Culture

« Mr. Robot » : la révolution par le code

Quand on cherche une série sur l’univers numérique, on pense en premier lieu à « Black Mirror« . Il existe aussi « Mr. Robot », qui dépasse la première sur bien des points, dans un style différent. Cette série présente un groupe d’activistes discrètement introduit dans une grande firme du numérique pour la faire tomber. L’équipe, menée par un génie dérangé, va vite s’apercevoir qu’elle rentre dans un jeu de pouvoir dont elle ne maîtrise pas tous les tenants et aboutissants. Petit tour d’horizon.

Comme un bon anti-virus, Mr. Robot est d’abord une série parfaitement actuelle. Elle s’inscrit dans un processus de réflexion profonde sur l’univers numérique et son impact sur la réalité et sur l’humanité. Évitant ainsi l’écueil de la séparation entre réel et virtuel, la série cherche à bouleverser ces vieux repères grâce à une astuce scénaristique : le héros souffre de schizophrénie. Ainsi, le protagoniste principal passe perpétuellement d’une vie à une autre, où seul le numérique, grâce à la traçabilité, lui permet de faire le lien entre ces deux identités.

En renversant par là notre compréhension traditionnelle du problème, Mr. Robot ouvre le champ des possibles : l’univers réel représente l’instabilité et l’univers numérique la stabilité. La réalisation va d’ailleurs totalement s’accorder à cela, les protagonistes provoquent le cadre, jouent avec ses bordures. Les choix scénaristiques et le dévoilement tardif des coups de théâtre ne cessent de laisser le spectateur dans une instabilité permanente. La liquéfaction de la société est ainsi représentée. Les changements opèrent une profonde remise en question de nos codes convenus et laissent la possibilité d’une analyse fraîche, nouvelle et débarrassée des vieux poncifs. Aucun code Hollywoodien n’est respecté, ce qui est plutôt rare même pour de l’indé.

Numérique et comportement humain

La série n’évite aucun débat. Elle aborde pêle-mêle les interrogations autour du monopole des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), de la protection des données personnelles, de l’impact des réseaux sociaux sur le comportement entre personnes intimement liées (amis, famille). Elle ne porte cependant aucune conclusion pour éviter l’effet moralisateur. Elle cherche simplement à pousser dans leurs derniers retranchements toutes les questions afférentes au monde numérique en allant jusqu’à mettre en pièce des psychés ou tuer des individus.

Le spectateur verra d’ailleurs sa propre vie projetée sur son écran grâce à une mise en abîme avec laquelle les auteurs de la série n’ont pas hésiter à jouer. En effet, le héros s’adresse perpétuellement à nous. Nous sommes impliqués dans l’histoire. Cette série reprend ainsi l’un des fantasmes les moins évoqués de notre société, celui de Fight Club ou de tous les scénarios de survie : voir ce monde pourri voler en éclat. Les auteurs ne sont pas avares d’effets de manche dans ce sens, nous amenant à voir ce que le chaos implique et ce qu’il faut faire pour l’obtenir. Profondément révolutionnaire, la série place le spectateur face à ses responsabilités.

Contre le libéralisme numérique

Mr. Robot permet en outre de se rendre compte de manière concrète que l’univers numérique n’est pas exempte d’idéologie et de politique. Nous comprenons ainsi au fur et à mesure de l’avancée de la série à quel point notre monde virtuel est architecturalement construit pour convenir parfaitement à des motivations ultra-libérales et capitalistes. Les obstacles scénaristiques sont aussi là pour nous montrer que le système utilise le monde virtuel pour se protéger et même, d’une certaine manière, pour voler la réalité au peuple et se l’accaparer : le virtuel ne détruit pas intrinsèquement le réel mais il est bien un puissant moteur de propagande et d’organisation systémique politique face auquel l’univers réel semble aujourd’hui désarmé.

La structure actuelle du web, en “toile d’araignée” est en réalité inspirée du centralisme des routes romaines. Tout comme pendant l’Antiquité, cette structure correspond parfaitement à un impérialisme, ici américain. La totalité des GAFA étant d’origine outre-Atlantique (Google, Apple, Facebook, Amazon), on peut considérer que les États-Unis ont créé un système pour perpétuer leur domination à l’échelle globale en étendant les routes numériques sur la totalité du globe. Mr. Robot esquisse les contours de cette réalité géopolitique en confrontant le géant américain avec son challenger chinois.

La structure en forme de toile d’araignée du web permet aussi un contrôle total, autorisant la surveillance par la récolte de données à grande échelle. « Big Brother is watching you ». Ce centralisme exacerbé est démontré dans la série. Il oblige les protagonistes a intégrer la firme géante E-Corp pour pouvoir accéder aux nœuds centraux.

Avec Mr. Robot, nous pouvons ainsi nous représenter la toile comme un gigantesque champ de bataille où, pour gagner en pouvoir, il faut gagner en terrain. La censure apparaît alors comme une arme de destruction massive politique. Dit autrement, le pouvoir est dans le code. C’est peut-être la plus importantes des leçons que porte Mr. Robot.

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1 réponse »

  1. Tout ceci est vrai mais il me semble que de la propagande américaine bien classique est diffusé dans la série, d’autant plus insidieuse car la série se présente comme révolutionnaire.

    En effet, au delà des rapides apparitions de Poutine et Trump dans la série représenté comme des « Big brother » du Web, la série laisse croire que les États-Unis seraient un pays agressé et manipulé de l’extérieur, (tiens tiens comme dans la fable de la CIA sur l’élection de Trump..) en l’occurrence par la Chine..

    La bonne blague ! Le pays qui attaque tout le monde qui se victimise dans ses productions cinématographique..

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