Société

Taxe tampon : comment être révolutionnaire jusque dans sa culotte ?

Après le rejet de l’amendement sur la “taxe tampon” par l’Assemblée nationale, beaucoup ont vu rouge. Et pour cause, les protections féminines, qui restent taxées à hauteur de 20 % au lieu de 5,5 %, sont ainsi maintenues en dehors de la catégorie des “produits de première nécessité”. Alors que les féministes de tout poil, de Sophia Aram au collectif Georgette Sand, et le commun des mortels s’offusquent de ce rejet et dénoncent le pseudo-sexisme du Palais Bourbon, peut-être faut-il, au contraire, se réjouir de cette fausse mauvaise nouvelle. Car si c’est pas demain la veille que les femmes arrêteront d’avoir leurs règles, rien ne justifie qu’elles continuent de se détruire à la fois le porte-monnaie et le vagin ainsi que la biodiversité. Mesdames, souriez et ignorez ceux qui voudraient garder la main-mise sur vos dessous.

Rappel des faits. Dans la nuit du mercredi 14 au jeudi 15 octobre, l’Assemblée nationale refuse l’amendement au projet de loi de finances 2016 porté par Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Cette mesure mettait en place la diminution de la TVA des protections féminines à 5,5 %, au taux des “biens de première nécessité”, contre 20 % actuellement. Pas de bol, les vilains députés ont suivi les recommandations de l’encore plus vilain secrétaire d’État Christian Eckert, lequel était tout penaud d’un futur manque à gagner de 55 millions d’euros. Et c’est ainsi que la majorité de l’Assemblée a voté contre la mesure règles-friendly. Dès le lendemain, les grandes défenseuses de la Cause des Femmes étaient fâchées tout rouge : de Sophia Aram (toujours là où on l’attend) à Causette, en passant par Madmoizelle ou le collectif Georgette Sand, dont l’inévitable combat féministe à base de pétition sur Change.org avait inspiré madame Coutelle. Sur Internet, l’indignation 2.0 était à son comble : des vidéos homemade de gentilles demoiselles en colère ont commencé à défiler, ainsi que des tweets, des messages Facebook, des Vine et des Snapchat : bref, rien de nouveau du côté du combat féministe version 2015.

« Moi, je ne veux pas rentrer dans ce débat mais il y a beaucoup de produits d’hygiène qui concernent plutôt les hommes – pas exclusivement – dont le taux de TVA est à 20 %. Les mousses à raser spéciale hommes ont des taux de TVA à 20 % », Christian Eckert. Décidément, la communication du Parti socialiste, c’pas ça…

Dès lors, il fallait agir, et vite. Et quoi de mieux, pour ce faire, que d’envoyer des culottes tâchées de rouge à nos amis les députés ? Homo festivus, ou plutôt Femina festiva, s’en est donné à cœur joie, jusqu’à organiser un “rassemblement festif” le 11 novembre (où on commémorait un autre sang versé, mais c’est une autre histoire), à 15 h,  place du Châtelet à Paris. Le collectif Georgette Sand, à l’origine de l’événement, promettait des “animations visuelles créatives”. Et on a été servi…

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L’enfer moderne d’être une femme

Pourtant, derrière cette indignation, que voir si ce n’est l’éternelle, et très moderne, entreprise de victimisation des féministes du XXIe siècle ? Que déplorer si ce n’est leur habituelle vue à très court terme ? Les femmes ont et auront toujours leurs règles et elles auront toujours besoin de protections. Soit. Dans ce cas-là, pourquoi céder aussi facilement aux sirènes du consumérisme libéral, qui monnaye les vingt tampons 5 € ? Lesquels ne sont JAMAIS fiables à 100 % et nécessitent quasi automatiquement l’ajout de protège-slips, au même prix. Sans oublier que la nuit, la serviette ultra-confort est reine (toujours au même prix). Sérieusement, qui voudrait encore utiliser ce bric-à-brac de protections hors de prix, désagréables, polluantes et dangereuses pour la santé ? Mesdames, tendez plutôt une main amicale aux députés : ils ne le savent pas mais ils vous rendent un fier service !

Les femmes sont déjà largement contraintes à BEAUCOUP de frais pour les produits hygiéniques. Shampoing qui abîme les cheveux et qu’on doit nécessairement cumuler avec un après-shampoing, un soin démêlant, un masque et tutti quanti (et encore, je passe l’étape de la coloration) ; le rasage ou l’épilation, avec des mousses chimiques qui filent des plaques, des crèmes dépilatoires deux en un qui brûlent tes poils et ta peau, de la cire approximative où il manque toujours des bandes et en plus, à la fin, y en a autant sur tes gambettes que sur le tapis de la salle de bain. Et n’oublions pas les crèmes : celle pour le visage, celle pour le corps, celle pour les mains, celle pour les pieds, celle qui est censée faire disparaître tes cernes et celle pour tes premières rides. Ta BB crème fond de teint, ton masque anti points noirs, ta crème désincrustante, exfoliante, et plein de termes approximatifs qui te font espérer le teint de Doutzen Kroes post Photoshop. Même si toi, au final, tu te dis que si t’avais testé avec l’Antikal, tu aurais sûrement eu le même effet pour moins cher…

Être une femme, dans cet empire de la consommation, c’est l’enfer. Clairement. Déjà parce que la quasi-totalité des produits les moins chers en grande surface sont de TRÈS mauvaise qualité. La pub te fait croire que si tu lâches les dix euros pour ce shampoing, ils feront briller tes cheveux et toi en société, alors qu’en réalité, ces produits industriels sont nocifs. En plus de rendre ta chevelure sèche comme de la paille, ils contiennent des agents chimiques (coucou les parabens) dangereux pour ta santé, beaucoup étant cancérigènes. Mais qui a les moyens de se fournir exclusivement en pharmacie, auprès de grandes marques qu’on espère éthiques ? Qui peut s’offrir tous ces produits dans leur version bio, qui frôle douloureusement le double, voire le triple du prix ? Quasiment personne.

La fête du slip

Concernant les protections féminines, la même logique marchande est à l’œuvre. Les bienveillantes publicités se bornent continuellement à la présentation de deux produits : tampons et serviettes. Ceux-là même qu’il faudrait éloigner à tout prix de ton intimité, en fait. Et de ton porte-monnaie. Et de la cuvette des WC. Explications.

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Les chutes du Niagara dans ta culotte.

Selon le collectif Georgette Sand, une femme dépenserait 1 500 € au cours de sa vie pour protéger ses jolis dessous. Soit trente-huit jours de travail au Smic. Le tout au profit de marques en quasi situation de monopole : Tampax, Always, Nana, Nett, Vania… Si les noms et les design changent, le prix, lui, reste désespérément le même. C’est le même principe que pour les opérateurs téléphoniques : tu as l’impression qu’il y a concurrence car y en a plusieurs puis un jour, tu découvres que le produit est quand même cher parce qu’ils se sont mis d’accord (en langage juridique, on appelle ça une entente illicite). En tout cas, ces grandes marques sont les seules qui ont accès au temps de cerveau disponible aux heures de grande écoute. Mais oui, souviens-toi, ces pubs avec un liquide bleu tout rigolo, qui passent en boucle de 17 h à 19 h… Et de fait, ces marques ont leur chemin tout tracé vers ton porte-monnaie tous les vingt-huit jours et pour cause, on ne connaît qu’elles ! Ce qui les arrange bien pour conserver leur petit marché juteux − osons l’adjectif − qui, si le chiffre d’un manque à gagner de TVA à 55 millions d’euros est exact, porte le marché hors taxes à la rondelette somme de 275 millions. Un bien joli pactole. Maintenant, tu comprends pourquoi tu n’as jamais entendu parler de la coupe menstruelle ou des serviettes lavables.

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C’est la version « flux important ».

Seulement, le vice n’est pas que pécuniaire. Il joue d’ailleurs sur une ficelle bien grosse de la société de consommation, qui nous a rendus sûrs d’une chose : si on met le prix, on a la qualité. Mais ce qui est valable pour les chaussures italiennes ne l’est malheureusement pas pour les protections féminines. Ainsi, quelques jours après que la diminution de la TVA a été retoquée, les tampons et serviettes faisaient de nouveau parler d’eux dans les médias. Et on apprenait tranquillement que, selon une étude menée par des chercheurs argentins, pas moins de 85 % des protections féminines contiendraient… de l’herbicide. De l’herbicide ! Non mais sans blague ! Après les lasagnes au boeuf qu’en fait c’est du cheval, et les tartelettes Ikéa au chocolat qu’en fait c’est du caca, voilà maintenant qu’on éponge nos menstrues avec du Roundup ?! Le glyphosate, c’est son petit nom scientifique, “désherbant le plus utilisé au monde” est, évidemment, classé parmi les produits cancérigènes selon l’Organisation mondiale de la santé. Et les médias, ici L’Obs, de doucement commenter : « En France, aucune réglementation n’oblige les fabricants de tampons à communiquer sur leur composition. Cet été, une jeune Française avait lancé une pétition en ligne afin que la marque Tampax fasse figurer celle-ci sur l’emballage de ses produits. Une démarche à laquelle s’est associée 60 millions de consommateurs et qui a recueilli plus de 64 000 signatures. » Étrange que rien n’ait été fait dans ce sens, quand on sait que la composition peut s’étoffer d’aluminium, hydrocarbures, alcools, additifs de parfum, résidus de dioxine…

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Ouf ! Dire qu’on a failli s’inquiéter de se mettre de l’herbicide dans le vagin. Heureusement que les “autorités européennes” sont là !

Enfin, l’argument massue pour la fin, avec des chiffres qui impressionnent. Une femme utilise environ 12 000 protections hygiéniques au cours de sa vie. Les textiles sanitaires, couches, tampons, serviettes et protège-slips représentent plus de 8 % des ordures ménagères, soit 33 kg par habitant chaque année. Un tampon met 500 ans à se décomposer. Chaque seconde, pas moins de 1447 serviettes hygiéniques sont jetées, soient 45 milliards par an. En les mettant bout à bout, on pourrait faire 23 fois le trajet entre la Terre et la Lune. Ce qui fait, au bout du compte, un joli paquet de déchets. Et encore, on ne compte pas les emballages girly qui vont avec. Marketing, marketing, quand cesseras-tu ton œuvre funeste ?

La cup du Saint Graal

1Face à ces tampons tueurs et ces serviettes qui désherbent ton intimité, une seule solution : les protections écologiques. Et miracle, elles existent ! La première, la reine : la coupe menstruelle. Tu n’en as jamais entendu parler ? C’est normal : tout est fait pour dissimuler son existence (voir le paragraphe qui parle de gros sous au-dessus). Et pourtant… Ce petit récipient en silicone a tout pour plaire. S’il est également taxé à 20 %, pour un prix compris entre 15 et 30 € TTC, il a ceci de révolutionnaire qu’il dure dix ans ! Quinze euros pour dix ans ! Et garanti sans désherbant ! Qui dit mieux ? Pratique, malin, économique, écologique : la coupe menstruelle met fin à quasiment tous les soucis de tes périodes sanguinolentes. Tu peux la garder plus longtemps qu’un tampon car elle empêche le sang d’entrer en contact avec l’air, elle n’irrite pas ton vagin comme le fait ce vieux bout de coton durci, du coup, elle évite infections et sécheresses des muqueuses. Toutes ses qualités sont énumérées ici, dans cette vidéo réalisée par l’équipe de Madmoizelle.

Pour les plus récalcitrantes, qui ne mettent qu’avec dégoût les doigts dans leurs orifices, ou qui ne connaissent pas assez bien leur corps, ou simplement pour celles qui estiment que le couple cup-stérilet n’est pas le plus adéquat, il existe encore bien d’autres solutions écolo règles-friendly ! Les éponges de mer et les serviettes lavables, par exemple. Même qu’elles existent en version colorée, avec des fleurs et des papillons et tout, bien loin de la couche pour grand-mère qu’on s’imagine.

En guise de conclusion, que dire ? Simplement, peut-être, faire un appel du pied à mes amies les féministes. Le combat pour l’égalité entre les sexes ne passe pas nécessairement par le même accès pour tous à toutes les saloperies qu’on voudrait nous faire payer toujours plus cher. Ne perdons plus notre temps dans des combats qui nuisent à la femme plus qu’ils ne la libèrent. Des solutions alternatives, meilleures pour la santé, écologiques et économiques existent déjà : être une femme libre, c’est aussi faire le choix de ne pas être complètement aliénée au capitalisme marchand.

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5 réponses »

  1. T’sais quoi ? Tu as raison, sur toutes les lignes, mais t’sais quoi ? Faut arrêter de se servir de toutes ces daubes ! Ces menstrues, il faut les respecter, et donc considérer ces jours, trois, deux jours, comme étant des jours d’indisponibilité, et se comporter à l’ancienne, placer ces trois jours à part, trois jours chez soi, au calme, et sans considérer ce retrait comme un luxe inaccessible mais au contraire, le prendre comme un état, ni maladie ni indisposition, mais un état de soi vitalement important. Enfin c’est ce que je faisais, trois jours pour moi passés à laisser s’écouler le flux, aidée par des bandes de tissu éponge, serviettes usées qui se recyclent logiquement et que l’on jette après l’usage, trois jours passés à ranger, à m’arranger, à recentrer les choses de la vie, avec un hammam (populaire, le hammam, pas un spa) à la fin, du rhassoul, des huiles simples, de l’eau claire pour mes propretés.
    Ptn si tu peux pas faire ça, ma fille, c’est qu’on t’a déjà vendue comme esclave sur le marché des imbéciles, ou que tu es bien la prisonnière de tes libertés. Pas de tva sur la coutume ancienne, pas d’agents blanchissants, mais 400 ovules dans une vie de femme qui méritent qu’on leur accorde nos soins.

  2. Vous devez vachement vous y connaître en féminisme pour penser qu’on n’a pas encore découvert la cup, les serviettes lavables et tout le tintouin. C’est grâce à des féministes 2.0 que vous-même en avez ne serait-ce qu’entendu parler, pourtant, vu qu’accessoirement ce sont elles qui développent et diffusent ce genre de méthodes.
    Mais ça ne convient pas à tout le monde, à tous les modes de vie, et à toutes les bourses : l’investissement de base (qui plus est sans savoir si on va s’y retrouver) peut être lourd pour quelqu’une au RSA, par exemple.
    Et surtout (si vous suiviez un peu plus les féministes, vous le sauriez) : les cups et le reste étaient AUSSI taxées comme les autres.

    • Merci de lire l’article avant de commenter….

      Face à ces tampons tueurs et ces serviettes qui désherbent ton intimité, une seule solution : les protections écologiques. Et miracle, elles existent ! La première, la reine : la coupe menstruelle. Tu n’en as jamais entendu parler ? C’est normal : tout est fait pour dissimuler son existence (voir le paragraphe qui parle de gros sous au-dessus). Et pourtant… Ce petit récipient en silicone a tout pour plaire. S’il est également taxé à 20 %, pour un prix compris entre 15 et 30 € TTC, il a ceci de révolutionnaire qu’il dure dix ans ! Quinze euros pour dix ans ! Et garanti sans désherbant ! Qui dit mieux ?

      • pff, y’en a toujours qui doivent commenter sans réfléchir et dire n’importe quoi, le plaisir de râler, quoi.
        20% de 15 euro, c’est 3 euro, pour 10 ans, je pense que c’est à la portée de la bourse (ou plutôt du vagin) de n’importe quel RMIste.

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