Société

Suis-je un Troll ?

Le Troll est probablement l’espèce d’internaute qui a le plus proliféré depuis que le web existe. Moi-même j’ai quelques doutes sur ma vraie nature. Se pourrait-il que le Troll m’habite ?

Des hordes de Trolls s’apprêtent à déferler de nouveau sur la toile ! Le Musk a décidé que l’avifaune du petit oiseau bleu n’avait désormais que pour seule ambition le retour à l’état sauvage. Brr… la trouille du troll m’empêchera t’elle de cliquer sereinement ? M’en fous. Car, il y a bien pire : la trouille d’être moi-même un troll.

Nous sommes tous des Trolls en puissance. Mais il y a Troll et Troll. S’agit–il du Troll nordique maléfique et monstrueux ? Ou bien du Troll informatique geek et neuneu ? Peut-être les deux ? C’est possible aussi. On peut être con et moche, c’est pas de chance mais c’est pas interdit.

Elon Musk

Mais bon, s’il fallait en choisir un je dirais quand même l’autre, pas le moche mais le con. En effet, nous sommes capables d’être moches, mais nous sommes surtout capables d’être très cons. Écrire des âneries à haute fréquence, beugler en meute, baver du verbe, commenter le vide, liker du néant, etc., nous sommes en capacité de faire tout ça. Pourquoi s’en priver ?

Ainsi donc, puisque l’Homme pouvait troller, il trolla, et trolle encore. Il trolle parce qu’il peut le faire. Parce qu’il n’a rien d’autre à faire. Parce que sinon d’autres le feraient à sa place. Parce qu’il est payé pour ça. Ou pour toutes ces raisons-là. Mais il y a pire. L’Homme trolle par nécessité, parce que l’autre est trop bête et qu’il faut le débêtiser.

« L’Homme qui trolle agit en bon samaritain, investi d’une cause qui l’oblige, d’un savoir qui l’afflige, une cause nécessaire qui se drape de vertu… , » poil au c.

Et après tout pourquoi pas. Peut être que l’Homme qui trolle est un bon gars. Il veut sauver l’autre d’une vie à l’envers. Il veut l’aider à savoir mieux. Quitte à mentir un peu. Car il faut parfois du faux pour aider le vrai. Le matheux par exemple n’a aucun d’état d’âme à user de la preuve par l’absurde. Ainsi, l’Homme qui trolle vous ment pour votre bien. Il vous ment parce que vous le valez bien. La tentation du bien est à ce prix, dira t’on. La fin justifie les moyens, dira l’autre.

Maitre Troll sur son clavier perché tenait en ses clics la vérité, sauf que lui voulait bien partager, contrairement au corbeau enfoiré.

L’hypothèse délirante

Admettons. Quelque chose me chiffonne quand même. Dans toute cette affaire, nous faisons une hypothèse dont nous manifestons quelque légèreté à éprouver la charge. Il s’agit d’une hypothèse qui s’est invitée sans demander son avis à personne, un genre de 49.3 axiomatique :

Nous supposons que l’Homme qui trolle sait qu’il trolle…

« Évidemment, que je sais quand je trolle, guignol ! », me fait remarquer le Troll irrité. Il est vrai que ma remarque peut paraitre un peu débile. Imaginez un gars qui trolle à l’insu de son plein gré semble difficile à concevoir. Un gars sachant troller peut–il troller sans le savoir ? « J’ai dit non ! », le Troll de nouveau irrité.

Et ben moi j’ai zin un gros doute. Je ne suis pas sûr que les gars qui trollent réalisent bien la différence entre les mensonges qu’ils débitent et la vérité qu’ils croient garder pour eux. À mon avis, il finissent par confondre les deux. C’est tout à fait possible. Le politique par exemple éprouve les pires difficultés à faire la différence entre l’ânerie et la fulgurance. Je pense que le gars qui trolle finit inévitablement par être animé des mêmes travers, un genre de strabisme intellectuel : il croit penser droit, mais réfléchit de travers.

En bref, je pense que l’axiome du troll éclairé n’est pas vrai…

Axiome du troll éclairé

 Je suis capable de saisir la nuance entre bullshit et l’information, entre l’ignorance et la connaissance, entre le bavardage et la discussion, entre l’hébété et le concentré, entre l’idiot qui regarde le doigt, et le sage qui lui montre la lune. 

Moi je dis que cet axiome n’est pas vrai. Et s’il n’est pas vrai, alors je suis profondément troublé. Tout s’écroule, en vérité. Car si l’autre peut tomber dans le panneau, alors moi aussi. Si l’Homme sachant troller peut troller à l’insu de son plein gré, alors moi-même je peux être cet Homme là. Peut être ne suis–je qu’un troll qui s’ignore, mes pensées ne seraient qu’un amas diffus de débilités gobées ici ou là au travers de mes lectures ou mes écoutes.

Comment savoir ? Le doute est un bon début, mais insuffisant. « Il ne suffit pas d’être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison » rappelle Stephen Jay Gould.

Pepe the Frog, personnage de fiction accaparé par l’extrême-droite américaine

Troll, sors de ce corps !

Il faudrait que je fasse preuve d’un doute raisonnable. Tel un Descartes 2.0 pratiquant le cogiTroll afin d’en déduire un truc du genre je pense donc je trolle ou je trolle donc je pense, je sais plus dans quel sens ça marche. Ou bien, il faudrait un truc plus binaire, qui tranche entre le Troll et le pas–Troll. Un test de Trolling qui s’inspire du test de Turing, du nom du premier geek Alan Turing : on pose des questions débiles, et on voit qui a les réponses. Ou bien plus classique, un test genre « tige dans le pif », comme celui pour la Covid. Mais surtout ne pas croire que des algorithmes débiles soient capables de séparer le bon grain de l’ivrée.

Et si, malgré toutes ces pistes, je dubite encore, il y aurait encore l’option brutale, la solution radicale. Plutôt que de chercher le troll qui est en moi, je l’isole. Je ne suis pas guéri, mais inapte à diffuser la connerie. Les âneries qui ont potentiellement pris possession de mes pensées y restent confinées. Je reste peut être toxique mais enfoui sous terre comme un déchet nucléaire. En clair, écrans noirs. Off. Pour une durée indéterminée.  

L’autre déduira de mon mutisme ce qu’il voudra, c’est une affaire qui ne me concerne plus. En fait, je deviens alors invisible, je n’appartiens plus à aucune liste d’abruti à convertir, car il n’existe pas de listes de « non–clients ».

Pour autant, je reste encore capable de penser, mais tout seul. Je n’ai pas les pattes coupées, mais je deviens sourd à toute injonction. Pas sûr que ce soit la bonne lecture à avoir, mais en reprenant le contrôle j’évite alors que le con trolle.

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