Politique

Thomas Guénolé : « La ligne antisociale gouverne le pays »

Politologue (titulaire d’un doctorat du Centre de recherches politiques de Sciences Po) et enseignant à l’université de Bretagne occidentale (UBO), Thomas Guénolé fait partie de cette nouvelle génération d’intellectuels de gauche qui accepte de mener la bataille des idées directement dans les médias dominants pour faire contrepoids au discours néolibéral. En 2017, il a rejoint la France insoumise dont il codirige l’école de formation. Dans son dernier livre, « Antisocial : La guerre sociale est déclarée » (Plon, 2018), il déconstruit les “fake news” de la propagande antisociale pour combattre les fausses évidences, lutter contre la résignation et amener chacun à se mobiliser.

Le Comptoir : Les différentes mesures de démantèlement de l’État social sont régulièrement présentées sous l’angle de la modernisation de l’économie et de l’adaptation du modèle français au monde globalisé d’aujourd’hui. Vous rappelez pourtant dans votre livre que la retraite à 65 ans correspond à la situation qui prévalait en 1910 et que l’uberisation renvoie aux ouvriers de la fin du XIXe siècle payés à la tâche. Comment expliquer ce paradoxe ?

Thomas Guénolé : C’est la technique de la diabolisation. On n’argumente pas sur le fond : on se contente d’accoler à la cible des épithètes négatives, on s’accole à soi les épithètes positives antonymes, et l’on répète le tout en boucle. En l’occurrence, cela consiste à répéter que les protections sociales, les droits sociaux, les services publics, sont “archaïques”, “rigides”, ou encore qu’ils “nuisent à la compétitivité” ; tandis que les mesures qui cassent ces protections, ces droits et ces services publics, elles, symétriquement, sont réputées “modernes”, “flexibles” et “compétitives”. Cela permet de pratiquer en permanence le stratagème rhétorique du choix caricatural : soit vous êtes pour le projet politique de l’Antisocial ; soit vous êtes contre la modernité et la flexibilité, ce qui fait de vous un archaïque rigide. Sur le fond, cette argumentation est un tissu de mensonges. Par exemple, parler de “modernisation” de la SNCF alors que la réforme consiste à revenir au marché ferroviaire d’avant 1936, cela ne tient pas. Mais si l’argumentaire des partisans de l’Antisocial est faux, pourquoi est-ce devenu le discours dominant ? Pour cette raison simple et glaçante que la propagande, ça marche.

En 1968, le psychologue Robert Zajonc a conduit l’expérience suivante : il a exposé des cobayes à des mots ne signifiant rien dans aucune langue, en variant l’intensité de l’exposition. Le résultat était que plus les mots leur étaient matraqués, plus les cobayes développaient une opinion positive à leur endroit bien qu’ils n’aient aucun sens. Par ailleurs, la neurologie nous apprend que quand le cerveau humain se fait asséner en boucle qu’il doit penser ceci ou qu’il doit avoir envie de cela, notre libre-arbitre est protégé par le cortex préfrontal : mais cela signifie réciproquement que quand nous sommes peu concentrés, inattentifs ou fatigués, comme c’est le cas de millions de Français lorsqu’ils subissent le bruit de fond de la télévision ou de la radio, la propagande rentre facilement dans notre cerveau. C’est suivant ce mécanisme que, sous l’effet du matraquage propagandiste des mass medias ayant presque tous cette ligne politique, le catéchisme de l’Antisocial a pris valeur d’évidence pour le grand public. Ses partisans ne prennent donc même plus la peine d’argumenter sur le fond : ils se contentent de traiter leurs contradicteurs d’hérétiques via divers qualificatifs d’excommunication :  “populiste”, “nationaliste”, “extrême”, par exemple.

Vous noterez qu’on retrouve ici le rôle d’“appareils idéologiques d’État” que Louis Althusser attribuait déjà aux mass medias en 1970 : répéter en boucle le credo du système pour maintenir l’hégémonie culturelle de la classe dirigeante et par conséquent, sa domination sur les 90 % qui n’en font pas partie. On peut aussi se référer à Walter Lippmann : dans Public Opinion, en 1922, il décrivait déjà les mass medias comme un système de « fabrication du consentement » des masses à l’ordre social voulu par la classe dirigeante – un processus que contrairement à Althusser il estimait souhaitable. Le problème des mass medias en tant que machines de propagande pour installer le catéchisme des dominants n’est donc pas nouveau. Ce qui l’est, c’est d’une part leur force de frappe absolument énorme – l’audiovisuel de masse atteint tous les jours les cerveaux de millions de Français ; d’autre part la conversion de l’audiovisuel public français à la ligne politique antisociale alors que dans les années 1980 encore, sa ligne tantôt sociale-démocrate tantôt socialiste préservait un relatif pluralisme. Ce second point a une explication simple. Depuis plus d’un quart de siècle, la ligne antisociale gouverne le pays quasiment sans nuance. Or, les carrières des dirigeants et des éditorialistes de l’audiovisuel public dépendent, en définitive, de décisions prises indirectement par le gouvernement. C’est pourquoi le 20 heures de France 2 et la matinale de France Inter ont adopté une ligne antisociale. Et c’est aussi pourquoi France Culture a pu accueillir l’éditorialiste Brice Couturier, qui quand on écoute ses positions politiques n’a pourtant de gauche que le fait de s’en revendiquer.

Toujours est-il qu’aujourd’hui l’Église médiatique est globalement univoque dans sa récitation du catéchisme de l’Antisocial. À cet égard, nombre d’éditoriaux ressemblent aux prêches de télévangélistes – je pense par exemple à Dominique Seux sur France Inter. Et certaines émissions de débat ressemblent plutôt à des réunions de télévangélistes – je pense bien sûr à C dans l’air. Dans ce contexte, deux formes d’activisme médiatique sont indispensables. D’une part, il faut continuer à créer et à déployer des médias alter-système, écrits et audiovisuels. Par parenthèses, ces médias doivent, je crois, faire l’effort de développer des émissions de divertissement : car face à l’adversaire, qui fait cet effort, n’avoir que des contenus sérieux est un gros handicap. D’autre part, nos porte-paroles politiques, nos intellectuels engagés, les acteurs d’ONG alter-système, doivent faire l’effort d’intervenir dans les mass medias pour y porter une parole dissonante. Sur ce point, il n’y a pas lieu d’opposer ceux qui privilégient l’expression dans des médias dissidents, comme Frédéric Lordon, à ceux qui privilégient les mass medias, comme Thomas Porcher : ces tactiques sont complémentaires et si notre camp refusait l’une ou l’autre, il se couperait bêtement une jambe.

Thomas Porcher à gauche

Contre toute attente, vous soulignez qu’Adam Smith, fondateur du libéralisme, dénonçait la coalition des patrons pour tirer les salaires des ouvriers vers le bas et affirmait que tout homme devait être guidé par la morale et l’altruisme. En quoi le libéralisme originel est-il, d’après vous, différent du mouvement de remise en cause des droits sociaux que l’on qualifie souvent sous ce même terme ?

Dans La Richesse des nations, Adam Smith a écrit, pour les en blâmer, que « les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires au-dessus du taux actuel. » Dans sa Théorie des sentiments moraux, il juge que l’altruisme doit guider tout homme. Et dans sa relecture attentive de Smith, Amartya Sen observe qu’il préconise l’intervention active de l’État pour l’éducation et pour la redistribution des richesses. Autrement dit, Adam Smith est un énième cas de grand intellectuel dont la pensée est caricaturée, déformée, au point de lui prêter des positions contraires aux siennes. Cela vient de ce grand fléau du débat d’idées : la vaste majorité des gens qui citent des auteurs ne les ont en réalité pas lus.

Aucune idéologie ne naît hors-sol. Le libéralisme originel est apparu dans le contexte des sociétés d’Ancien Régime tardif. Contre un ordre social oligarchique essentiellement fondé sur le pouvoir arbitraire, la stratification en castes, les corporations, et la rente foncière, il propose une société fondée sur la liberté politique et économique de l’individu, rendue possible par des droits et libertés individuels inviolables, en particulier le droit à la propriété et le droit à un procès équitable ; par la séparation des pouvoirs et leur contrôle par des contre-pouvoirs ; par la libre concurrence entre initiatives privées ; ou encore par le rôle pour l’État d’arbitre, mais aussi de fournisseur de grands services publics, idée qu’on trouve aussi bien chez Smith que chez Léon Walras, le théoricien des bienfaits de la concurrence pure et parfaite ! Par conséquent, invoquer l’étendard du libéralisme pour défendre l’Antisocial, projet politique qui a pour but la résurrection d’un ordre social oligarchique, c’est une usurpation intellectuelle pure et simple. Les partisans de l’Antisocial ne sont pas des “néolibéraux” : ce sont des oligarchistes, voilà tout.

« Quand on est pour le progrès social, on doit nécessairement être également protectionniste. »

Vous mettez aussi bien en cause l’indépendance d’organismes comme l’Institut Montaigne ou l’iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) régulièrement invités sur les plateaux de télévision pour faire la promotion des réformes antisociales, que le concept de neutralité du chercheur en sciences humaines. Dès lors, où doit se situer la frontière entre le chercheur engagé et le militant ?

L’Institut Montaigne n’est pas un centre de recherches : c’est un lobby créé par Claude Bébéar, ancien dirigeant de la compagnie d’assurances AXA, et financé par des entreprises, au premier rang desquelles des firmes du CAC 40. C’est pourquoi ses notes préconisent notamment la privatisation croissante de l’Assurance maladie, qui aurait pour conséquence de livrer un vaste marché supplémentaire aux compagnies d’assurance.

L’iFRAP aussi est un lobby, enregistré comme tel auprès de l’Assemblée nationale. Il est financé par des donateurs privés anonymes et il a été fondé par Bernard Zimmern, cofondateur de l’association Contribuables associés, d’orientation minarchiste – c’est-à-dire pour un État réduit au minimum minimorum. C’est pourquoi sa directrice, Agnès Verdier-Molinié, conclut invariablement sur l’inévitabilité de réduire les prélèvements obligatoires, le nombre des fonctionnaires, la voilure des services publics, et de faire reculer le rôle de l’État dans l’économie.

Quant au devoir de neutralité politique du chercheur dont on attribue la paternité à Max Weber, en réalité c’est une légende. En voici l’origine : le sociologue français Julien Freund a traduit la Wertfreiheit de Max Weber par « neutralité axiologique », qu’il a définie comme un principe de non-engagement du savant, sommé de poser un regard neutre sur son objet de recherche. Or, Max Weber ne peut pas avoir soutenu cette idée puisqu’il fut lui-même militant dans un parti politique en même temps qu’il était enseignant et chercheur ! En réalité, quand on le lit à la source, son concept de Wertfreiheit est juste un principe de non-imposition des valeurs : par honnêteté intellectuelle, le chercheur doit préciser dans ses propos ce qui relève du travail scientifique et ce qui relève du militantisme. Je m’astreins toujours à cette discipline de dire quand je parle en militant et quand je parle en politologue. A contrario, les économistes pro-Antisocial ne se privent pas, eux, de déguiser en propos scientifique ce qui n’est que leurs opinions politiques anti-keynésiennes et anti-marxistes : Pierre Cahuc et André Zylberberg en sont un bon exemple, qui sont allés jusqu’à comparer leurs confrères opposés à l’Antisocial aux négationnistes contestant l’existence historique des chambres à gaz.

Au milieu des nombreuses idées reçues que vous déconstruisez, vous montrez que la part de la richesse produite captée par l’impôt sur le revenu des ménages en France est inférieure à celle qui est captée en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La France ne serait donc pas cet “enfer fiscal” qu’on présente régulièrement ?

La France n’est pas fiscalement anti-riches, puisqu’elle permet au contraire aux fortunes de nos oligarques de grimper en flèche. Le magazine Challenges constate ainsi en 2017 que la fortune des dix Français les plus riches a été multipliée par douze – par douze ! – depuis 1996. De surcroît, en 2017 la France est classée septième destination mondiale la plus attractive pour les investissements directs étrangers. Présenter la France comme un enfer fiscal anti-riches est donc de la pure propagande. Au fait : le mythe de l’exil fiscal massif des Français riches, c’est aussi un mensonge. Le nombre de personnes quittant effectivement la France pour fuir l’ISF est évalué par la Direction générale des Finances publiques à environ 500 personnes par an : c’est-à-dire 0,2 % des personnes qui le payent. Soit dit en passant, cela représente pour l’État un manque à gagner fiscal de 170 millions d’euros. Or, au motif d’enrayer cet exil fiscal, Emmanuel Macron a fait passer une réforme de l’ISF qui fait perdre à l’État des recettes fiscales de quatre milliards…

Quant au mythe de l’exode massif des Français diplômés pour fuir notre fiscalité, c’est encore un mensonge. En réalité, moins de 5 % de la population française hautement qualifiée s’est expatriée : c’est moins que l’Allemagne, qui dépasse 7 %, et c’est largement moins que le Royaume-Uni, à 15 %, que les mass medias nous ont pourtant régulièrement présentés comme des eldorados pour réfugiés fiscaux français.

À vos yeux, le succès des grandes grèves de 1919-1920, de 1936 et de 1968 met en évidence l’importance de combiner manifestations et grèves de blocage de l’économie afin d’obliger le patronat et le gouvernement à négocier. Cette stratégie n’a-t-elle pas perdu de son poids dans un contexte d’économie ouverte où les puissants peuvent désormais se livrer à un chantage sans précédent à la délocalisation et se jouer des frontières ?

Non, pour cette raison fondamentale : si l’offre de la France est en concurrence avec l’offre du monde entier, en revanche, notre État a le monopole des conditions d’accès à notre demande, qui est l’un des plus gros marchés consommateurs de la planète. Donc, la réponse appropriée au chantage permanent à la délocalisation, c’est d’instaurer des taxes protectionnistes sur les produits d’importation qui nous livrent une concurrence déloyale par le dumping fiscal, social ou écologique. Ces taxes anti-dumping sont autorisées par l’OMC [Organisation mondiale du commerce, NDLR] : articles VI-1 et VI-2 de l’accord du GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, NDLR]. Comme l’a dit et répété mon “Maître Jedi” Emmanuel Todd, il s’ensuit que quand on est pour le progrès social, on doit nécessairement être également protectionniste.

« Les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires au-dessus du taux actuel » Adam Smith, La Richesse des nations, 1776

Dans son livre Pourquoi les riches votent à gauche ?, Thomas Frank explique que le Parti démocrate a cessé d’être le parti du peuple pour devenir celui des “créatifs” de Wall Street et de la Silicon Valley, qui donnent le la moral, financier, intellectuel, culturel et technologique. Pris d’une fièvre technolâtre, souligne le journaliste américain, ils chantent l’esprit d’innovation et font preuve d’un esprit critique quasi inexistant vis-à-vis du “progrès”. À l’heure où Emmanuel Macron entend faire sa campagne pour les élections européennes de 2019 autour du clivage entre progressistes et nationalistes, les notions de progrès et de progressisme que vous revendiquez ne sont-elles pas ambivalentes et ne devraient-elles pas être repensées ?

Depuis plusieurs décennies, la propagande de l’Antisocial subvertit les mots de la gauche un par un pour leur inoculer un sens contraire. On songe irrésistiblement à la novlangue imaginée par George Orwell dans 1984. De fait, comme dans la dystopie orwellienne, déployer une pensée critique est rendu d’autant plus difficile que les mots pour l’élaborer et pour l’exprimer ont été subvertis. Le mot “gauche” lui-même est touché, puisque des macronistes, favorables à la facilitation des licenciements et haineusement anti-grève des cheminots, osent se prétendre de gauche.

Je ne pense pas pour autant qu’il faille abandonner ces mots qui sont les nôtres à l’adversaire qui les usurpe. Ce serait capituler dans l’ordre des idées : inacceptable. Nous devons au contraire revendiquer sans relâche tous ces mots, tous ces concepts. Pour ce faire, il suffit de ne jamais laisser passer sans riposte les occurrences d’usurpation dans le débat public. Toujours les relever ; toujours prouver en quelques phrases l’escroquerie. Par exemple, quand je prends des macronistes en flagrant délit d’usurpation du champ lexical du “progrès”, je les interpelle systématiquement en demandant qu’on me cite un exemple de progrès social obtenu sous Emmanuel Macron ; et en même temps, j’accumule les exemples concrets de mesures d’Emmanuel Macron qui sont incontestablement de droite.

« Comme dans la dystopie orwellienne, déployer une pensée critique est rendu d’autant plus difficile que les mots pour l’élaborer et pour l’exprimer ont été subvertis. »

Quant au storytelling “les progressistes contre les nationalistes” qu’il essaie de construire pour les élections européennes, c’est un double mensonge : d’une, Emmanuel Macron n’est pas progressiste, puisqu’il est de droite, aussi bien sur sa politique économique que sur sa politique envers les demandeurs d’asile ; de deux, la France insoumise n’est pas nationaliste, puisqu’elle est internationaliste, comme le prouve son alliance avec Podemos, El Bloco, et bien d’autres formations altermondialistes, en vue de renverser la table aux élections européennes de 2019.

Le rapport de la gauche aux flux migratoires ne fait pas l’unanimité, comme l’ont rappelées les réactions suscitées par les déclarations de Jean-Luc Mélenchon aux AMFiS d’été de la France insoumise ou la nouvelle orientation proposée en Allemagne par Sarah Wagenknecht, représentante du parti Die Linke. Comment repolitiser la question de l’immigration en rejetant aussi bien la xénophobie que l’idéalisme sans frontières ?

Ces derniers jours, des journalistes politiques, par exemple Abel Mestre pour Le Monde ou Frédéric Says pour France Culture, répètent à l’envi que La France insoumise serait « en difficulté », « prise en étau », et ainsi de suite, sur la question de l’immigration. C’est faux. La ligne de la France insoumise sur l’immigration est claire, précise, et Jean-Luc Mélenchon l’a encore rappelée le 25 août 2018 dans son discours aux AMFiS d’été de notre mouvement.

Primo, nous combattons tous ceux qui, responsables politiques, intellectuels, éditorialistes, mass medias, essaient de propager la peur d’un raz-de-marée migratoire alors que dans les faits, chiffres à l’appui, un tel raz-de-marée n’existe pas. Même chose envers les mêmes qui essaient de provoquer la peur d’une grande invasion de réfugiés méditerranéens qui, elle aussi, chiffres à l’appui, n’existe pas.

« Déduire qu’il faut jeter la pierre aux immigrés, c’est se tromper d’adversaire. Ce qu’il faut, c’est ôter au patronat les moyens de jouer ainsi des travailleurs les uns contre les autres. »

Deuzio, conformément au droit de la mer, depuis des siècles, tout navire proche doit se porter au secours des réfugiés en détresse en Méditerranée. Et si les côtes françaises sont les plus proches, c’est à la France de les recueillir. De même, doit-on porter secours aux réfugiés qui passent en montagne au péril de leur vie. Tenir une autre position, c’est dire qu’il faut laisser délibérément des êtres humains mourir : consciemment ou pas, c’est être un monstre d’inhumanité. Parallèlement, il faut évidemment répartir équitablement l’accueil des réfugiés entre les États : livrer à elles-mêmes l’Italie, la Grèce, Malte, l’Espagne, c’est irresponsable. L’Union européenne peut servir de cadre pour organiser cette répartition. À défaut, un accord multilatéral peut y pourvoir.

Tertio, il est inhérent au capitalisme sauvage contemporain de provoquer l’aggravation colossale des inégalités au profit d’une infime minorité oligarchique ; et la destruction de l’écosystème indispensable à la survie de l’humanité. La pauvreté de masse, les guerres civiles, les conflits régionaux, les catastrophes écologiques locales, qui forcent des millions de réfugiés à l’exil, résultent de ce problème central. Pour tarir les crises migratoires, il faut remplacer la guerre économique permanente par un commerce international équitable, et remplacer le pillage des pays pauvres par le codéveloppement durable. Ce ne sont pas des utopies : c’est affaire de volonté politique. Enfin, il est incontestable que le patronat des pays riches instrumentalise l’immigration de travail venue des pays pauvres, pour tirer les salaires de tous vers le bas. On retrouve ici le concept d’armée industrielle de réserve théorisé par Karl Marx. Mais en déduire qu’il faut jeter la pierre aux immigrés, c’est se tromper d’adversaire. Ce qu’il faut, c’est ôter au patronat les moyens de jouer ainsi des travailleurs les uns contre les autres. Il faut donc augmenter le salaire minimum, supprimer les contrats de travail précaires, et désobéir à la directive européenne des travailleurs détachés pour qu’“à travail égal, rémunération et cotisations égales”. Ainsi la pression à la baisse sur les salaires disparaîtra.

Je pense que cette ligne politique répond à votre question : elle va résolument contre la xénophobie ; elle identifie franchement les problèmes posés, mais c’est pour leur donner une réponse humaniste, écologiste et responsable. Cette ligne est donc doublement conforme au devoir d’un grand mouvement politique progressiste qui se prépare à gouverner le pays.

Nos Desserts :

12 réponses »

  1. guénolé, comme tous ceux de la France Insoumise, critique les autres qui n’ont pas ses idées mais il est bien pareil à eux, comment peut-on le croire quand il dit qu’il fait la distinction quand il est militant et quand il est politologue ? C’est quoi d’ailleurs politologue ? Un « doctorat en politologie » n’est rien d’autre qu’une cooptation par des gens déjà « docteurs en politologie » et qui pensent pareils que vous. Autrement dit c’est du pipo.

    • Un politologue est un spécialiste de la science politique.
      Un « doctorat en politologie » est un diplôme (bac +8) en science politique.
      Ce n’est pas comme tu dis une simple « cooptation »(c’est comme si tu disais que les docteurs en physique,
      chimie ou math étaient seulement des cooptés…) Bref, ce n’est pas parce que tu es aveuglé par le discours dominant véhiculé par les médias mainstream que tu peux dire que ce qu’il raconte est du pipo.

  2. Peut-être est-ce présent dans son bouquin, que je n’ai pas lu, mais je suis étonné que la question n’ait jamais été évoquée si peu que ce soit –à commencer par « Comptoir »– quant au rôle que pouvait jouer l’UE dans cette domination sans partage de l’oligarchie anti-sociale. Comment les populations pourraient-elles espérer retrouver une république un brin démocratique visant à reconstruire le progrès social sans reconquête des souverainetés populaire et nationale? Est-ce qu’on ne touche pas là aux limites de LFI semblant noyer, dans un flou pas vraiment artistique, ses positions quant l’appartenance à l’UE et à l’euro?
    Ensuite, si la déconstruction du discours médiatisé et des « évidences économiques » est probante, il me semble que, s’agissant de l’hégémonie idéologique qui règne largement, une donnée n’est pas prise en compte: certes, la puissance du matraquage médiatisé n’est pas comparable à autrefois mais, néanmoins, on a connu par les passé des îlots de solide résistance grâce à la présence quotidienne dans le tissu social de courants –politiques et syndicaux– porteurs d’aspiration transformatrice profonde pour ne pas dire radicale. Ces décennies de désert politique et intellectuel ont facilité l’hégémonie actuelle qui est due AUSSI à la soumission idéologique des dirigeants et « penseurs » de ces anciens courants transformateurs se …transformant en européistes nouveaux, éliminant toute analyse contestataire pour faire rêver à une Europe sociale: oxymore?… peu littéraire…
    Méc-créant.

    • Sans être ignorée, la question européenne ne constitue pas le coeur du livre, raison pour laquelle nous avons fait le choix de mettre l’accent sur d’autres aspects. Vous pouvez toutefois écouter la position de Thomas Guénolé sur l’Europe vers la fin de la vidéo « L’antisocial va-t-il détruire le modèle social français » (Rencontres Déconnomiques 2018) qui figure dans nos « desserts ».

  3. Toujours intéressant M.Guénolé, j’aimerais simplement faire une remarque sur l’analyse du phénomène migratoire car il me semble que l’argument selon lequel la venue des immigrés tirent les salaires vers le bas ne me semble plus valide aujourd’hui. En effet cette analyse me semblait bonne à l’époque où il n’y avait pas de salaire minimal mais aujourd’hui, immigration ou pas, le smic restera le salaire minimal. Il me semble que le Capital utilise l’immigration plus pour des raisons politiques qu’économiques, voici un texte de Marx qui explique bien mon point de vue.

    «A cause de la concentration croissante de la propriété de la terre, l’Irlande envoie son surplus de population vers le marché du travail anglais, et fait baisser ainsi les salaires, et dégrade la condition morale et matérielle de la classe ouvrière anglaise.

    Et le plus important de tout! Chaque centre industriel et commercial en Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles, les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais.

    L’ouvrier anglais moyen hait l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Par rapport au travailleur irlandais, il se sent un membre de la nation dominante, et ainsi se constitue en un instrument des aristocrates et des capitalistes de son pays contre l’Irlande, renforçant ainsi leur domination sur lui-même. Il nourrit des préjugés religieux, sociaux et nationaux contre le travailleur irlandais. Son attitude envers lui est très semblable à celle des «pauvres blancs» envers les «nègres» des anciens Etats esclavagistes des USA. L’Irlandais lui rend d’ailleurs la pareille, et avec intérêts. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois le complice et l’instrument stupide de la domination anglaise en Irlande.

    Cet antagonisme est artificiellement maintenu et intensifié par la presse, les orateurs, les caricatures, bref, par tous les moyens dont disposent les classes dominantes. Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, en dépit de son organisation. C’est le secret grâce auquel la classe capitaliste maintient son pouvoir. Et cette classe en est parfaitement consciente » 

    En gros, voici le schéma général :
    1- Les capitalistes d’un pays dominant ruinent – par la spéculation et les rendements d’échelle croissant – les paysans et artisans d’un pays dominé. (Voir les autres textes de Marx sur la situation irlandaise)
    2 – La population ruinée va se voir proposé d’aller travailler dans le pays dominant pour vivre.
    3 – Une partie de la classe ouvrière du pays dominant va voir d’un mauvais oeil l’arrivée de cette nouvelle concurrence, les ouvriers vont se diviser entre « pro » et « anti ».
    4 – Les journaux au main du capital vont approfondir l’antagonisme et entretenir la flamme de la division. Cette division entre pro et anti immigré s’impose comme le débat publique n°1.
    5 – La partie « anti immigré » de la classe ouvrière se désintéresse du socialisme et vote pour les nationalistes. Le socialisme est en échec.

    Évidement d’autres schémas peuvent exister mais le cas Irlande-Angleterre ressemble furieusement au cas France-Afrique.

    C’est pour cette raison que je pense que la gauche (ou le socialisme, comme vous voulez) doit à la fois se battre contre les réseaux post-coloniaux de pillage de l’Afrique, veillez à l’apaisement des tensions ethniques (ce que ne fait pas Mediapart par exemple), et être opposé à l’immigration économique.

  4. La France insoumise avale des hosties avec Thomas Guénolé, co-saint patron de son école pour militants

    M. Guénolé, après tant d’autres, inflige à son lecteur une manière de critique économique de l’économie. Il brandit sa tapette à mouches comme d’autres une arme de dissuasion massive, et son ton viril pourrait laisser penser qu’il croit tout ce qu’il dit. Mais peu importe en définitive, puisqu’il dit le plus souvent n’importe quoi.

    « Toujours est-il qu’aujourd’hui l’Église médiatique est globalement univoque dans sa récitation du catéchisme de l’Antisocial. »

    La parade de son inconsistance intellectuelle commence par une homélie relative aux médias. Ses considérations seraient plutôt sympathiques tant elles expriment ce que chacun peut aujourd’hui aisément constater, à savoir que nombre de journalistes ont la déplorable manie de chanter ad libitum la chanson des financiers qui les paient. Malheureusement, M. Guénolé omet d’évoquer le rôle qu’il joue lui-même dans des simulacres de débats télévisés, ainsi que les performances de ses proches dans d’édifiants spectacles : la mutine Raquel Garrido qui prostitue son absence de talent chez le sinistre Bolloré ; son mari, le tue-l’amour Corbière, qui transpire à l’écran un ineffable ennui et une radicale absence de conviction; ou leur chef, Mélenchon, l’européiste maastrichien, muni de ses seules turlupinades racoleuses et de provocations à deux balles. Il suffit pourtant d’un peu de jugeote pour éviter de mettre les pieds dans des lieux médiatiques si mal fréquentés et dont la mauvaise odeur vous incommode…

    Suit un roulement de tambour fracassant. M. Guénolé s’attaque à cet abîme d’iniquité qu’est le monde marchand en prenant un risque démesuré : il se lance bille en tête dans l’apologie des fondateurs du libéralisme, soit du mouvement qui a théorisé l’avènement du capitalisme « moderne ». Comprenne qui pourra, mais il est manifeste que M. Guénolé admire profondément ce qu’il combat superficiellement. Il est vrai que ses audaces ne s’embarrassent pas plus de nuances que de contradictions, puisqu’il identifie benoitement libéralisme économique et liberté politique, de la même façon qu’on va le voir assimiler exigence de justice sociale et sentimentalité vide de tout contenu.

    Sa sanctification d’Adam Smith (1723-1790, prêtre anglican, philosophe et économiste écossais) est aussi éclairante qu’elle est atterrante.

    « Autrement dit, Adam Smith est un énième cas de grand intellectuel dont la pensée est caricaturée, déformée, au point de lui prêter des positions contraires aux siennes. Cela vient de ce grand fléau du débat d’idées : la vaste majorité des gens qui citent des auteurs ne les ont en réalité pas lus. »

    En extrayant d’un ouvrage méconnu de Smith, Théorie des sentiments moraux (1759), l’idée que « Tout homme devrait être guidé par la morale et l’altruisme », M. Guénolé soutient implicitement et sans rire que les vilains patrons devraient être plus gentils avec les ouvriers ! Cette illumination conceptuelle donne la pleine mesure de l’angélique faux-culterie de M. Guénolé. Son résidu d’analyse, qui s’inscrit dans l’univers cornélien du devoir, n’a que faire de la réalité quotidienne vécue par la population, ni de ce qu’il est réellement possible aux patrons de faire dans le monde concurrentiel qui est le leur. Saint Guénolé nous fait ainsi l’aumône de sa lecture préromantique d’une littérature tout à la fois sournoise et cynique, enrobée d’une sauce moralisatrice soutenant que les hommes sont attirés les uns vers les autres par sympathie. Farceur !

    Mais M. Guénolé ne lit que d’un œil, ou sans ses lunettes, les classiques qu’il respecte tant. Il ignore en effet – ou oublie – ou scotomise – le fait que, selon la démarche « naturaliste » du libéralisme des origines, la justice sociale est incongrue et n’a pas lieu d’être : c’est une fatalité « naturelle » qui justifie la « loi d’assistance aux pauvres » (Old Poor Law), car le « miséreux n’est pas seulement une victime qui mérite la charité de cœurs chrétiens ; c’est aussi un marginal dangereux pour l’ordre social ». ’Encyclopaedia universalis.

    La lecture que fait M. Guénolé d’Adam Smith est aussi partielle et partiale qu’elle est fantaisiste. Dans un élan de lucidité auquel il ne nous a pas préparés, il extrait par exemple des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, paru en 1776, une formule on ne peut plus concrète : « Les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires au-dessus du taux actuel. » Mais ce disant, il ignore ou semble ingénument ignorer (à moins qu’il ne parte du principe que son public n’est intellectuellement pas digne d’être renseigné sur ce fait) qu’elle est en fait tirée du livre de Richard Cantillon *, Essai sur la nature du commerce en général, publié en 1755 à titre posthume. C’est pourtant à partir de cette lecture que Smith a construit son argumentation du « prix naturel ».

    Au total, ce que l’argumentation paralogique de M. Guénolé trahit en clair, c’est en tout et pour tout l’indigence du formatage scolaire dont il est le produit. [préciser en note] C’est bien beau de détenir la connaissance de certains faits ; encore faut-il savoir qu’en faire.

    « Le libéralisme originel est apparu dans le contexte des sociétés d’Ancien Régime tardif. Contre un ordre social oligarchique essentiellement fondé sur le pouvoir arbitraire, la stratification en castes, les corporations, et la rente foncière, il propose une société fondée sur la liberté politique et économique de l’individu, rendue possible par des droits et libertés individuels inviolables, en particulier le droit à la propriété et le droit à un procès équitable ; par la séparation des pouvoirs et leur contrôle par des contre-pouvoirs ; par la libre concurrence entre initiatives privées ; ou encore par le rôle pour l’État d’arbitre, mais aussi de fournisseur de grands services publics, idée qu’on trouve aussi bien chez Smith que chez Léon Walras, le théoricien des bienfaits de la concurrence pure et parfaite ! Par conséquent, invoquer l’étendard du libéralisme pour défendre l’Antisocial, projet politique qui a pour but la résurrection d’un ordre social oligarchique, c’est une usurpation intellectuelle pure et simple. Les partisans de l’Antisocial ne sont pas des “néolibéraux” : ce sont des oligarchistes, voilà tout. »

    Mais ce n’est pas tout : quand M. Guénolé affirme que le libéralisme originel s’est défini en opposition aux catégories délétères de l’Ancien Régime et en proposant « la liberté politique et économique de l’individu », il ne semble pas conscient que les valeurs qu’il prône sont exactement les valeurs constitutives du capitalisme le plus sauvage qu’il fait mine de conspuer, celles-là mêmes qui magnifient l’esprit mercantile individualiste le plus pur, le plus étranger à d’authentiques rapports communautaires, le plus « macronien » en définitive, le tout emballé dans ce foutage de gueule qu’est la « liberté politique » en régime capitaliste. Pourquoi nous prive-t-il d’un cantique sur son amour du travail ?

    « Dans La Richesse des nations, Adam Smith a écrit, pour les en blâmer, que « les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires au-dessus du taux actuel. » Dans sa Théorie des sentiments moraux, il juge que l’altruisme doit guider tout homme. »

    Sur l’irrésistible lancée déclenché par sa lecture d’Adam Smith, M. Guénolé ne répugne pas à « penser » le capitalisme en termes de morale publique. Il voit de la morale lénifiante partout, du capitalisme dévastateur nulle part. Les effets désastreux de la domination de l’économie, leur impact irréversiblement destructeur sur la nature comme sur l’humanité, ne sont pour lui que des dommages collatéraux dont sont responsables les mauvaises manières des patrons. Et l’inflexibilité sociale de l’économie ne saurait en aucune façon être une affaire de structure. Ainsi dédouane-t-il le système mercantile de sa nature profonde et constitutive. Le dysfonctionnement généralisé ne nécessitera que des retouches de détail. Pour ce faire, il suffira sans doute que M. Guénolé et ses amis soient aux manettes. Amen.

    M. Guénolé va même jusqu’à oser une critique de notre Jupiter d’opérette national. Rassurons-nous : elle est tout à fait oiseuse. M. Guénolé l’avoue : il passe son temps à accumuler « les exemples concrets de mesures d’Emmanuel Macron qui sont incontestablement de droite ». Et pourquoi n’empile-t-il pas des exemples prouvant que la pluie mouille ou que le vent souffle ? Mais M. Guénolé ne vit sans doute pas de l’air du temps : qui donc finance pareil activisme ?

    « Pour tarir les crises migratoires, il faut remplacer la guerre économique permanente par un commerce international équitable, et remplacer le pillage des pays pauvres par le codéveloppement durable. Ce ne sont pas des utopies : c’est affaire de volonté politique. »

    Son « analyse » des problèmes migratoires, à base de « i-faut »-« y a qu’à », est d’une candeur troublante : « Pour tarir les crises migratoires, il faut remplacer la guerre économique permanente par un commerce international équitable, et remplacer le pillage des pays pauvres par le codéveloppement durable. » La guerre économique permanente est la base même du commerce, qu’il soit national ou international ! L’idée d’un « commerce international équitable » est totalement paralogique ; l’attelage « commerce » + « équitable » est d’une confondante ineptie : le commerce suppose la concurrence, et cette dernière exclut toute équité. Les lois économiques impliquent de faire deux euros à partir d’un seul. M. Guénolé ne se demande apparemment pas sur le dos de qui le doux commerce va réaliser « équitablement »  cette plus-value?

    Quant à la formule magique où M. Guénolé propose de remplacer le pillage des pays pauvres par du « codéveloppement durable », que signifie-t-elle ? Les bourgeoisies locales du tiers-monde vont-elles pouvoir se défroquer de leurs malséants uniformes de gardes-chiourme surveillant le pillage effréné de leurs pays au bénéfice des État colonisateurs ? Vont-elles avoir accès au statut de capitalistes convenablement modernisés, c’est-à-dire pouvoir faire ce qu’elles font déjà, mais avec un poil de crédibilité supplémentaire : jouer les utilités dans le concert des nations commercialisées ? Va-t-on ripoliner les esclaves des continents sous-développés en salariés en voie de développement ? Flexibilité des mots, vacuité des concepts … En définitive, M. Guénolé pourrait ici se contenter d’affirmer, comme Tancrède dans Le Guépard de Lampedusa : « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change. » Cela suffirait amplement.

    « […] quand je prends des macronistes en flagrant délit d’usurpation du champ lexical du “progrès” […]
    Mais pour finir en apothéose, c’est avec la notion de « progrès », qu’il revendique comme une notion de « gauche » (la vraie « gauche », la sienne), que M. Guénolé se satellise sur l’orbite d’une vacuité critique réellement transcendante. M. Guénolé évolue avec joie dans le déni de réalité : il aime le « progrès », c’est-à-dire qu’il croit aux vertus eschatologiques de la technicité industrielle qui nous mène à vive allure droit dans le mur. Il est à craindre pour lui qu’il en crève aussi vite que ceux qui ne l’aiment pas.

    Proposons-lui cette épitaphe : Thomas Guénolé, homme de son temps.

    (*) Richard Cantillon (1680-1734), financier et économiste d’origine irlandaise ayant fait fortune en France grâce au système de John Law.

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