Politique

Saint François : l’écosocialisme en l’an 1200

Fin novembre dernier, le Pape a rendu visite au Parlement européen. Son discours était pétri d’un idéal humaniste, chargé d’ouverture d’esprit, de partage et de condamnation des dérives de la financiarisation ainsi que du repli identitaire. Cela peut paraître étonnant pourtant le choix de son nom de Pape laissait prévoir une telle prise de position. Prenons alors le temps de redécouvrir saint François, adulé du catholicisme romain aux protestants luthériens et actuel Saint Patron de l’écologie.

Reprendre un à un les éléments de Wikipedia ne nous amènerait pas à grand chose. Ce qu’il faut retenir de l’histoire de saint François, c’est qu’il fut un « fils de », véritable parvenu pétri d’ambition. Puis un beau jour, dont seuls les croyants pourront croire l’authenticité, après une révélation, François va alors changer radicalement. De l’arrivisme et de la suffisance des nobles, il va devenir le strict opposé. Il va d’abord dilapider sa fortune pour réparer une église et venir en aide aux pauvres autour de chez lui. Son père l’assignera d’ailleurs en justice. Qu’à cela ne tienne : saint François décidera alors de changer de père pour se consacrer à Dieu.

Du tout au tout, saint François s’engagera dans une vie faite de pauvreté, de travail de la terre et d’humilité. Comme son engagement est fort et sans faille, il démarrera sans réellement le vouloir un véritable mouvement dépassant de loin son humble personne.

L’aspiration au bonheur simple

Saint François parle aux oiseaux.

La leçon que saint François nous fait est un retour à la frugalité de la création. La volonté de voir en elle une source constante d’aspiration au bonheur simple et à portée de main. Son rapprochement avec la nature est une véritable voie de sanctification à son sens, loin de la perversité de la possession des biens matériels construits par l’homme, proche de la main créatrice de Dieu.

Comme un symbole devant l’Éternel, sur la fin de sa vie, saint François ira directement voir le sultan de Babylone, en pleine guerre islamo-chrétienne. Ne nous le cachons pas, dans un engagement total dans la foi chrétienne, saint François cherchait à le convertir. Tel n’en fut pas le cas, mais le respect, la douceur et la force de conviction de l’Italien marquèrent le sultan, qui lui demanda de prolonger son séjour dans son palais. Ce sont les prémices du dialogue inter-religieux en recherche de paix.

Saint François est le strict opposé de la pensée petite-bourgeoise capitaliste. Un mépris pour les biens matériels, un respect des choses simples et des gens simples, un contact favorable avec la nature, une joie et une volonté de vivre en paix, en harmonie : voilà ce que représente saint François. C’est cet idéal que le Pape a voulu donner pour référence à son pontificat.

Une révolution théologique commence-t-elle ?

Une action menée au début de son pontificat trahit peut-être la profondeur de son action, comme un bon générique de film trahit ce dernier. Pour son premier jeudi saint, le saint Père était parti en prison laver les pieds de douze détenus. Reprenant un des moments forts de la vie du Christ, qui lava les pieds de ses disciples, le Pape marqua clairement une prise d’humilité. Celle-ci était d’autant plus forte car non contente d’être verticale, du puissant vers les faibles, elle était aussi horizontale, de la sainteté du Siège au profane des barreaux. Mais ce n’est pas tout, celui-ci redouble de symbolique universaliste lorsqu’on apprend que ce groupe de détenus était indifféremment composé de chrétiens, de musulmans, de femmes et d’hommes. L’unité du monde à travers l’humilité de l’Homme ?

Mais pour comprendre la symbolique de ce geste laissons parler le premier concerné :

« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. » Jean XIII, 14-16.

Le résultat, les années à venir nous le diront. Les ors de la basilique Saint-Pierre ne seront certainement pas démontés mais on peut s’attendre à certains changements qui ont en partie déjà commencé, notamment grâce au synode sur la famille :

  • Venant d’Amérique du Sud, terre de la théologie de la libération, la praxis, l’action concrète devrait faire son retour à la tête de l’Église, après plusieurs décennies marquées par le retour aux fondamentaux, à la lettre et à la doctrine. Se frottant au concret, peut-être alors l’Église fera le nécessaire pour adapter sa pensée à ses gestes.

  • Une continuité et une recrudescence du dialogue inter-religieux. Dans le monde d’aujourd’hui, où les tensions religieuses remontent, où des persécutions au titre de la foi se produisent de plus en plus, cet aspect est primordial pour assurer la paix.

  • La chrétienté est jusqu’alors extraordinairement anthropocentrée. Nous pourrions bien assister à une petite révolution théologique de ce côté-là. Saint François, selon la légende, parlait aux animaux comme il parlait aux hommes. Peut-être verrons-nous alors fleurir certains prêches (ou encycliques), voire quelques actions marquées clairement du sceau de l’écologie, ou même de la décroissance.

  • De l’humilité, peut-être verrons-nous enfin se taire les censeurs et les donneurs de leçon de l’Église que l’on entend trop aujourd’hui, même dans notre France laïque. Ce n’est pas pour autant qu’il faut s’attendre à ne plus entendre aucun chant conservateur partir du Vatican mais celui-ci pourrait-être d’une tonalité radicalement différente par rapport aux années passées.

  • Le Pape pourrait entre autre se transformer en VRP contre l’ultra-libéralisme que la globalisation répand comme la peste. Ce poste privilégié lui permet de parler directement aux plus grands de ce monde et si nous y réfléchissons deux secondes, connaît-on beaucoup d’antilibéraux ayant cette possibilité ? Son discours de novembre dernier semble confirmer ce rôle important qu’il s’est dévolu.

Le Loup de Gubbio

Gamins, quand nous entendions parler de saint François, cela nous faisait irrémédiablement penser à cette légende que le catéchisme nous avait inculquée. Une histoire de conte russe, au ton de parabole et à la portée éternelle, qui est peut-être la synthèse la plus simple pour comprendre ce saint.

Alors que saint François séjournait dans la ville de Gubbio, il apprit qu’un loup féroce rôdait autour, s’attaquait aux animaux des fermes mais aussi aux humains. Les habitants étaient terrifiés par l’animal. Saint François partit alors à la rencontre de cette bête. S’approchant d’elle, celle-ci courut pour l’attaquer, mais saint François faisant un signe de croix, calma la bête au nom de Dieu : « Viens ici, frère loup, je t’ordonne au nom de Jésus Christ de ne faire aucun mal, ni à moi ni à personne. » S’apercevant que l’animal était affamé, saint François lui promit qu’il n’aurait plus jamais faim s’il arrêtait d’attaquer n’importe quoi et n’importe qui. Le loup acquiesça et promit d’un geste en lui tendant la patte.

De retour dans le village accompagné du loup, il fit promettre aux villageois de nourrir l’animal jusqu’à la fin de sa vie. Le loup prêta de nouveau serment en tendant la patte.

Après cela, le loup venait tranquillement dans le village et visitait chaque maison paisiblement. Quel est l’intérêt contemporain d’une telle histoire ? Comme pour toute parabole, son explication s’actualise : remplacez le loup par un prolétaire banlieusard ou péri-urbain, et vous obtenez en 1220 une action mélangeant plan d’aide aux banlieues et mixité sociale.

Un incroyable soldat, mais pas un décideur

Et pourtant dans l’espoir symbolique reste une critique que nous pourrions émettre vis-à-vis d’un tel choix.

Saint François était un incroyable soldat de Dieu et du message du Christ, mais sa volonté de rester humble l’a toujours éloigné des postes décisionnels et à responsabilités. Comment comprendre alors que le trône du catholicisme apostolique romain soit désormais occupé par quelqu’un portant son nom ? Plusieurs pistes, l’avenir les départagera. Premièrement, il est possible que ce soit un froid constat d’impuissance face à un monde qui évolue sans se soucier des valeurs et du message des chrétiens. La deuxième possibilité, beaucoup moins humble : ceux qui ont voté pour ce Pape en ont peut-être fait, en toute connaissance de cause, une vitrine du modèle d’action à mener, pour imprimer le nouveau millénaire.

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