Culture

Bernard Stiegler et Annie Le Brun : un monde à refaire

Si la tâche consistant à questionner l’époque est l’une des plus difficiles, ceux qui y prétendent ne manquent pas. Les médias qui ouvrent leurs micros à tel essayiste, les devantures des librairies de gare exposant tel “penseur” à la mode, tout cela participe d’un flux de discours autorisés, s’insérant dans l’époque, dans le cadre, bien plus que ne l’interrogeant avec distance et rigueur. Interroger la nature de notre époque suppose en effet de travailler à l’abri des discours qu’elle produit sur elle-même, et de se prémunir des images qu’elle encourage, flatte, vend. Cela suppose une élaboration patiente et une observation critique dont de rares et authentiques penseurs sont capables : Bernard Stiegler et Annie Le Brun sont de cette trempe. « Dans la disruption » de Bernard Stiegler est paru en 2016 aux éditions Les Liens qui libèrent et récemment réédité en poche aux éditions Babel. « Ce qui n’a pas de prix » d’Annie Le Brun est paru en mai dernier aux éditions Stock.

Un objet aussi paradoxal se laisse difficilement saisir : époque, esprit du temps, comme un arrière-plan à la fois si évident, omniprésent, et à la fois si obscur, aveugle. Il convient alors de déterminer les lieux à partir desquels on pourra en dire quelque chose. Les ouvrages de Stiegler et Le Brun apparaissent complémentaires en ce que le lieu de l’un entre en résonance avec le lieu de l’autre, même si les deux auteurs semblent s’ignorer. Penseur de la technique issu de la phénoménologie et de la déconstruction, Stiegler privilégie le lieu numérique et technologique et la folie qui en découle, menaçant l’individu quand elle ne s’en empare pas tout à fait – son livre Dans la disruption (Les liens qui libèrent, 2016) est sous-titré : « Comment ne pas devenir fou ».

Grande dame issue de la tradition surréaliste, fine connaisseuse de Sade et de Victor Hugo, Le Brun privilégie quant à elle le lieu du marché de l’art contemporain, plus précisément d’« un certain art contemporain », celui que prisent et financent les grands milliardaires, lieu à partir duquel se déploie exemplairement un « enlaidissement du monde« . Elle a publié Ce qui n’a pas de prix (Stock, 2018) en le sous-titrant : « Beauté, laideur et politique ».

Aussi, il faut lire ces deux ouvrages dans cette perspective que l’un demande le complément de l’autre. À la complexité conceptuelle de Stiegler répond la sensibilité littéraire et artistique de Le Brun. À l’analyse d’un monde automatisé et technicisé à l’excès chez Stiegler répond la description d’un monde enlaidi et esthétiquement dévasté chez Le Brun. Le problème de Stiegler, c’est de déterminer comment un horizon d’attente, une espérance, serait encore possible dans ce moment de l’histoire où ce que Nietzsche et Heidegger appelaient le nihilisme atteint son point de paroxysme. Le problème d’Annie Le Brun est de déterminer comment ce qui porte dans nos existences une valeur inestimable peut encore échapper aux prédations de la finance, à la récupération de tout dans le champ du profit. Dans les deux cas, le problème est au fond le même : savoir ce qui, à notre époque, peut encore laisser l’espoir d’un monde vivable, habitable, capable de beauté et de sens.

« L’époque de l’absence d’époque »

Commençons par Stiegler. La thèse de son ouvrage peut être résumée ainsi : désignant à l’origine une stratégie d’innovation perpétuelle procédant par la transgression des modèles et des structures établis, la disruption donne à notre époque son concept opératoire. La violence et la brutalité avec laquelle s’impose le régime disruptif hérité de la Silicon Valley[1] aboutit à empêcher toute possibilité de concevoir l’avenir, de l’espérer même. La disruption désigne ainsi, au-delà de sa définition technique, ce que Stiegler appelle « l’époque de l’absence d’époque ».

C’est à la longue et patiente analyse des conditions d’impossibilité de faire monde, de faire société, que se consacre le travail du philosophe d’Ars Industrialis[2]. Derrière une implacable et parfois difficile élaboration conceptuelle (où il est question de « rétentions », de « protentions », de « néguentropie », d’« exo-somatisation »), c’est un tableau à la fois réaliste et terrible de notre temps qui nous est donné à lire. Quelques personnages emblématiques traversent les quelques 500 pages de l’édition de poche. Notamment, le jeune Florian, adolescent qui, au milieu des années 2000, déclare faire partie de l’ultime génération, celle qui connaîtra la fin de l’humanité. On trouve encore Richard Durn, le célèbre tueur de Nanterre qui, peu avant de passer à l’acte, a exprimé son absence d’espoir et de raison d’être dans ses carnets intimes. On y trouve aussi les auteurs des attentats-suicide de ces dernières années, eux aussi interrogés à l’aune de la violence disruptive, comme des produits de cette violence. Enfin, on trouve Bernard Stiegler lui-même, qui n’a jamais caché avoir commis des braquages à main armée au début des années 1980. Les pages qu’il rapporte sur son apprentissage de la phénoménologie en prison sont parmi les plus belles que cette discipline peut compter.

L’objectif du groupe Ars Industrialis était d’anticiper la révolution numérique par l’élaboration d’une politique industrielle capable de « faire de nécessité vertu », selon une expression chère à l’auteur. La tonalité tragique de l’ouvrage nous incite à nous (re)poser avec force et gravité la question qui semble hanter l’auteur : est-ce trop tard ? Cette question-ci, qui touche au plus profond de l’intime et du collectif, révélatrice même du lien qui unit en profondeur le je au nous – trop tard indissociablement pour moi et pour tous les autres –, cette question ne peut demeurer qu’en suspens, sans réponse, mais en même temps elle oblige et autorise la perspective de penser au-delà de la disruption, au-delà de l’absence d’époque, au-delà de l’impossibilité d’envisager un à-venir dans une société qui se caractérise par la destruction de tout horizon d’attente.

Idéologie, violence et folie

Si l’idéologie dominante (entendue ici au sens marxiste : idéologie des dominants) énonce la disruption – innovation numérique et technologique perpétuelle, transgression intempestive des modèles établis – sous son aspect positif, ce sont ses effets négatifs qui configurent globalement le réel. Les actes de violence du type attentat-suicide et meurtre de masse sont de parfaits exemples de disruptions, en ce qu’ils surviennent de façon radicale et imprévisible (versant éruptif), et que leur nouveauté désarçonne ce que les sociétés savent, d’un savoir ancestral, à propos de la nature des crimes et des conflits armés (versant transgressif). En ce sens, les meurtres de masse disjoignent de façon brutale les liens entre individus et la sphère sociale avec le savoir[3] dont elle est porteuse. La violence meurtrière des tueurs de masse illustre ainsi factuellement la violence symbolique et sociale exercée en continu par les tenants de l’idéologie disruptive : les startupers, les GAFA, les think-tanks libertariens, les fonds d’investissement, les gouvernants acquis au tout-entrepreneurial.

Le Cri, Edvard Munch, 1893

L’idée d’innovation perd son sens à partir du moment où le caractère novateur, voué à se produire incessamment, détruit incessamment ce qui aurait dû être voué à s’établir dans une durée suffisamment longue pour faire système et, surtout, faire monde. Il est impossible dans ces conditions de passer d’une époque à une autre, c’est-à-dire aussi d’une subjectivité à une nouvelle forme de subjectivité, dans la mesure où toute nouvelle époque advient de celle qui la précède (ce que Stiegler étudie rigoureusement en termes de « rétentions ») et ne consiste qu’à s’établir sur une durée ouverte à la promesse d’un avenir (ce que Stiegler étudie en termes de « protentions »). Le sujet se constituant dans une époque donnée est empêché alors de se reconnaître dans l’épaisseur de son existence : il devient fou. La disruption est donc avant tout vécue socialement et subjectivement comme absence de toute perspective de temps long, de pérennisation, donc d’établissement d’une culture capable de donner au sujet le sentiment vital de sa consistance.

« Prendre ses rêves pour des réalités et pouvoir les réaliser : telle est la condition humaine », écrit Stiegler. Cette donnée complique les choses. Elle requiert un approfondissement autour des discussions entre les formes de la folie : délire, hallucination, fureur (au sens antique), démence… La folie consistant à prendre ses rêves pour des réalités – condition de toute innovation, de toute création, de toute transformation du monde – peut aussi virer à la folie qui consiste à confondre les plans par lesquels on différencie le rêve et l’action, le projet et sa réalisation. Autrement dit, la concrétisation du rêve comme passage à la réalisation demande un ajustement, un horizon, une perspective ouverte sur l’époque dans laquelle les conditions de possibilité de cette réalisation sont prises en compte. Ce que ne permet pas la disruption : « De nos jours, où l’innovation est forcée, où l’ajustement ne se fait pas, mais où, au contraire, les structures sociales sont détruites par une innovation destructrice […], une violence sans avenir, destructrice de l’avenir même, en cette absence d’époque qu’est donc ainsi la disruption ». La folie créatrice qui conditionne nos projections dans le réel devient démence, hystérie, impuissance exacerbée.

« Empêcher que le monde ne se défasse ». Albert Camus

Le problème n’est évidemment pas seulement psychique ou culturel. Il touche toutes les sphères : le politique, l’économique, l’écologique. Le sentiment élégiaque d’une fin imminente, d’une extinction de l’humanité, s’est exprimé de façon récurrente au cours des âges du monde, et peut-être a-t-on trop crié au loup par le passé pour que soit pris tout à fait au sérieux ce moment où nous sommes – ce moment, si l’on en croit Günther Anders, qui commence avec l’invention de la bombe atomique, c’est-à-dire avec la menace perpétuelle et effective d’un chaos en mesure de tout détruire. Le travail magistral de Bernard Stiegler replace sous le regard du lecteur le négatif à l’œuvre. Loin des hypothèses à la Pangloss qui consistent à systématiquement relativiser le danger que court actuellement le monde, il s’agit de prendre la mesure – terrifiante et terriblement urgente – de cette folie disruptive, dont la logique ne peut qu’aboutir à généraliser la destruction de toutes choses.

Laissant au lecteur le soin de lire l’ouvrage de Stiegler pour méditer plus largement l’étendue du désastre, il faut à présent souligner qu’il ne s’agit pas pour le philosophe d’en dresser le simple bilan. Il s’agit finalement de pratiquer une pensée s’inscrivant peu ou prou dans la trop célèbre formule de Camus : « Empêcher que le monde ne se défasse ». Formule à réinterpréter dans une perspective bien plus transformatrice que conservatrice : en formulant le diagnostic de notre « absence d’époque » comme empêchement de monde, comme proprement im-monde, sachant ainsi à quoi nous en tenir, notre tâche sera de trouver les armes intellectuelles et concrètes qui permettront de combattre ce présent sans avenir et, peut-être, de retourner la disruption contre elle-même, disrupter la disruption pour ainsi dire, de sorte à rouvrir l’horizon qui rend possible l’établissement d’une époque « non-inhumaine », vivable, habitable, tout simplement viable.

En ce sens, le souci de Stiegler rejoint très explicitement celui d’Annie Le Brun. En 2010, le philosophe publiait Ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, titre formulant positivement ce que l’essayiste formule négativement en parlant de Ce qui n’a pas de prix. De même, dans une note de bas-de-page, Stiegler préconise à la vieille Europe et aux grandes civilisations industrielles de « réapprendre l’admiration de ce qui n’a pas de prix ».

Là où Stiegler conceptualise les catastrophes de l’époque disruptive à échelle globale, Annie Le Brun donne à penser ce qui, dans notre époque, reconfigure notre sensibilité, ce qui transforme la manière dont nous nous rapportons sensiblement au monde. Il s’agit alors d’interpréter la violence sous un angle à la fois esthétique et critique (de façon non moins radicale et approfondie que les analyses de Stiegler, quoique le style soit plus littéraire que philosophique). Le mot si laid et si évocateur de « disruption » n’apparaît pas sous la plume d’Annie Le Brun, mais c’est encore de cela qu’il est question, à l’échelle du sensible cette fois, de ce qui nous affecte et qui n’est donc pas moins décisif.

« Réapprendre l’admiration de ce qui n’a pas de prix. »

Art financé, art du financier

Le premier mérite du livre d’Annie Le Brun est de formuler une critique enfin pertinente et percutante de cet art contemporain que promeuvent et semblent tant affectionner les grands spéculateurs boursiers et autres multi-milliardaires. Enfin cet art trouve sa critique – et non le simplisme des points de vue antimodernes étriqués, ou l’abscondité des experts autorisés : l’un et l’autre servant finalement les intérêts de cet art financier, de cette esthétique de la globalisation mercantile, dans la mesure où leurs propos maintiennent la question de l’art contemporain dans les strictes limites d’une question d’esthétique, alors que celle-ci la déborde très clairement en son aspect essentiel, touchant le politique et l’économique. Le lien entre art et puissance financière n’ayant jamais été aussi serré dans l’histoire, c’est ce lien qu’il convient de questionner si l’on veut comprendre.

Vantablack_01

Le Vantablack, couleur d’abord conçue à usage militaire par les Britanniques et capable d’absorber la lumière à 99,965 %. Désormais sous le monopole exclusif de l’artiste Anish Kapoor.

Plusieurs exemples probants de cette nouvelle forme d’art sont alors développés par l’auteur. Le premier concerne la privatisation d’une couleur développée par l’armée, le vantablack (ou noir absolu) par le célèbre Anish Kapoor qui s’en arroge ainsi l’exclusivité. Cette opération visant le monopole d’une couleur est inédite dans l’histoire de l’art (on pensait jusqu’alors que les couleurs appartenaient à tout le monde) et n’a pas manqué de susciter critiques et stupeur, mais elle est illustrative de ce nouveau genre d’artistes-entrepreneurs dont la manière de procéder tend à imiter de plus en plus parfaitement celle des grands patrons qui les subventionnent. De même, la manière dont ces artistes investissent l’espace à travers de gigantesques installations, aux formes qui brutalisent le style environnant, fait écho à la manière dont les dominants brutalisent le monde et son environnement (écosystèmes et modes de vie) pour imposer la toute-puissante loi du marché : tout vaut tout, tant que cela rapporte – or, Dieu sait que cet art rapporte.

Réalisme globaliste et désensibilisation

La valeur de l’art se mesure-t-elle à la valeur que les œuvres acquièrent lors des ventes aux enchères ? Si l’histoire de l’art répond par la négative, la récente refonte de l’idée d’art ou, plus précisément, l’accaparement du nom de l’art par le marché répond un grand “Oui”. Ce qui, dans l’art, échappait jusqu’alors au domaine du quantifiable, trouve à s’anéantir dans le règne d’un art contemporain qui se confond avec l’esthétique du design, de la mode, de la pub, bref du consommable et du périssable, de l’interchangeable, du jetable. Les sommes faramineuses qu’on attribue à des figurines de Mickey produites en série, au sein de ventes réservées à des clubs d’ultra-riches, entretiennent la confusion entre ce qui fait la valeur de l’art – ce qui précisément n’a pas de prix – et ce qui fonde la valeur marchande – tout doit pouvoir s’acheter et se vendre –, instaurant par là le règne de l’insignifiance. Nos sensibilités peu à peu habituées, éduquées, conditionnées par cette esthétique à grande échelle (qui va des fondations privées aux supermarchés, de Paris à Sao Paulo), sont ainsi malmenées, sidérées et, in fine, c’est une “désensibilisation” qui se produit.

Annie Le Brun donne à cet art son nom : le « réalisme globaliste », par analogie au réalisme socialiste et à l’art officiel nazi. C’est un art de propagande, un art idéologique : c’est la production d’artistes soumis au régime néolibéral et à ses maîtres. Certes, à la différence du réalisme socialiste ou de l’art hitlérien, le réalisme globaliste ne glorifie pas la figure d’un maître : il se conforme en cela à l’anonymat du pouvoir financier qui préfère opérer dans l’ombre. Et encore, il ne s’agit plus d’une esthétique de la représentation, comme on voit les corps et les esprits glorifiés dans l’art de propagande traditionnel, il s’agit cette fois d’une esthétique de la présentation : démonstration par le fait – gigantisme, sensationnalisme, invasion des espaces à échelle mondiale – de la toute-puissance qui caractérise le mécène et l’exécutant. Un art de la disruption, pourrait-on dire.

La déconstruction récupérée

Le “cynisme” avec lequel s’impose le réalisme globaliste travaille l’époque et les consciences. Ce qui caractérise ses œuvres est la nécessité de se présenter toujours accompagnées d’un “mode d’emploi”, d’un discours explicatif. Pourtant, ce n’est pas tant le contenu de ce discours d’accompagnement qui éclaire le sens des œuvres que sa forme : puisant dans le style conceptuel de la déconstruction et des pensées avant-gardistes du XXe siècle, c’est un discours qui entretient volontairement le flou et le paradoxe, afin d’inclure toute critique dans son propre dispositif et de parer ainsi à toute contestation sérieuse. « There is no alternative » : ce célèbre slogan de Margaret Thatcher a été forgé par le publicitaire Charles Saatchi devenu depuis l’un des plus importants promoteurs de l’art contemporain. Un art sans alternative et sans contestation critique possible, à l’image de ce que veulent nous faire croire les financiers et leurs auxiliaires politiques à propos du régime néolibéral.

« Ce qui caractérise ses œuvres est la nécessité de se présenter toujours accompagnées d’un “mode d’emploi”, d’un discours explicatif. »

On peut s’agacer en premier lieu du traitement qu’Annie Le Brun réserve aux « philosophies de la déconstruction », qu’elle semble attaquer sans nuance et sans plus de précision. Le reproche est bien connu : la déconstruction perçue comme une production de discours permettant de dire tout et son contraire et, dans le même mouvement, d’échapper à toute prise critique. N’occulte-t-elle pas ainsi que ladite “déconstruction” (terme générique lui-même à questionner) est d’abord et avant tout vouée à fournir des outils puissants et rigoureux pour l’analyse critique des idéologies et des impensés liés à la domination ? Mais au-delà de cette réserve, on peut accorder à Annie Le Brun le crédit de poser, au fond, une question plus profonde, plus grave et plus urgente : dans la mesure où c’est la domination qui, à travers le discours de l’art contemporain, utilise à son escient les « opérateurs verbaux »[4] issus de la déconstruction, cela fait-il de celle-ci une pensée récupérable, une pensée retournée ? Laissons la question ouverte : elle mériterait une longue discussion.

En fin de compte, l’enlaidissement du monde est l’effet d’un univers en proie à la disruption. Alors, comment ne pas désespérer ? Rappelons d’une part que, face à cet âge du capitalisme global, la dignité et la beauté consisteront essentiellement dans la résistance et dans la lutte, que toute résignation et tout cynisme reviennent à participer et à ajouter à l’inhumanité de cet état de choses. On parle d’une convergence des luttes en termes foucaldiens – c’est-à-dire d’une transversalité des micro-luttes revendicatives –, il faudrait en parler à présent en termes plus généraux et volontiers marxistes : le combat en faveur d’un monde non seulement juste mais vivable passe par une approche critique globale qui considère prioritairement le système de production. C’est à cette source qu’il faut faire remonter la critique, à ce qui produit cette brutalité disruptive et cette laideur envahissante, à savoir le monde de la finance et des multinationales. Pour revenir à l’échelle de la France et de son système politique, il faudrait avoir été bien naïf pour croire qu’un Hollande fût apte à le combattre, et désormais bien aveugle pour ne pas voir qu’un Macron en est le larbin.

Nos Desserts :

Notes :

[1] Concernant la manière dont la Silicon Valley impose son idéologie au monde, se reporter à l’excellent ouvrage d’Éric Sadin, La silicolonisation du monde (L’Échappée, 2016).

[2] Ars Industrialis est le groupe de réflexion fondé par Bernard Stiegler autour des questions de politique industrielle, dont les travaux se consacrent notamment à la révolution numérique et technologique en cours dans les années 90-2000.

[3] Quand il est question de « savoir », Stiegler précise régulièrement qu’il s’agit à la fois de savoir théorique, de savoir-faire et de savoir-vivre.

[4] Nathalie Heinich, Le paradigme de l’art contemporain (Gallimard, 2014).

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