Politique

Emmanuel Macron : « Ta gueule le peuple »

Quelques jours après la fuite d’un document émanant de la Direction de la sécurité et de proximité de l’agglomération (DSPAP) de la préfecture de police de Paris et qui faisait mention de tous les détails du dispositif opérationnel ainsi que des consignes générales sur le traitement des débordements par les appareils policier et judiciaire, nous avons pu récupérer le texte de l’allocution que le président de la République donnera ce lundi 10 décembre 2018 au soir. Nous le reproduisons ici.

Monsieur le président de la Commission européenne,

Mesdames et Messieurs les Capitaines d’industrie,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Officiers généraux,

Mesdames et Messieurs les Officiers, Sous-officiers, Gendarmes adjoints volontaires d’active ou de réserve, personnels civils de la Gendarmerie nationale,

Chère Brigitte,

Papa, Maman, Estelle et Laurent,

Cher Alexandre,

Nemo (Nemo, c’est notre chien),

 

Mes chers compatriotes,

L’heure est grave et l’instant historique. Je mesurer l’importance de la séquence à laquelle nous venons d’assister. Les jours qui viennent de s’écouler marqueront à jamais l’histoire de notre pays. Ils laisseront une marque infamante sur le peuple français, qui s’est illustré une fois de plus de la pire des manières qui soit : en faisant la démonstration de son incapacité d’être réformé, quand tant de nos voisins – européens et extra-européens – nous observent et attendent de nous des signaux clairs, la possibilité de voir survenir un avenir radieux pour tous, de France d’abord, pour s’étendre au reste du monde ensuite. La violence qui s’est déchaînée plusieurs heures durant, chaque samedi du mois de novembre, ne peut être acceptée : elle n’est pas tolérable et ne sera plus tolérée. Je n’ai rien oublié et vous non plus du choix que la France a fait il y a plus d’une année en me plaçant aux plus hautes responsabilités. Ce choix, il était connu de tous : la majorité roterait du sang de manière à ce qu’un nombre restreint d’entre-nous s’accapare toujours exponentiellement ce qui devrait être commun. Parmi vous, nombreux sont ceux à n’avoir pas voté pour moi : huit sur dix, s’il faut en croire les études les plus rigoureuses. Quoi de plus normal alors que de ne me préoccuper que d’une portion réduite d’entre vous ?

Le peuple de France n’a rien à gagner à prolonger les violences et à démarrer une insurrection, il a même tout à y perdre : n’avez-vous pas vu ces mains arrachées par les tirs tendus et les grenades des CRS ? Ces images, je les ai vues. Je suis le président de tous les Français, et mes yeux sont à ce titre sur chacun de vous. J’ai vu des corps mutilés et d’innocents manifestants être pris à parti comme le seraient de dangereux ennemis militaires sur un théâtre d’opérations. J’ai vu des hommes être roués de coups pendant que d’autres filmaient afin de témoigner, quelques minutes avant d’être la cible de ces mêmes CRS, qu’ils avaient vu mettre hors d’état de nuire les dangereux gilets jaunes qui le méritaient. J’ai vu, je le répète, ces mains déchiquetées par les grenades utilisées par les forces de l’ordre. Or, je vous le demande en conscience : que deviendrez-vous sans vos mains ? Aussi, je vous invite à la plus extrême prudence : nulle chance de voir repartir la croissance en hausse si la moitié des gens ordinaires de notre pays finissent manchots avant Noël. Nous devons, collectivement, comprendre les enjeux et y répondre avec la plus extrême fermeté.

« Emmanuel Macron : “Parmi vous, nombreux sont ceux à n’avoir pas voté pour moi : huit sur dix, s’il faut en croire les études les plus rigoureuses.” »

Je comprends votre colère. Cette hargne qui vous saisit lorsque, le soir, seuls devant vos postes de télévision, vous discutez entre vous d’autre chose que du résultat du match de Ligue 1 de l’après-midi ou du cor au pied de votre tante. Je vous le dis : votre colère est légitime. Comment peut-elle ne pas l’être ? Comment oublier que nous avons ratifié le référendum de 2005 établissant une constitution pour l’Europe, alors même que vous l’aviez rejeté ? Comment ignorer que vous assistez passifs à la redistribution de toute cette colossale richesse aux actionnaires, tandis que vous survivez péniblement à découvert depuis si longtemps ? Comment ne pas voir l’organisation structurelle de l’évasion fiscale, de l’optimisation fiscale, de la fraude fiscale : comment ne pas voir que tout est fait dans ce pays pour que les plus riches d’entre nous payent paradoxalement le moins d’impôts possible ? Comment ignorer que tous les enfants de France sont frappés de manière similaire par les problèmes de pollution endémique, et que cette dernière est responsable d’un nombre toujours croissant de maladies, notamment respiratoires ? Comment ne pas être en colère, devant toutes ces fermetures d’hôpitaux et d’écoles successives ? Comment ne pas être frappé d’effroi devant la lente destruction du système de Sécurité sociale, héritage de l’alliance entre des forces pourtant totalement opposées ? Comment garder son calme en apprenant les collusions multiples entre l’industrie pharmaceutique et la médecine ? Comment ne pas être saisi en songeant aux successifs sauvetages des grandes banques, résultat de l’hyper-financiarisation de l’économie ? Comment accepter sereinement l’idée selon laquelle vos enfants hériteront d’une planète exsangue, qu’ils ne verront jamais une hirondelle et n’entendront jamais le chant du merle, et qu’ils n’auront d’autre choix que d’errer perpétuellement d’un point du globe à un autre afin d’échapper aux multiples effets de la destruction de l’environnement en cours : tempêtes tropicales, tsunamis, séismes et autres feux de forêt ?

C’est pourquoi nous avons jugé préférable de placer un peu plus de 1000 de nos concitoyens en garde-à-vue. Là encore, je tiens à féliciter les forces de l’ordre dans leur ensemble, ainsi que le personnel judiciaire, pour la qualité de leur travail. Je ne suis pas sourd aux critiques soulevées par ces interpellations qui peuvent sembler abusives. J’entends celles et ceux qui portent une critique virulente de notre action. Ils ignorent cependant ce qui a motivé notre geste : l’amour. Nous avons en effet jugé préférable de protéger d’eux-mêmes ces individus qui semblaient avoir perdu tout entendement. C’est ma responsabilité, en tant que chef d’État, de ne pas laisser en liberté les plus radicaux de nos concitoyens, qui auraient tôt fait d’entraîner les autres dans la folie qu’est leur quête de justice sociale.

Le peuple de France n’est pas n’importe quel peuple. Il porte un lourd héritage, qui prend parfois la forme d’un fardeau bien accablant, il est la nation des Droits de l’Homme, la patrie des Lumières, la République des révolutions. C’est pourquoi, après mure réflexion et une concertation avec les acteurs du numérique, nous avons décidé de vous laisser fonctionnels les réseaux sociaux. Il est important que chacun d’entre vous puisse s’exprimer, faire part de son malaise profond, et qu’il soit à même de le partager. La solitude qui étreint toutes les couches sociales doit être combattue avec la plus grande énergie. J’y mettrai toute ma volonté : je veux que la fracture numérique soit considérée comme l’un des points forts de mon quinquennat. Je veux que d’ici la fin de l’année 2019, il soit possible d’avoir une connexion haut débit, que l’on habite le centre de Paris ou le coin le plus reculé de l’Ardèche. Il n’est pas normal que certains enfants continuent de ne pas disposer d’un accès égal à la culture, et se retrouvent dès lors contraints de passer de longues heures dehors, dans les champs ou dans les forêts.

Les réseaux sociaux ont malheureusement propagé la haine, qui s’est répandue comme une maladie vénérienne dans la population française. Celle-ci est alors descendue dans les rues afin d’appeler à un changement de régime. Ce règne, mon règne, il a été attaqué de toutes parts. C’est pourquoi je tiens à féliciter mes collègues de la République en marche. Leur patience et leur dévouement m’ont rempli de fierté. De patience, il a bien fallu faire preuve, lors de ces échanges interminables avec ces gens ordinaires qui, pour la première fois de leur vie, furent invités sur les plateaux de télévision. Il faut espérer ne plus les y revoir. Leur langue est pauvre, leur vocabulaire limité, et leur réflexion courte : je veux le répéter avec force, la politique est l’affaire des hommes politiques. A-t-on vu un député se rendre dans une usine de conditionnement afin de se mêler de la vie des autres ? Que chacun reste à sa place, ce n’est que de cette manière – éprouvée dans le temps – que notre société saura se rendre de nouveau fonctionnelle, faisant fi des crises de ces dernières semaines.

© Marie-Anne Bezon, pour La Revue du Comptoir

Je me suis rendu dans le centre de Paris cet après-midi afin de prendre la mesure des dégâts occasionnés. Les rues de notre capitale sont jonchées des balles en caoutchouc qu’ont été contraint de tirer les dépositaires de la violence légitime, ce afin de faire reculer la masse grouillante du peuple. Je veux placer mon mandat, je le répète, sous le signe de l’écologie. C’est pourquoi je rappelle ce soir à chacun d’entre vous que je suis le champion de la Terre. L’écologie ne doit pas être un gros mot. Il n’est pas question d’opposer les gilets jaunes aux militants écologiques : tous doivent se rassembler marcher ensemble, main dans la main, afin de faciliter le travail de répression. La responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui est d’une importance jamais vue, inégalée : nous avons le devoir de permettre aux générations futures de profiter d’un confort et d’un train de vie qui seront en tout points supérieurs à ceux que nous aurons nous-mêmes connus. Nous devons nous rassembler et coopérer de toutes nos forces, afin que demain, les problèmes climatiques que nous connaissons actuellement soient transformées en solutions. La France doit se saisir de cette problématique, c’est le sens de mon combat en tant que champion de la Terre. Brassons de l’air, maintenant, afin que tout change.

Les fêtes de Noël approchent. Je comprends même les plus combatifs d’entre-vous. Vous avez lutté pour vos familles. Or, Noël est la fête familiale par excellence. C’est pourquoi j’appelle à l’apaisement. Je m’adresse ce soir à ceux qui ne sont rien. Je le dis à ceux qui fument des cigarettes et roulent au diesel : abandonnez. Je le signale aussi bien aux fainéants qu’aux réfractaires. Je l’annonce à celles et ceux qui se montrent incapables de traverser la rue pour trouver un emploi. Je le déclare, enfin, aux gens incapables de se payer un costume : il faut que l’ordre règne.

Ce n’est que lorsque l’ordre régnera de nouveau totalement que nous serons en mesure de nous emparer tous ensemble des problèmes qui sont les vôtres. Le climat de terreur qui a régné ces dernières semaines doit cesser. Nous ne pouvons nous permettre de vivre au sein de cette forme de guerre civile. Si malheureusement, elle venait à perdurer, je serai alors obligé d’en tirer les conclusions en mettant tout en œuvre pour en sortir vainqueur. L’ordre capitaliste règne ce soir, et chacun sent ainsi dans sa chair comme il fait bon vivre dans une société pacifiée.

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »– Article 35, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1793)

Mes chers compatriotes, les graves événements me contraignent à faire fi de la pudeur qui accompagne la fonction présidentielle, et à vous citer Paul Ricœur, l’un de mes mentors : « Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage. »

Vive la République ! Vive la Finance !

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