Le Comptoir : Depuis les élections municipales et encore plus depuis les européennes, le Front national est véritablement devenu « national ». Ses scores ont été très importants même dans des zones où il n’est qu’historiquement peu implanté. Diriez-vous, dans le sillage du géographe Christophe Guilluy, que c’est la France périphérique, laissée pour compte de la mondialisation et de la métropolisation, qui vote massivement pour le Front national ?
Nicolas Lebourg : Je ne le dirais pas ainsi. Le vote FN est un vote interclassiste. À Neuilly-sur-Seine, le vote FN a progressé de 31% entre 2012 et 2014, ce n’est pas vraiment la thèse de la France périphérique mais c’est une réalité. Le politiste Joël Gombin a montré que, depuis 2009, on avait un lien entre le coefficient de Gini (le calcul de l’inégalité de la répartition des richesses sur un territoire) et le vote FN (lire ici). Avec Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, nous avons montré à propos des municipales qu’il y avait une convergence des périphéries (lire ici). On vote FN dans le périurbain subi des classes populaires certes, mais aussi dans celui des quartiers de villas sécurisées très aisées et loin de tout contact multiculturel. La façon dont se diffuse le concept de « France périphérique » a ce grand défaut qu’elle donne une perception interclassiste inexacte quant à la réalité sociale (non, il n’y a pas de continuité entre tous les « petits blancs » des zones pavillonnaires : certains sont en haut de la hiérarchie sociale, d’autre en bas), pour décrire un phénomène dont le programme économique et l’électorat sont, eux aussi, interclassistes, ce qui est une homologie contrariante. À la fin de notre étude sur l’élection municipale, nous avons posé quelques règles quant à la construction du vote FN : 1) c’est moins la morphologie urbaine que les conditions matérielles de cette morphologie qui incombent ; 2) ce qui importe est l’approfondissement des difficultés économiques et sociales sur un territoire inégalitaire, radicalisant une demande sociale bénéficiant à une candidature ayant su proposer une offre politique autoritaire crédibilisée, tandis que les autres offres se décomposaient.
La communication du parti tend de plus en plus vers une stratégie de normalisation, de « dédiabolisation » et ce depuis que le marinisme y est majoritaire. Si on se tient à ce qui est dit, le FN n’aurait plus rien d’homophobe, de xénophobe ou d’antisémite. Pourtant, une enquête de la Fondapol sur l’antisémitisme chez les Français nuance cette affirmation. Quand on demande aux proches du FN si un Français juif est aussi français qu’un autre Français, seulement 61 % des proches du FN sont d’accord avec cette affirmation, contre 84% de la population. Est-ce que cela ne traduit pas encore un problème majeur du parti avec l’altérité, alors qu’il prône l’union des Français ?
Il y a plusieurs éléments. On peut aujourd’hui être gay, juif et membre du FN. Le FN demeure néanmoins un parti d’extrême droite, ayant au cœur de sa vision du monde une conception organiciste, pour laquelle la société se comprend comme une unité biologique. L’altérité est donc toujours perçue de façon négative. L’extrême droite n’est pas forcément racialiste (croyant en l’inégalité des races) mais elle est toujours altérophobe (désavantageant des minorités par un jeu de permutations entre l’ethnique et le culturel). La « nouvelle judéophobie », cette idée que l’antisémitisme ne serait plus que l’affaire des jeunes beurs et de l’extrême gauche antisioniste, ne repose pas sur des éléments concrets – même si la banalisation de l’antisémitisme est un vrai phénomène. Les enquêtes d’opinion démontrent qu’il reste une polarisation politique vers l’extrême droite des sentiments altérophobes. Les personnes qui rejettent à la fois les Français juifs et Israël représentent 45% des proches du FN contre 28% des proches de l’extrême gauche. Enfin, il faut bien noter que dans l’histoire du FN, ce sont souvent les radicaux qui ont porté la logique de « dédiabolisation », depuis les années 1970, au nom de l’adaptabilité au terrain électoral.
La laïcité est devenue une valeur centrale de l’idéologie frontiste, manifestement davantage par islamophobie que par une volonté de tolérance et de neutralité de l’espace public. Il y a quelques temps, un élu de Seine-Saint-Denis a été suspendu pour « prosélytisme » religieux pour avoir envoyé une vidéo « vantant l’islam » au réseau interne frontiste. Il a récemment été réintégré, bien que Marion Maréchal-Le Pen l’ait fortement désapprouvé au micro de Bourdin. Pendant ce temps-là, l’État islamique étend sa domination sur le Moyen-Orient. Le FN veut-il faire du musulman le bouc émissaire de ce siècle et cela peut-il contribuer à alimenter son succès électoral ?
L’équilibre est délicat : les islamophobes de Riposte laïque ne cessent plus de fustiger la « trahison » du FN. Il faut bien admettre qu’en la matière il y a un grand écart et des sensibilités. L’islamophobie est un sentiment très mainstream. Nous parlions tout à l’heure des bourgeois votant FN. C’est important pour eux de désigner le « totalitarisme islamiste » car cela leur permet de justifier un vote souvent non-conforme aux valeurs de leur milieu. Or, la perspective occidentaliste est plus forte chez eux que chez les employés et ouvriers : ils associent l’islam au « rejet des valeurs occidentales » (25 contre 23 %) et à la « soumission » (21 contre 18 %).
« Dans l’imaginaire droitisé d’aujourd’hui, la présence de l’islam est la cause du passage de la société industrielle à la société postmoderne. »
La critique de l’islam est quelque chose de très porteur, très intéressant électoralement. Il y a un siècle, Charles Maurras disait que si on n’était pas antisémite par conviction il fallait l’être par opportunisme, au sens politique. Il y a un peu de cette dimension. À l’époque, les juifs étaient décrits comme ceux qui étaient responsables du passage de la société traditionnelle à l’industrielle. Dans l’imaginaire droitisé d’aujourd’hui, la présence de l’islam est la cause du passage de la société industrielle à la société postmoderne. Les populations d’origine arabo-musulmane représenteraient un corps unifié socialement, géographiquement, culturellement et religieusement. Cette cristallisation entre la représentation d’un « nous » postmoderne, composé d’individus épars en concurrence, et un « eux », imaginé comme solidaire, déplace sur la critique de l’islam la question des transformations de l’économie, des technologies et de nos modes de vie.
Le FN a tenu son premier congrès depuis l’élection de Marine Le Pen en 2011 fin novembre à Lyon. Malgré une unité de façade, le FN est traversé par des courants idéologiques forts : une aile droite avec Aymeric Chauprade, qui incarne une droite très conservatrice, catholique et volontiers plus libérale et une aile « gauchisante », incarnée essentiellement par Florian Philippot, transfuge du chevènementisme et qui met en exergue les valeurs d’État stratège et de souveraineté. En guise de réponse, Marine Le Pen argue que « le jour où il y aura des divergences sur le fond politique, c’est là où il faudrait s’inquiéter, mais ce n’est pas le cas ». Est-il dangereux ou bénéfique pour le FN de donner l’image d’un parti pluriel idéologiquement ? On ne peut s’empêcher de repenser à la scission de Mégret à la fin des années 1990 et à son effet dévastateur sur le FN…
Tout d’abord, je pense que le terme « gauchisant » n’est pas le bon. L’intervention de l’État n’est pas en soi un signe de gauche : Vichy intervenait plus dans les affaires économiques que le Front populaire, personne n’ira penser que Pétain était plus à gauche que Blum. La première mesure économique du FN, c’est la préférence nationale. Dire que le programme économique du FN serait gauchisant c’est avaliser la préférence nationale. Certes, l’idée a fait partie de l’histoire du mouvement ouvrier. Mais l’imposition du référent marxiste, l’Affaire Dreyfus, les guerres coloniales, etc., a tracé une démarcation entre les gauches et la péjoration des minorités. Ensuite, le programme économique du FN, c’est la sortie de l’euro et le protectionnisme. On peut certes être en accord avec cela en étant de gauche. Mais si on est de gauche, on n’oppose pas le méchant capitalisme international au gentil national. Si on est de gauche, on sait qu’avant l’euro, du temps de la souveraineté monétaire, ce n’était pas non plus le paradis socialiste. Ne confondons pas l’air et la chanson.
Pour répondre à la question sur Marine Le Pen : elle permet effectivement l’équilibre des points de vue, comme jadis son père fut le point d’équilibre entre les sensibilités – plus vives d’ailleurs à l’époque. On n’imagine plus aujourd’hui l’opposition entre païens et catholiques traditionalistes.
La scission idéologique interne au FN se retrouve également dans la manière d’envisager la politique étrangère française. L’opération « Bordure protectrice » menée par l’armée israélienne sur Gaza l’été dernier en a été un bon exemple, avec une fraction plutôt favorable aux Palestiniens incarnée par Florian Philippot ou même Jean-Marie Le Pen, et une fraction plus prompte à jouer la carte israélienne. On pense notamment au manifeste d’Aymeric Chauprade sur la « question islamique » publié en août dernier, où il préconise implicitement le resserrement d’un bloc occidental contre la menace du radicalisme islamique. Entre cette ligne du choc des civilisations et celle plus nuancée portée par Florian Philippot, le FN ne se rend-t-il pas complètement illisible sur les questions internationales ?
Il m’a semblé avoir remarqué qu’à l’intérieur et à l’extérieur du FN un certain nombre de fans d’Alain Soral étaient aussi assez fans de Florian Philippot. Je crains que vous ne vouliez regarder le FN sans le placer dans son champ : dans l’espace d’aujourd’hui, comme dans l’histoire politique, le FN participe du champ des extrêmes droites. Ce n’est pas une injure dans ma bouche mais une qualification politique. Mais cette qualification entraîne une spécificité qu’il faut bien peser. Ceci dit, le thème central de politique étrangère du FN, c’est la souveraineté et la multipolarité. C’est assez consensuel, et on n’a jamais fait en France une élection sur les questions internationales : ils peuvent donc être peu lisibles, ce n’est pas contrariant.
« Dans l’espace d’aujourd’hui, comme dans l’histoire politique, le FN participe du champ des extrêmes droites. »
Les nouvelles évolutions du FN ne manquent pas non plus de provoquer des réactions sur sa droite. Face à ce qu’il nomme la « trahison » d’Aymeric Chauprade et de Marine Le Pen (qui en août dernier avait défendu l’existence de la Ligue de défense juive), Alain Soral a annoncé son intention de créer, en compagnie de Dieudonné, un nouveau parti politique : Réconciliation nationale. Même si à l’image de la Liste antisioniste des élections européennes de 2009, le parti va probablement capitaliser une fois de plus sur un enjeu politique unique, la popularité de ses deux figures de proue lui assure tout de même une visibilité réelle, notamment sur Internet. Par rapport au FN, le pouvoir de nuisance des initiatives comme celles d’Alain Soral vous paraît-il potentiellement efficace, ou bien Marine Le Pen peut-elle sciemment les ignorer ?
À partir de 1973, il y a eu des tentatives de faire d’autres partis d’extrême droite que le FN. Les gens pensaient réussir sans les défauts de Le Pen, mais ils perdaient sans ses qualités. Par ailleurs, on revient à la question de l’islamophobie plus mainstream que l’antisémitisme. L’antisémitisme est un créneau étroit, moins fédérateur, avec une volonté de Soral de s’adresser à des segments de population où l’abstention est souvent plus forte. Autant le soralisme a été une opération de combat culturel plutôt réussie, autant passer au combat politique est délicat. D’autant que les politiques sont soumis à des règles de légalité beaucoup plus strictes que les showmen : faire du Dieudonné en spectacle est une chose, avec une législation qui défend la liberté de création, mais faire du Dieudonné en politique est très délicat, avec une législation qui encadre nettement la parole politique. En ce qui concerne le FN, cela devrait plutôt lui simplifier la vie, la radicalité des soraliens permettant aux lepénistes de dire : « vous voyez l’extrême droite c’est eux, nous nous n’avons rien à voir ».
Au niveau du spectre politique des droites radicales françaises, le FN semble également être devenu l’un des principaux sujets de clivage, au point que l’enjeu majeur est désormais de « choisir son camp » par rapport au parti. Si l’on ressent globalement une certaine bienveillance vis-à-vis de la figure historique de Jean-Marie Le Pen, sa fille divise toutefois très fortement, entre adhésion résignée et fort sentiment de rejet. Des essayistes comme Alain de Benoist, ou autrefois Alain Soral, se placent par exemple en « soutien critique » à Marine Le Pen. À l’inverse, une personnalité comme Pierre Sidos (fondateur de l’Œuvre française) aura plutôt tendance à se montrer très hostile aux nouvelles orientations du parti. Quelles vous semblent être les raisons de cette fracture ? Le FN est-il devenu une boussole idéologique appelant à une recomposition globale de l’extrême droite en France ? On pense un peu à la distinction entre « frontistes » et « nationalistes » opérée par Dominique Venner dans son opuscule « Pour une critique positive » en…1962.
L’extrême droite française a toujours fonctionné comme ça. On a un réseau, une nébuleuse de groupuscules et puis des structures plus solides servant de référents. Pour dire les choses clairement : il n’y a aucun avenir à l’extrême droite hors du FN. Ceux à l’extrême droite qui n’y sont pas sont condamnés à justifier leur position (d’où les procès en pureté idéologique) ou à jouer les épates-bourgeois cherchant un positionnement original. Le FN n’est plus un compromis nationaliste réunissant nationaux et nationalistes. C’est une écurie présidentielle.
À gauche, le brouillage de l’échiquier politique opéré par le FN semble provoquer l’incompréhension, voire même des réactions de braquage idéologique pour le moins épidermiques. On pense par exemple au confusionnisme d’un Philippe Corcuff, ou encore à cet improbable entretien que l’universitaire Jean-Loup Amselle a donné à France Culture, où il amalgamait des auteurs aussi différents que Frédéric Lordon, Alain Finkielkraut, Élisabeth Lévy ou Jean-Claude Michéa…L’incapacité de toute une partie de la gauche française à envisager cette complexité et à penser en dehors du clivage gauche-droite ne vous paraît-elle pas la condamner à l’impuissance dans sa réponse au FN ? Et pour le FN, ce même clivage sera-t-il toujours aussi bénéfique sur le long terme ? Il est vrai qu’absorber autant d’influences de tous horizons ne contribue pas forcément à une très grande lisibilité…
Je trouve bizarre de dire qu’il y a de la confusion, du brouillage, et d’appeler à ne plus tenir compte des repères du clivage droite-gauche (même si ceux-ci sont historiquement mouvants). Je n’ai pas écouté l’émission dont vous parlez donc je n’ai pas d’avis dessus, mais signaler à une partie de la gauche saisie par le déclinisme que l’identitarisme ou le souverainisme comme fin plutôt que moyen sont des pentes rugueuses vers la droite ne me paraît pas une mauvaise idée. La gauche française doit être capable de réinventer son offre politique, d’abord sur la question socio-économique, sur celle des institutions, et aussi, c’est vrai, sur le thème culturel, de façon à offrir un cadre référent contre le chaos de la société des individus (il me semble qu’il y a du matériau dans l’héritage de la Révolution française ou de Jaurès). Mais pour ma part, puisque vous la citez, je ne considère pas Élisabeth Lévy comme relevant de la gauche, par exemple, car je crois qu’au nom de son histoire, la gauche n’est pas séparable de l’humanisme égalitaire.
« Affirmer que la nation est le cadre naturel de la démocratie est un axiome sans fondement.»
Après, la question de l’épuisement du clivage droite-gauche sous le coup de l’euro-libéralisme est net. On sent bien que 2017 se fera sur le thème du « rassemblement ». Il y a une famille politique du « rassemblement national » qui ne se limite pas à l’extrême droite (notamment le gaullisme) et qui, pour cette raison, permet à l’extrême droite de crédibiliser son offre politique. La règle donnée tout à l’heure pour les territoires est adaptable à l’échelle nationale.
Dans ce contexte, une partie de la gauche me paraît suivre une tendance souverainiste irréelle. Affirmer que la nation est le cadre naturel de la démocratie est un axiome sans fondement, d’autant qu’historiquement l’âge des nations, volens nolens, est achevée depuis 1914. On peut envisager des améliorations démocratiques avec des pertes de souveraineté nationale : ce qui devrait être inacceptable pour la gauche dans l’euro-libéralisme, ce sont les pertes de souveraineté populaire. Le pouvoir pour et par le peuple avec une passion égalitaire : c’est ça la boussole de la gauche.
«La gauche de l’idéologie de la diversité comme la gauche tentée par un détour réactionnaire participent de la droitisation. »
Voyez les débats sur les questions de société. Pour mon humble part, j’étais de ceux qui craignaient que les lois sociétales ne servent à faire passer à l’as la question sociale. Mais même là tout a été, en effet, confus. Cela a été le cas sur la question du droit de vote des immigrés, qui hérissent tant certains que vous citiez. C’est une chose importante non par philosophie de l’accueil, mais car dans les quartiers à forte proportion d’immigrés il y a moins d’encadrement social car il y a moins d’électeurs. La politique n’est pas éthérée : si on veut qu’une municipalité, un conseil général, structurent des services publics dans un territoire, il faut qu’ils puissent se dire « cela satisfait X% de l’électorat ». Sans électeurs, il n’y a pas de puissance publique. Or, les débats autour de cette question sont déplacées sur des questions moralo-idéologiques plutôt que sur cette question de la démocratie sociale. La gauche de l’idéologie de la diversité comme la gauche tentée par un détour réactionnaire participent de la droitisation, c’est-à-dire de cette ethnicisation du social avec un démantèlement de l’État social et de l’humanisme égalitaire au bénéfice de l’État pénal. Il y a une phrase de Robespierre que j’aime beaucoup : « tout ce qui est immoral est contre-révolutionnaire ». Actuellement, le politique est immoral.
Entretien réalisé par Combeferre et Laura Garnier
Congrès du 28 novembre : retour de la ligne libérale-conservatrice ?
Contrairement à celui de Tours en 2011, qui avait vu Marine Le Pen prendre la tête du parti face à Bruno Gollnisch, le congrès qui s’est déroulé le 28 novembre dernier à Lyon présentait peu d’intérêt. Seule candidate à sa propre succession, Marine Le Pen est réélue avec 100% des suffrages exprimés. Mais les commentateurs regardaient tout autre chose : l’élection du comité central. Tout le monde voulait savoir qui serait le plus populaire dans le cœur des militants entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot. Un duel qui opposait d’un côté la petite-fille de Jean-Marie, représentante de la ligne libérale-conservatrice du parti, active à la Manif pour tous ; de l’autre l’énarque proche de Marine, champion d’une ligne gaullienne sociale et modérée sur les questions sociétales. C’est une victoire pour la première et une humiliation pour le second, qui arrive quatrième, battu par le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, et par Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont.
Il faut cependant relativiser ce résultat. Dans ce concours de popularité, le chouchou de Marine Le Pen au profil de techno arrivé sur le tard au FN (en 2011) et qui prétend venir de la gauche (MRC) semblait désavantagé face à la petite-fille de la figure historique du parti. Mais quoi qu’il en soit, Le Pen reste la seule chef à bord et ne semble pas vouloir dévier de la stratégie politique de « dédiabolisation » et de « normalisation » du Front, incarné par Philippot. Mais outre l’humiliation personnelle, ce résultat nous prouve également que contrairement à ce qu’ils souhaiteraient faire croire, les « nat-rep » (pour « nationaux-républicains ») incarnés par les collectifs Racine et Marianne, proches de l’énarque, le FN reste un parti majoritairement identitaire et n’est pas prêt d’emprunter la voie du gaullisme social.
Nos Desserts :
- Site Fragments sur les Temps Présents, Facebook et Twitter
- « Le vote Front national, des raisons locales : l’exemple de Perpignan», tribune de Nicolas Lebourg dans Slate
- « Nicolas Sarkozy, Marion Le Pen : la révolution conservatrice continue » sur le Figaro Vox
- « FN : la stratégie Philippot survivra au congrès » sur le blog Antidote hébergé par Causeur
- « Les 10 informations à retenir du congrès du FN » sur les Inrocks
- « Irak, Gaza, Turquie, Syrie : assistons-nous à un choc des civilisations ? » sur le Figaro Vox
- Téléchargez gratuitement « Perpignan, une ville avant le Front national ? » de Nicolas Lebourg avec Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, Fondation Jean Jaurès, 2014
- Téléchargez gratuitement « Aux racines du FN. L’histoire du mouvement Ordre nouveau » de Nicolas Lebourg avec Joseph Beauregard et Jonathan Preda, Fondation Jean Jaurès, 2014
Catégories :Politique
Les historiens « spécialistes de l’extrême-droite » m’ont toujours laissé perplexe. Voilà un objet aux contours si mal définis que l’historien est obligé de l’inventer. Cette entrevue ne contribuera pas à me faire changer d’avis. Les dernières répliques qui cautionnent ceux qui mettent Michéa et Soral dans le même sac montrent quels sont les présupposés idéologiques de cet homme-là. Au fond plus historien que je ne suis archevêque…
Personnellement j’aime beaucoup en général Nicolas Lebourg et « Fragments des temps présents », blog auquel il collabore. Mais c’est vrai que je trouve qu’il est ici assez léger dans ces réponses et continue un peu à agiter le drapeau de la « Bête immonde », ce qui est étonnant pour un chercheur si érudit sur le sujet.
Par ailleurs, je tenais à dire quelque chose qui me semble essentielle. Cette scission au sein du FN, si elle conforte, est un vrai évènement politique qui risque d’avoir un impact majeur sur l’avenir politique Français et elle est pourtant traitée avec dédain par les médias traditionnel qui ne sont pourtant pas les derniers à nous rabattre les oreilles sur les moindres faits et geste des membres du front. Car l’étalement publique des contradictions profondes entre le nouveau discours social (de plus en plus crédible, il faut le dire, et de plus le seul à être audible pour un ouvrier) et une grande (immense) partie de la base militante du FN est probablement la seule chance pour que « la gauche de la gauche » réussisse à tirer les marrons du feu, elle qui n’arrête pas de louper dans les grandes largeurs les moments historiques que l’histoire lui offre (du non au traité européen de 2005 jusqu’à la crise économique ou le mandat catastrophique des socialistes).