Politique

Le Premier mai avec Simone Weil, pour un syndicalisme de combat

Le 10 juin 1936, la militante et philosophe Simone Weil publiait dans « La Révolution prolétarienne » un article intitulé « La vie et la grève des ouvrières métallos ». Elle y décrit le quotidien de la condition ouvrière ainsi que le mouvement de grève générale qui grandissait alors dans toute la France. En ce 1er mai, nous vous proposons un extrait de l’article de Weil, en espérant qu’il participe à motiver les luttes communes qui s’annoncent, et ouvre des pistes de réflexion sur les combats à mener sous la prochaine présidence.

C’est à l’époque du Front populaire que l’article que nous vous proposons a été rédigé. Pourtant, loin d’être obsolète, il conserve toute sa portée et son actualité, nous rappelant ce qu’est un monde dans lequel le patron est tout-puissant, où les ouvriers sont parfois payés au rendement, sans salaire minimum, sans pouvoir des syndicats dans l’entreprise. Le droit du travail et les acquis sociaux du siècle dernier sont en effet très sérieusement remis en question par les deux candidats en lice pour l’élection présidentielle. Emmanuel Macron a notamment annoncé qu’il souhaitait les réformer par ordonnances dans les premiers mois de sa présidence, et poursuivre le processus d’inversion de la hiérarchie des normes entamé par la loi El Khomri, qui organise la primauté de l’accord de branche ou d’entreprise sur le droit commun du travail, pourtant garant de l’égalité de traitement des salariés. Le combat syndical, dans ce contexte, va devenir un des moyens essentiels de la lutte sociale, et le combat politique va plus que jamais devoir être mené au sein des entreprises. Les formes d’action syndicale doivent donc être repensées pour se redonner de la dignité et pour pouvoir peser dans le rapport de force, à l’image du syndicalisme de combat prôné par Simone Weil et ses camarades grévistes de 1936.

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« Dès qu’on a senti la pression s’affaiblir, immédiatement les souffrances, les humiliations, les rancœurs, les amertumes silencieusement amassées pendant des années ont constitué une force suffisante pour desserrer l’étreinte. C’est toute l’histoire de la grève. Il n’y a rien d’autre.

Des bourgeois intelligents ont cru que la grève avait été provoquée par les communistes pour gêner le nouveau gouvernement. J’ai entendu moi-même un ouvrier intelligent dire qu’au début la grève avait sans doute été provoquée par les patrons pour gêner ce même gouvernement. Cette rencontre est drôle. Mais aucune provocation n’était nécessaire. On pliait sous le joug. Dès que le joug s’est desserré, on a relevé la tête. Un point c’est tout.Comment est-ce que ça s’est passé ? Oh ! bien simplement. L’unité syndicale n’a pas constitué un facteur décisif. Bien sûr, c’est un gros atout, mais qui joue dans d’autres corporations beaucoup plus que pour les métallos de la région parisienne, parmi lesquels on ne comptait, il y a un an, que quelques milliers de syndiqués. Le facteur décisif, il faut le dire, c’est le gouvernement du Front populaire. D’abord, on peut enfin – enfin ! – faire une grève sans police, sans gardes mobiles. Mais ça, ça joue pour toutes les corporations. Ce qui compte surtout, c’est que les usines de mécanique travaillent presque toutes pour l’État, et dépendent de lui pour boucler le budget. Cela, chaque ouvrier le sait. Chaque ouvrier, en voyant arriver au pouvoir le parti socialiste, a eu le sentiment que, devant le patron, il n’était plus le plus faible. La réaction a été immédiate.

Pourquoi les ouvriers n’ont-ils pas attendu la formation du nouveau gouvernement ? Il ne faut pas, à mon avis, chercher là-dessous des manœuvres machiavéliques. Nous ne devons pas non plus, nous autres, nous hâter de conclure que la classe ouvrière se méfie des partis ou du pouvoir d’État. Nous aurions, par la suite, de sérieuses désillusions. Bien sûr, il est réconfortant de constater que les ouvriers aiment encore mieux faire leurs propres affaires que de les confier au gouvernement. Mais ce n’est pas, je crois, cet état d’esprit qui a déterminé la grève. Non. En premier lieu on n’a pas eu la force d’attendre. Tous ceux qui ont souffert savent que lorsqu’on croit qu’on va être délivré d’une souffrance trop longue et trop dure, les derniers jours d’attente sont intolérables. Mais le facteur essentiel est ailleurs. Le public, et les patrons, et Léon Blum lui-même, et tous ceux qui sont étrangers à cette vie d’esclave sont incapables de comprendre ce qui a été décisif dans cette affaire. C’est que dans ce mouvement il s’agit de bien autre chose que de telle ou telle revendication particulière, si importante soit-elle. Si le gouvernement avait pu obtenir pleine et entière satisfaction par de simples pourparlers, on aurait été bien moins content. 

Il s’agit, après avoir toujours plié, tout subi, tout encaissé en silence pendant des mois et des années, d’oser enfin se redresser. Se tenir debout. Prendre la parole à son tour. Se sentir des hommes, pendant quelques jours. Indépendamment des revendications, cette grève est en elle-même une joie. Une joie pure. Une joie sans mélange.

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Grèves de 1936, la joie partagée

Oui, une joie. J’ai été voir les copains dans une usine où j’ai travaillé il y a quelques mois. J’ai passé quelques heures avec eux. Joie de pénétrer dans l’usine avec l’autorisation souriante d’un ouvrier qui garde la porte. Joie de trouver tant de sourires, tant de paroles d’accueil fraternel. Comme on se sent entre camarades dans ces ateliers où, quand j’y travaillais, chacun se sentait tellement seul sur sa machine ! Joie de parcourir librement ces ateliers où on était rivé sur sa machine, de former des groupes, de causer, de casser la croûte. Joie d’entendre, au lieu du fracas impitoyable des machines, symbole si frappant de la dure nécessité sous laquelle on pliait, de la musique, des chants et des rires. On se promène parmi ces machines auxquelles on a donné pendant tant et tant d’heures le meilleur de sa substance vitale, et elles se taisent, elles ne coupent plus de doigts, elles ne font plus de mal. Joie de passer devant les chefs la tête haute. On cesse enfin d’avoir besoin de lutter à tout instant, pour conserver sa dignité à ses propres yeux, contre une tendance presque invincible à se soumettre corps et âme. Joie de voir les chefs se faire familiers par force, serrer des mains, renoncer complètement à donner des ordres. Joie de les voir attendre docilement leur tour pour avoir le bon de sortie que le comité de grève consent à leur accorder. Joie de dire ce qu’on a sur le cœur à tout le monde, chefs et camarades, sur ces lieux où deux ouvriers pouvaient travailler des mois côte à côte sans qu’aucun des deux sache ce que pensait le voisin. Joie de vivre, parmi ces machines muettes, au rythme de la vie humaine – le rythme qui correspond à la respiration, aux battements du cœur, aux mouvements naturels de l’organisme humain – et non à la cadence imposée par le chronométreur. Bien sûr, cette vie si dure recommencera dans quelques jours. Mais on n’y pense pas, on est comme les soldats en permission pendant la guerre. Et puis, quoi qu’il puisse arriver par la suite, on aura toujours eu ça. Enfin, pour la première fois, et pour toujours, il flottera autour de ces lourdes machines d’autres souvenirs que le silence, la contrainte, la soumission. Des souvenirs qui mettront un peu de fierté au cœur, qui laisseront un peu de chaleur humaine sur tout ce métal.

On se détend complètement. On n’a pas cette énergie farouchement tendue, cette résolution mêlée d’angoisse si souvent observée dans les grèves. On est résolu, bien sûr, mais sans angoisse. On est heureux. On chante, mais pas l’Internationale, pas la Jeune Garde ; on chante des chansons, tout simplement, et c’est très bien. Quelques-uns font des plaisanteries, dont on rit pour le plaisir de s’entendre rire. On n’est pas méchant. Bien sûr, on est heureux de faire sentir aux chefs qu’ils ne sont pas les plus forts. C’est bien leur tour. Ça leur fait du bien. Mais on n’est pas cruel. On est bien trop content. On est sûr que les patrons céderont. On croit qu’il y aura un nouveau coup dur au bout de quelques mois, mais on est prêt. On se dit que si certains patrons ferment leurs usines, l’État les reprendra. On ne se demande pas un instant s’il pourra les faire fonctionner aux conditions désirées. Pour tout Français, l’État est une source de richesse inépuisable. L’idée de négocier avec les patrons, d’obtenir des compromis, ne vient à personne. On veut avoir ce qu’on demande. On veut l’avoir parce que les choses qu’on demande, on les désire, mais surtout parce qu’après avoir si longtemps plié, pour une fois qu’on relève la tête, on ne veut pas céder. On ne veut pas se laisser rouler, être pris pour des imbéciles. Après avoir passivement exécuté tant et tant d’ordres, c’est trop bon de pouvoir enfin pour une fois en donner à ceux mêmes de qui on les recevait. Mais le meilleur de tout, c’est de se sentir tellement des frères…

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Fin allégorique du chronométreur Bedaux

Et les revendications, que faut-il en penser ? Il faut noter d’abord un fait bien compréhensible, mais très grave. Les ouvriers font la grève, mais laissent aux militants le soin d’étudier le détail des revendications. Le pli de la passivité contracté quotidiennement pendant des années et des années ne se perd pas en quelques jours, même quelques jours si beaux. Et puis ce n’est pas au moment où pour quelques jours on s’est évadé de l’esclavage qu’on peut trouver en soi le courage d’étudier les conditions de la contrainte sous laquelle on a plié jour après jour, sous laquelle on pliera encore. On ne peut pas penser à ça tout le temps. Il y a des limites aux forces humaines. On se contente de jouir, pleinement, sans arrière-pensée, du sentiment qu’enfin on compte pour quelque chose ; qu’on va moins souffrir ; qu’on aura des congés payés – cela, on en parle avec des yeux brillants, c’est une revendication qu’on n’arrachera plus du cœur de la classe ouvrière –, qu’on aura de meilleurs salaires et quelque chose à dire dans l’usine, et que tout cela, on ne l’aura pas simplement obtenu, mais imposé. On se laisse, pour une fois, bercer par ces douces pensées, on n’y regarde pas de plus près.

Or, ce mouvement pose de graves problèmes. Le problème central, à mes yeux, c’est le rapport entre les revendications matérielles et les revendications morales. Il faut regarder les choses en face. Est-ce que les salaires réclamés dépassent les possibilités des entreprises dans le cadre du régime ? Et si oui, que faut-il en penser ? Il ne s’agit pas simplement de la métallurgie, puisqu’à juste titre le mouvement revendicatif est devenu général. Alors ? Assisterons-nous à une nationalisation progressive de l’économie sous la poussée des revendications ouvrières, à une évolution vers l’économie d’État et le pouvoir totalitaire ? Ou à une recrudescence du chômage ? Ou à une reculade des ouvriers obligés de baisser la tête une fois de plus sous la contrainte des nécessités économiques ? Dans chacun de ces cas, ce beau mouvement aurait une triste issue.

J’aperçois, pour moi, une autre possibilité. Il est à vrai dire délicat d’en parler publiquement dans un moment pareil. En plein mouvement revendicatif, on ose difficilement suggérer de limiter volontairement les revendications. Tant pis. Chacun doit prendre ses responsabilités. Je pense, pour moi, que le moment serait favorable, si on savait l’utiliser, pour constituer le premier embryon d’un contrôle ouvrier. Les patrons ne peuvent pas accorder des satisfactions illimitées c’est entendu ; que du moins ils ne soient plus seuls juges de ce qu’ils peuvent ou disent pouvoir. Que partout où les patrons invoquent comme motif de résistance la nécessité de boucler le budget, les ouvriers établissent une commission de contrôle des comptes constituée par quelques-uns d’entre eux, un représentant du syndicat, un technicien membre d’une organisation ouvrière. Pourquoi, là où l’écart entre leurs revendications et les offres du patronat est grand, n’accepteraient-ils pas de réduire considérablement leurs prétentions jusqu’à ce que la situation de l’entreprise s’améliore, et sous la condition d’un contrôle syndical permanent ? Pourquoi même ne pas prévoir dans le contrat collectif, pour les entreprises qui seraient au bord de la faillite, une dérogation possible aux clauses qui concernent les salaires, sous la même condition ? Il y aurait alors enfin et pour la première fois, à la suite d’un mouvement ouvrier, une transformation durable dans le rapport des forces. Ce point vaut la peine d’être sérieusement médité par les militants responsables.

Ouvriers pendant les grèves de 1936

Un autre problème, qui concerne plus particulièrement les bagnes de la mécanique, est lui aussi à considérer. C’est la répercussion des nouvelles conditions de salaires sur la vie quotidienne à l’atelier. Tout d’abord, l’inégalité entre les catégories sera-t-elle intégralement maintenue ou diminuée ? Il serait déplorable de la maintenir. L’effacer serait un soulagement, un progrès prodigieux quant à l’amélioration des rapports entre ouvriers. Si on se sent seul dans une usine, et on s’y sent très seul, c’est en grande partie à cause de l’obstacle qu’apportent aux rapports de camaraderie de petites inégalités, grandes par rapport à ces maigres salaires. Celui qui gagne un peu moins jalouse celui qui gagne un peu plus. Celui qui gagne un peu plus méprise celui qui gagne un peu moins. C’est ainsi. Ce n’est pas ainsi pour tous, mais c’est ainsi pour beaucoup. On ne peut pas sans doute encore établir l’égalité, mais du moins on peut diminuer considérablement les différences. Il faut le faire. Mais ce qui me paraît le plus grave, le voici. On aura, pour chaque catégorie, un salaire minimum. Mais le travail aux pièces est maintenu. Que se passera-t-il alors en cas de “bons coulés”, c’est-à-dire au cas où le salaire calculé en fonction des pièces exécutées est inférieur au salaire minimum ? Le patron réglera la différence, c’est entendu. La fatigue, le manque de vivacité, la malchance de tomber sur du “mauvais boulot” ou de travailler sur une machine détraquée ne seront plus automatiquement punis par un abaissement presque illimité des salaires. On ne verra plus une ouvrière gagner douze francs dans une journée parce qu’elle aura dû attendre quatre ou cinq heures qu’on ait fini de réparer sa machine. Très bien. Mais il y a à craindre alors qu’à cette injuste punition d’un salaire dérisoire se substitue une punition plus impitoyable, le renvoi. Le chef saura de quels ouvriers il a dû relever le salaire pour observer la clause du contrat, il saura quels ouvriers sont restés le plus souvent au-dessous du minimum. Pourra-t-on l’empêcher de les mettre à la porte pour rendement insuffisant ? Les pouvoirs du délégué d’atelier peuvent-ils s’étendre jusque-là ? Cela me paraît presque impossible, quelles que soient les clauses du contrat collectif. Dès lors, il est à craindre qu’à l’amélioration des salaires corresponde une nouvelle aggravation des conditions morales du travail, une terreur accrue dans la vie quotidienne de l’atelier, une aggravation de cette cadence du travail qui déjà brise le corps, le cœur et la pensée. Une loi impitoyable, depuis une vingtaine d’années, semble faire tout servir à l’aggravation de la cadence.

Je m’en voudrais de terminer sur une note triste. Les militants ont, en ces jours, une terrible responsabilité. Nul ne sait comment les choses tourneront. Plusieurs catastrophes sont à craindre. Mais aucune crainte n’efface la joie de voir ceux qui toujours, par définition, courbent la tête, la redresser. Ils n’ont pas, quoi qu’on suppose du dehors, des espérances illimitées. Il ne serait même pas exact de parler en général d’espérances. Ils savent bien qu’en dépit des améliorations conquises le poids de l’oppression sociale, un instant écarté, va retomber sur eux. Ils savent qu’ils vont se retrouver sous une domination dure, sèche et sans égards. Mais ce qui est illimité, c’est le bonheur présent. Ils se sont enfin affirmés. Ils ont enfin fait sentir à leurs maîtres qu’ils existent. Se soumettre par force, c’est dur ; laisser croire qu’on veut bien se soumettre, c’est trop. Aujourd’hui, nul ne peut ignorer que ceux à qui on a assigné pour seul rôle sur cette terre de plier, de se soumettre et de se taire plient, se soumettent et se taisent seulement dans la mesure précise où ils ne peuvent pas faire autrement. Y aura-t-il autre chose ? Allons-nous enfin assister à une amélioration effective et durable des conditions du travail industriel ? L’avenir le dira ; mais cet avenir, il ne faut pas l’attendre, il faut le faire. »

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2 réponses »

  1. Le contexte a complètement changé : congés payés, arrêts maladie, salaire minimum, 35h (même si on repasse à 39 payées 39, les semaines de 48h payées une misère, c’est fini), etc. sont des acquis sur lesquels personne ne reviendra. Personnellement, quand je pense au rôle de certains syndicats, qui ne roulent que pour leur pomme et sont aussi pourris (davantage ?) que les patrons contre lesquels ils (pseudo)luttent, je me dis que les temps ont bien changé. Et surtout, point capital : la population ouvrière vote en majorité FN.
    Donc merci pour cet article, mais j’ai vraiment du mal à voir comment il peut ‘motiver les luttes communes qui s’annoncent, et ouvr[ir] des pistes de réflexion sur les combats à mener sous la prochaine présidence’ !

  2. « Les patrons ne peuvent pas accorder des satisfactions illimitées c’est entendu ; que du moins ils ne soient plus seuls juges de ce qu’ils peuvent ou disent pouvoir. »

    Merci de m’avoir fait découvrir cette philosophe. Il est toujours facile d’extraire telle ou telle citation pour en tirer la conclusion que l’on souhaite. Hors de tout contexte cette phrase pourrait paraître défendre le syndicalisme responsable, le syndicalisme progressif …
    Pour avoir commencer à lire ses ouvrages, j’ai appris qu’elle était pleinement engagée dans la CGT, la CGT historique attachée à la Charte d’Amiens revendiquant l’indépendance syndicale … J’ai appris aussi qu’elle aurait participé à l’amorce du programme du CNR …

    Alors quand je lis cette phrase je pense au paritarisme – cogestion d’un organisme (assurance chômage / formation … ) par un nombre égal de représentants des employés et des employeurs- . C’est cette grande avancée syndicale fondamentale en France que veut supprimer Macron au prétexte de baisser les charges patronales en faisant oublier au peuple que ces charges sont une partie intégrante de notre salaire.

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