fumaroli, L’État culturel, ou du rapport d’Alain Quemin pour le ministère des Affaires étrangères en 2001, qui signalait l’échec de l’administration française dans sa mission de promotion de l’art contemporain national à l’échelle internationale. Quelques 45 000 inscrits, peintres et artistes souvent précaires, à la Maison des Artistes, verraient, à coup sûr, d’un bon œil qu’un candidat à la présidentielle se penche sur une situation calamiteuse qui a contribué à la « mise à mort bureaucratique de la peinture »[xv] et d’autres formes d’art où ceux qui ont des choses à exprimer, le disent avec une forme maîtrisée, un savoir-faire, non du bricolage assorti d’amphigouris. Les bénéficiaires du système existant ne sont ni aussi nombreux ni surtout un soutien vraisemblable aux radicalités de gauche : un programme radical qui solderait les comptes de trente ans de « création » héritée de Jack Lang a le potentiel de convaincre un électorat d’artistes précarisés par une bureaucratie obtuse au service de l’inanité faite « art ». Et même des critiques, d’étudiants, d’amateurs d’art, qui pourraient voir d’un bon œil une ambition d’assainissement, une démocratisation des décisions relatives à l’art, pour en finir avec un règne des « experts » qui, en art comme en économie, ont assez démontré leur nullité.

Les critiques à gauche ne manquent pas pour dénoncer l’imposture. Ces derniers mois, et pour n’en citer que quelques-uns, ont paru quelques articles dénonciateurs dans Le Monde libertaire, Mouvement, Le Monde diplomatique ; un excellent recueil de chroniques de Nicole Esterolle a également paru aux éditions Jean-Cyrille Godefroy. Le chantage au fascisme, destiné seulement à protéger capitalistes, notables d’État et ronds-de-cuir, doit cesser. Et il est temps que les décideurs politiques viennent faire du ménage dans un monde pourri.

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Notes :

[i] Pascal Lamy analysait dans un entretien : « Il existe un décalage évident entre l’attitude française traditionnelle relative à la liberté de circulation des capitaux et le fait que des Français ont joué un rôle décisif, au sein de l’UE, de l’OCDE et du FMI, pour promouvoir cette liberté… Lorsqu’il s’agit de libéraliser, il n’y a plus de droite en France. La gauche devait le faire, parce que ce n’est pas la droite qui l’aurait fait », in Le consensus de Paris : la France et les règles de la finance mondialeRawi Abdelal.
[ii] « Les socialistes au cœur de la mondialisation », Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, jeudi 28 mars 2013, L’Humanité.
[iii] Pour un panorama plus complet, lire le dossier « Front national, visage social ?« , de nos camarades de Fakir, n° 163, décembre 2013-janvier 2014.
[iv] « À mesure que la nécessité se trouve socialement rêvée, le rêve devient nécessaire. Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de sommeil. Le spectacle est le gardien de ce sommeil », Guy Debord, La Société du Spectacle (1967), aphorisme 23.
[v] Voir, par exemple, la larbinesque vidéo hagiographique qui explique les données du problème.
[vi] « Le milliardaire le plus allumé de France », Groupe Serveur, initialement publiée dans Mouvement en mai 2004.
[vii] Daniel Buren, Les écrits (1965-1990), tome 3, p. 137.
[viii] Christopher Lasch, La culture du narcissisme, éditions Flammarion, coll. Champs Essais, p. 59.
[ix] Jean-Christophe Domecq, Artistes sans art ?, éditions 10/18, p. 49.
[x] Christopher Lasch, op. cit., p. 119.
[xi] Nicole Esterolle, La Bouffonnerie de l’art contemporain, éditions Jean-Cyrille Godefroy, p. 52.
[xii] « Wim Delvoye, l’art et la lutte des classes », interview par Mediapart, visible sur Dailymotion.
[xiii] J.-C. Domecq, op. cit., p. 94.
[xiv] Voir en particulier la fameuse « bibliographie Danchin », long recensement réalisé par le critique d’art Laurent Danchin, de la littérature critique sur l’art moderne et l’art contemporain.
[xv] C’est le propos central du recueil d’essais écrit par les peintres Aude de Kerros, Marie Sallantin et feu Pierre-Marie Ziegler : 1983-2013, Les Années noires de la peinture, éditions Pierre-Guillaume de Roux.

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8 réponses »

  1. A mon très humble avis, un article excellent, faudrait juste supprimer le mot gauche et lui trouver un remplaçant… Je me fous que la bonne volonté et l’honnêteté intellectuelle soit d’un bord ou d’un autre… Ces bords sont d’ailleurs les 2 faces d’une même pièce… Marre de ce soi disant courage intellectuel de gauche… La suppression des partis politique serait le seul moyen d’implanter une démocratie durable et humaine… Mais là, c’est l’utopie et j’entends déjà les sonneurs annoncer la mise à mort…!
    La gauche c’est un peu comme l’art contemporain, on ose pas en dire du mal de peur de se faire traiter de fachos…! Non…? La droite on n’en parle pas, elle n’existe que par hérédité sentimentale et peur viscérale…!

    • Bonjour, M. Chamartin, et merci pour votre aimable compliment.
      Je pourrais vous dire à mon tour que je me fous que la bonne volonté ou la malhonnêteté soit d’un bord ou de l’autre, mais c’est un fait que les malhonnêtes qui nous intéressent le plus sont ceux qui, à gauche, crient au fascisme pour défendre leur pré carré, leurs intérêts privés dont ils vivent grassement, cependant qu’ils sont les premiers ennemis de la démocratie et du peuple souverain. Il m’est donc apparu nécessaire de dénoncer l’art contemporain au nom de valeurs de gauche et dénoncer l’imposture du « camp du Bien » progressiste et des « héros » (voire « saints » intouchables) de l’art contempourri. Notamment parce que le tabou politique qu’il représente encore à gauche reste un obstacle majeur à la saisie de ce sujet.
      Cordialement,

      DJ

  2. Article intéressant, néanmoins, je ne sais pas ce que veut dire votre proposition « art contemporain ». Si vous parlez de la pièce gonflable de McCarthy (oeuvre produite à l’occasion de la FIAC – évènement purement commercial) ou des expositions à Versailles (artistes très connus dans un écrin bourgeois), vous parlez d’un certain art contemporain, celui des artistes dont la côte est très haute. S’ils sont une élite qui ne représentent pas grand chose et qui pour le coup doivent être critiqués (j’apprécie votre référence aux autres artistes qui galèrent), ils sont avant tout une représentation de l’art contemporain. Vous utilisez ainsi cette proposition bien vague pour votre argumentaire, mais allez vous voir de l’art vous-même? Allez vous voir réellement ce qui se fait aujourd’hui?

    J’ai l’impression que vous vous attaquez à une infime minorité qui certes, occupe l’espace médiatique grand public (aaah les colonnes de Buren) sans vraiment voir ce qui se passe. Prenons Paris par exemple, combien de petits voir de grandes institutions, la plupart publiques (MACVAL, CREDAC, Galerie de Noisy Le Sec ou de Gennevilliers) font un travail extraordinaire. D’une part ils font la promotions de jeunes ou peu médiatiques artistes mais ils produisent des programmes pédagogiques fabuleux (ateliers, rencontres, jeune public, scolaires). Notez s’il vous plaît les les villes où se trouvent ces lieux d’art contemporain, on est loin de la place vendôme ou de la place carrée du Louvre, lieux investis par la dernière FIAC. Allez dire aussi à ces lieux et à ces acteurs qui contribuent à la créativité, au questionnement social, au vivre ensemble et à la curiosité qu’ils sont des impostures. Bien évidement, la critique d’un art bourgeois, libéral, bling bling, facilement choquant est légitime, mais cette critique contribue à masquer la grande diversité de l’art contemporain en France. D’une certaine façon, vous participez vous même à la mise en avant de ce que vous appelez « l’art contempourri » en ignorant le reste des pratiques artistiques contemporaines.

    Cordialement

    PS: l’oeuvre de Daniel Buren, au-delà de la vieille polémique des années 80 que vous invoquez est particulièrement intéressante et belle, pourvue que vous la regardiez vraiment.

    • Bonjour « Seberg »,

      L' »art contemporain », c’est commode : l’expression devrait recouvrir tout l’art aujourd’hui produit, mais une majorité sait que l’art contemporain recouvre une certaine idée de l’art où le discours prévaut sur l’objet, où les attitudes deviennent des formes, où prévalent les mythologies personnelles et où, en guise de liberté, on a affaire essentiellement à l’arbitraire de « l’artiste », du « critique » et de l’Institution, à présenter, dire et faire ce que bon leur semble, dans la lignée d’un Duchamp qui avait déjà dit l’essentiel au sujet de ces bouffonneries :
      « (…) Je leur ai jeté le porte-bouteilles et l’urinoir à la tête comme une provocation et voilà qu’ils en admirent la beauté ».
      (https://blablartcontempourien.wordpress.com/2011/12/27/m-duchamp-je-leur-ai-jete-le-porte-bouteilles-et-lurinoir-a-la-tete-comme-une-provocation-et-voila-quils-en-admirent-la-beaute/)

      Mais je reconnais à votre argumentaire celui qui m’est systématiquement resservi : « oui, bon, certes Murakami, Koons, Lavier, McCarthy, Hirst, c’est critiquable, mais l’art contemporain, ce n’est pas que ça ». En effet, l’art contemporain — qui n’est donc pas l’art actuel –, ce sont aussi des dizaines, des centaines, des milliers de guignols d’une reconnaissance allant du néant à la notoriété internationale. Ce sont l’inutile et nombriliste Sophie Calle aussi bien que l’invraisemblablement creuse belge Audrey Cottin, invitée de la Fiac ; ce sont le Costaricain Habacuc Vargas qui expose un chien dont il fait croire que l' »oeuvre » est son dépérissement par la faim jusqu’à la mort, aussi bien que les jeux macabres du groupe chinois Cadavre (comme le bouffeur de foetus Zhu Yu) ou du groupe mexicain SEMEFO (avec Teresa Margolles) ; c’est David Nebreda tartiné de ses excréments ; c’est Pierrick Sorin filmant son anus en train de se dilater chier (Musée des Beaux-Arts de Nantes) ; c’est l’Israélienne Sigalit Landau faisant du hoola-hop avec un barbelé ; c’est Jérémie Bennequin s’appliquant à effacer à la gomme « A la recherche du temps perdu » de Proust ; c’est l' »artiste collective » Claire Fontaine et ses installations dont la pauvreté formelle ne permet pas d’y deviner un propos arbitraire qui n’y est pas intrinsèque.
      C’est Ivan Argote se filmant en train de lécher une barre de métro parisien.
      C’est Andreas Slominski, qui « répand du sperme de panthère noire sur des chaussures noires, bien entendu : Sperm of a Black Panther » (http://www.schtroumpf-emergent.com/blog/).
      C’est Terence Koh, qui élève arbitrairement au statut de « poétique de la perte » son usage du foutre, de la salive et du chocolat…
      C’est Jacques Lizène faisant des tourtes de merde.
      C’est Millie Brown vomissant sur toile des boissons saturées de colorants qu’elle vient d’ingurgiter sur fond de vocalises débiles. C’est peindre une toile en expulsant des oeufs de son vagin.
      C’est Santiago Sierra qui, pour supposément dénoncer le capitalisme, fait creuser inutilement 1000 trous à des ouvriers africains payés une misère…

      Et je pourrais continuer une liste ad libitum de débilités régressives, exhibitionnistes, où ne règnent que l’arbitraire et l’absence à la fois de forme et de propos, l’un et l’autre allant de pair.

      Mais ce ne sont pas que ces bouffonneries « spectaculaires » et merdiatiques. Dès lors que ce type d’andouillerie est encouragé par le marché, par les institutions « culturelles » d’Etat (en France), par des musées et galeries, dès lors que cette conception-là de « l’art » est transmises dans les écoles d’arts plastiques, il ne faut pas s’étonner que n’importe quel guignol y aille de son « installation ». Prenons l’exemple de Dominique Potard, exposée voilà quelques années dans une petite médiathèque de Bretagne… Ou bien encore ces squatteurs parisiens de la Bankize, se prenant pour des alternatifs en ne faisant que répéter l’informel qui domine l’art contempourri officiel et les structures que vous mentionnez, dont le MACVal et tant d’autres.

      Je pourrais vous causer de diverses visites, en Bretagne, dans le Nord, en Belgique, aux Amériques, en Palestine, où cette tendance du conceptuel s’impose comme une sorte de colonialisme « culturel » transmis par les sachants et qui, malgré quelques dérisoires variations, sont des choses aussi déracinées que l’individu postmoderne et la finance au temps du néolibéralisme, et qui trouvent donc leur place aussi bien au Mexique qu’au Japon, à Paris qu’à Johannesburg… et qui, n’étant de nulle part, n’ont de valeur qu’à symboliser la classe moyenne « cultureuse » libérale mondialisée et ses valeurs. Un art qui exclut d’une façon partout aussi impitoyable la peinture, la sculpture, les oeuvres véhiculant un propos à travers un effort formel et des formes lisibles, et qui n’ont pas besoin d’un charabias justificatif PARCE QU’ELLES CONTIENNENT INTRINSEQUEMENT LEUR RESERVE D’EFFETS.

      Maintenant, dites-moi en quoi « contribuent (…) au questionnement social, au vivre ensemble » des objets qui, SOUVENT (n’allez pas me chercher les contre-exemples…) par leur logique même sont l’affirmation d’abord d’un arbitraire singulier face à la société, le MOI-JE s’imposant au NOUS. Car oui, l’art contemporain EXIGE du regardeur qu’il en passe par l’esprit du « créateur », cela par une glose imbitable et ridicule. Au total, une approche essentiellement intellectuelle et conceptuelle, aucunement sensuelle. C’est d’une telle pauvreté formelle, le plus souvent, d’une telle pauvreté sensuelle que, du reste, la majorité de la population n’en a que faire et qu’on entend souvent, face à des choses incongrues dans l’espace public, « bah, ça doit être de l’art contemporain », tant il peut être littéralement n’importe quoi.

      Concernant « le reste des pratiques », etc. : quid de la peinture? Citer des dizaines de bouffonneries, c’est facile. Maintenant, citez-moi les 10 peintres français importants d’aujourd’hui, ceux qui resteront dans l’histoire quand tout l’édifice de bouffonnerie académique des Raynaud, des Sophie Calle, des Fabre, se sera effondré? Citez-moi, je sais pas moi, 15 peintres et sculpteurs figuratifs vivants… Où sont les Grosz, Dix, Rivera, Hopper, Siqueiros, Orozco, Ben Shahn, de notre temps?

      Pourquoi encourager les conneries régressives et anticivilisationnelles qui n’ont aucune forme, plutôt que valoriser les Simon Hantaï, Pat Andrea, Cremonini, Avigdor Arikha, Arturo Martini, Vladimir Velikovic, Jean Rustin, Klasen, etc.?

      Quant à Buren… Y voir de la beauté, ça me fait penser à ce propos de Domecq :
      « J’ai vu un jeune homme assis sur une des banquettes, avec l’air de la réflexion la plus intense devant une toile blanche. On se dit qu’il y a une folie vraiment de notre siècle dans ce qu’on nous a présenté comme art moderne. n se dit aussi que c’est curieux que les critiques qui, par leurs discours, ont cautionné ça (et il suffisaient qu’ils ne le cautionnent pas pour que musées et marchands exposent autre chose), dans le même temps s’étonnent que tant de gens aient donné, par exemple, dans l’hallucination collective du stalinisme ».

      A bon entendeur,

      DJ

  3. Bonjour Domenico,

    merci de votre réponse. Ce débat peut être passionné et c’est un plaisir de l’avoir avec vous même si je ne partage pas votre analyse.
    Je vais essayer de relever le défi de la peinture contemporaine en citant quelques artistes vivants:
    Farah Atassi
    Bruno Perramant
    Jean-Luc Blanc
    Jacques Monory
    Eva Nielsen
    Elodie Lesourd
    Nina Childress
    Philippe Cognée
    Gilles Aillaud
    Yvan Salomone
    Mathieu Montchamp

    Ces artistes français sont tous représentés par de grandes galeries, ils ont des oeuvres dans des collections publiques, certains sont professeurs dans des écoles des Beaux-Arts. Clairement, ils font partie du milieu. Leur peinture est figurative. En quoi cette liste est elle incompatible avec la très belle liste que vous avez mentionnée (Hentaï, Velikovic, Klasen)?

    L’art conceptuel a en effet eu une influence énorme sur la création actuelle. Mais le minimalisme aussi, l’expressionnisme et le pop art tout autant. Pouvons-nous pour autant définir un genre « art contemporain »? Je n’en suis pas capable personnellement. Peut être de loin, mais pas dans le détail. Vous avez par ailleurs cité des artistes qui opèrent des performances pour la plupart assez nulles. Je me permets toutefois de défendre l’oeuvre de Jérémie Bennequin (le reste est assez pourri je vous l’accorde). Il efface la Recherche de manière obsessionnelle. Cela ne demande pas de talent particulier mais une discipline de fer. De même, par l’effacement il fait acte de lecture passionnée. Combien de temps passe-t il à effacer à la gomme une page par rapport au temps passé à lire cette même page?

    En même temps, si l’on passe notre temps à faire des listes (très bien documentées de votre part), nous n’irons pas très loin. Liste contre liste, je trouverai toujours de très bons artistes et vous trouverez toujours des médiocres. Est-ce ainsi que l’on pense la création actuelle?

    Par ailleurs, je serai curieux de connaître votre opinion sur un collectif tel que Société Réaliste qui est reconnu par les institutions et dont le travail tend à désamorcer et exposer les stratégies de pouvoir et de domination.

    Pour moi ce débat cache aussi la réalité bien matérialiste de l’art en France où l’immense majorité des jeunes artistes travaillent comme monteurs d’exposition, médiateurs ou autres petits métiers de l’art. Ils sont pris entre le marteau et l’enclume, entre des institutions qui ne choisissent que très peu d’élus et des critiques comme les vôtres qui vomissent toute la création contemporaine sous prétexte de vanité. C’est intenable.

    Bien cordialement

  4. Merci Domenico !

    Un Article rassurant pour ceux qui comme moi continuent à croire que cette « mode » (qui perdure un peu trop,certes…) n’en est qu’une. Je ne suis sans doute qu’un doux (?) rêveur si on considère le système économique dominant la planète… mais je reste optimiste la dessus aussi (surprises! ).
    Je ne cite pas d’artistes vivants et vrais, je fais mieux en vous indiquant la tenue du 36eme salon FIGURATION CRITIQUE au Bastille Design Center à Paris du mercredi 16 septembre à partir de 14h au dimanche 20 septembre 2014 à 17h:

    http://figurationcritique.com/

    Pour apprécier un certain nombre d’œuvres peintes, sculptées…Par Une soixante-dizaine d’Artistes !

    Et comme dirait les pubards « avec une nouvelle formule (direction) enrichie! »

    P.s: Merci pour le « syndrome du larbin » j’aime beaucoup aussi …

    LFXHurard

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