Le Comptoir : Qu’est-ce que l’Atelier paysan ?
Atelier Paysan : C’est la plateforme francophone des technologies paysannes. Il s’agit d’une coopérative qui regroupe les paysannes et les paysans qui ont souhaité se réapproprier le pouvoir sur leur équipement outil, machine, bâtiment. Elle existe depuis 2014. Le but étant de réduire la dépendance à l’équipement industriel, en proposant un certain nombre de choses.
Pourquoi avoir publié ce manifeste ?
Nous avions besoin d’un texte politique plus conséquent que ce qu’on avait jusqu’à maintenant. Depuis le début l’Atelier paysan c’est bien plus qu’une alternative, c’est une structure de transformation sociale. Nous avons eu le besoin d’écrire cela. Nous avons profité du confinement pour nous donner le temps lent et pour réunir un groupe d’écriture de sociétaires de l’Atelier paysan, pour partir dans une aventure d’écriture collective.
Quels problèmes pose l’agriculture industrielle ?
C’est notre modèle agricole depuis soixante-dix ans, qui dessine notre modèle alimentaire. Nous avons tendance à dire que ce modèle est un échec total. C’est un échec environnemental, qui est responsable d’une partie de la destruction du vivant. C’est un échec humain, qui a provoqué des drames : des communautés paysannes qui sont détruites ; des savoirs qui s’envolent, ce qui détruit des vies, des gens en meurent du côté des producteurs ; c’est aussi un échec du côté de l’alimentation, c’est-à-dire que même la promesse minimale de nourrir la population n’est pas respectée. En effet, il y a des pans entiers de la population qui ne mangent pas à leur faim et qui ont recours à l’aide alimentaire, dans notre pays, et des pans encore plusieurs importants de gens qui ne peuvent pas choisir leur alimentation. Enfin, l’alimentation produite par l’agriculture industrielle pose de problèmes en termes de santé publique : obésité, diabète ou maladies cardiovasculaires.
Le Covid nous a dévoilé le problème…
Exactement, il a été révélateur sur tous les aspects, de la santé à la précarité. Le recours à l’aide alimentaire et aux banques alimentaires a augmenté, pour monter à un étudiant sur deux.
Quelles sont les différences entre l’Atelier paysan et la Confédération paysanne, syndicat qui défend l’agriculture paysanne ? Et avec des alternatives comme Terre de lien ?
La Confédération est un syndicat qui existe depuis trente ans et enregistre 10 000 adhérents, c’est bien plus gros. La Conf est à part, puisque c’est un syndicat. Mais avec les associations et coopératives, comme Terre de lien, le réseau des Amap, Nature et Progrès, etc., nous appartenons à la même coalition, le Pôle Inpact (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale). Nous n’avons pas toujours les mêmes orientations politiques. Chacun est spécialisée dans son champ. Nous avons aussi nos propres histoires. Mais nous appartenons à la même famille, qui est du côté des initiatives et de l’agriculture paysanne.
L’agriculture paysanne est souvent résumée à “la bio”. Nous connaissons en ce moment de gros problèmes d’inflation, alors que la bio était déjà très chère. Dans votre ouvrage vous expliquez qu’il est impossible de se contenter de l’existence du bio, alors que l’agriculture industrielle reste largement dominante. Ne pensez-vous pas que nous sommes au pire moment pour défendre la bio aujourd’hui ?
En effet, c’est peut-être le moment où jamais pour arrêter avec cette revendication de défendre le bio, mais plutôt de réfléchir à comment on pourrait sortir de la bio, c’est-à-dire de la stratégie commerciale de niche. Je ne parle pas de la pratique agroécologique, c’est-à-dire concrètement faire pousser des légumes sans pesticides, ni appareillage chimique. Cela, il faut le généraliser et nous pensons même que c’est urgent. Les crises successives que nous sommes en train de vivre prouvent qu’il est urgent de sortir de la stratégie commerciale de distinction.
« Il faut rappeler que la bio n’est pas l’agriculture paysanne. »
Ce qu’on appelle “la bio” est prise dans un piège. La seule façon pour elle d’exister et de se développer, c’est d’avoir une stratégie commerciale de niche, de s’adresser à un segment de marché, des plus privilégiés d’entre nous. Cette stratégie-là a atteint ses limites, dans un contexte de précarisation de la population. Nous faisons déjà face à des reculs et ce n’est pas fini : l’année 2022 a été la première année où la demande en bio a reculé. Déjà il faut rappeler que la bio n’est pas l’agriculture paysanne. Il y a de l’agriculture paysanne qui n’a pas le label bio et il y a une agriculture industrielle qui a le label bio. Il faut que nous soyons capables de proposer un projet politique pour que toute la population ait accès à une alimentation produite dans des conditions paysannes. Cela ne s’appelle pas la bio.
Pour le dire autrement, c’est en sortant de la bio qu’on pourra se débarrasser de l’agriculture industrielle.
Vous entendez « reprendre la terre aux machines ». Beaucoup répondront que les machines ont soulagé les agriculteurs des tâches les plus difficiles. Malgré un fort taux de suicide, les agriculteurs vivent plus longtemps. Est-ce que reprendre la terre aux machines est un objectif désirable pour la majorité des agriculteurs ?
C’est pour cela qu’il ne faut pas prendre le titre du manifeste au pied de la lettre. C’est plutôt une métaphore. Nous parlons de machines industrielles. À l’Atelier paysan, les paysans se mettent ensemble pour concevoir des machines paysannes, autoconstruites, partageables, réparables, adaptées à une agronomie fine et de pointe. Il ne s’agit évidemment pas d’un retour à je ne sais quel fantasme et de creuser la terre avec ses mains. Évidemment, plus on se passera de pesticides et de prothèses chimiques, plus on aura besoin de mécaniser légèrement nos pratiques. En gros, sinon, c’est soit de la chimie soit des esclaves, humains ou énergétiques. Il faut donc prendre le pouvoir sur les machines, mais non pas s’en passer totalement.
Mais il est également possible d’entendre le titre comme une métaphore plus générale. Il ne suffit pas de reprendre la terre, mais l’ensemble de nos vies au monde industriel. Il s’agit bien de faire l’agriculture du futur et non pas un retour au passé, avant le tracteur. L’agriculture paysanne est une agriculture pointue. Nous sommes une coopérative paysanne et non une bande de penseurs hors-sol. Nous sommes bien placés pour savoir que le monde d’avant 1945 pour la classe paysanne était porteur de liberté et de fierté, mais n’était pas enviable d’un point de vue des conditions de travail.
Il s’agit de sortir de l’alimentation du passé, qui est l’agriculture promue en ce moment, qu’ils appellent l’agriculture de précision, qui est l’agriculture conventionnelle. C’est la même agronomie bête et réductionniste des années 1960.
Le monde paysan a connu deux grosses évolutions. D’un côté, le paysan est devenu un agriculteur, ce qui implique un autre rapport à la terre ainsi qu’aux animaux qu’il élève. De l’autre côté, nous sommes passés d’un monde où ils étaient majoritaires à un monde dans lequel les agriculteurs représentent environ 1% de la population. Est-ce qu’un des objectifs est de revenir à un nombre conséquent de paysans ?
Il faut peut-être nuancer ce tableau. Il y a eu en effet un double mouvement : la modernisation d’après-guerre a donné d’un côté quelques agro-managers, des gens qui sont devenus des entrepreneurs, et de l’autre plein de salariés, qui ne touchent plus du tout la terre. Nous pouvons parler d’un “ethnocide”, puisque 90% des paysans ont disparu. Mais la grande majorité des survivants, encore aujourd’hui, moins de 500 000 exploitants aujourd’hui ne sont pas des patrons. Ils ont plutôt une condition ouvrière et sont complètement aux ordres de firmes capitalistes, à qui on demande de fournir une matière première à l’agro-industrie. La condition paysanne est plutôt une prolétarisation.
Il faut en effet sortir de cela, à la fois en détruisant les structures capitalistes, et donc en construisant des structures autonomes, ainsi qu’en rétablissant du travail humain. Le mouvement de modernité et de machinisme consiste à remplacer de l’intelligence et du travail humain par de l’intelligence artificielle et du travail mort, de machine. Pour pouvoir généraliser l’agroécologie, il faudrait, dans les dix ans, au moins un million de paysans de plus, c’est-à-dire arriver au même niveau que dans les années 1980. Cela, c’est pour nous mettre sur le chemin d’avoir la capacité de nourrir l’ensemble de la population. Mais cela ne sera pas suffisant.
Si nous voulons aller au bout du bout, il faut aller vers une alimentation choisie, dans une autonomie paysanne et alimentaire, ce serait aux alentours de 10% de la population, au moins. Pour passer d’une société avec des paysans à une société paysanne.
En parlant d’autonomie, votre livre n’est pas sans rappelerTerre et liberté (La lenteur, 2021), le livre d’Aurélien Berlan qui fait de l’autonomie le cœur de sa réflexion. Comment l’Atelier paysan définit l’autonomie ? Et en quoi est-elle plus désirable que la pseudo-liberté dont nous jouissons aujourd’hui ?
Nous sommes totalement en phase avec les définitions portées par Aurélien Berlan, qui est d’ailleurs très proche de l’Atelier paysan. Nous nous accordons sur le fait que l’autonomie, c’est notre capacité collective à faire l’inventaire de nos dépendances et à les maîtriser, les choisir. Être libre de cette manière-là, c’est pouvoir subvenir à nos besoins. Nous ne sommes pas libres si nous déléguons nos capacités matérielles, en premier lieu notre capacité à nous nourrir, à des firmes extérieures, hétéronomes. En effet, elle est basée sur une idée de la liberté.
Ensuite, nous sommes aussi bien placés pour voir que voir ce qu’Aurélien Berlan nomme “le fantasme de délivrance”, c’est-à-dire cette idéologie bourgeoise, à rebours du bon sens populaire, qui dirait qu’on ne serait libre qu’une fois qu’on n’aurait plus de dépendances et de contraintes, c’est-à-dire une fois qu’on serait débarrassés des enjeux matériels. On voit où mène cette idéologie en agriculture. Elle provoque l’escalade technologique. Nous sommes en ce moment dans une vague de transhumanisation de l’agriculture. Du coup, il s’agit de se délivrer de tout : des saisons, du besoin d’eau, de la nécessité d’avoir du soleil ou de la terre, des êtres humains, avec l’IA, etc. Ce délire technocrate va très loin en agriculture et va à l’encontre des libertés collectives. Nous sommes en phase avec Aurélien Berlan et l’idée de reposer notre lien philosophique à la liberté.
Dans votre manifeste, vous proposez des solutions politiques et vous parlez de « défendre l’existant ». Qu’entendez-vous par-là ?
Il s’agit à la fois de continuer à pousser l’agriculture du futur, qui est déjà là et qui a déjà fait la preuve en cinquante ans d’existence, au point que nous sommes quasiment capables de tout faire autrement. Mais il ne suffit pas seulement de pousser une offre alternative sur un marché, il faut la rendre subversive par un rapport de force collectif – nous en appelons au mouvement social et pas à chacun dans son champ –, il doit comporter au moins trois axes : le libre-échange, l’escalade technologique et la question de la captation capitaliste de l’alimentation.
Sur l’axe de la technologie, nous avons un savoir. Il y a vingt ans, nous avons déclenché un mouvement social contre la technologie : c’était le mouvement contre les OGM. Comme contre les OGM, il va falloir être capable de construire un mouvement offensif contre le projet de la robotisation et de la numérisation, qui ne concerne pas que les paysans mais l’ensemble de la population.
« Nous avons des pratiques de socialisation partielle dans nos expérimentations alternatives. »
Il y a une question plus complexe : comment bâtir des institutions démocratiques autour de l’alimentation, qui permettraient de socialiser une grande partie de l’alimentation, afin de l’enlever de la compétition alimentaire. Tant que nous sommes dans la compétition alimentaire, les plus pauvres d’entre nous seront condamnés à manger les merdes de l’industrie. Sortir de cela s’appelle “socialiser l’alimentation”. Nous avons des pratiques de socialisation partielle dans nos expérimentations alternatives. Terre de lien, par exemple, est une forme de socialisation. Ils socialisent une partie de l’épargne pour dégager du foncier et collectiviser, sortir de la propriété privée pour de la propriété collective. Une AMAP est aussi une forme de socialisation. Le réseau Semences paysannes fait de la socialisation. L’Atelier paysan fait de la socialisation du savoir et de la technique, etc.
Nous avons aussi toutes sortes d’expériences encore plus alternatives dans les luttes menées, comme les réseaux de ravitaillement des luttes, etc. Nous avons un « déjà là » assez fort. Il s’agit de les aider à se reconnaître entre elles comme faisant partie d’un même mouvement, car ce n’est pas encore le cas actuellement. Mais nous ne partons pas d’une page blanche.
Nous avons aussi l’exemple de la sécurité sociale, telle qu’elle a été mise en place en 1946, issue de la résistance et des luttes syndicales. C’est aussi un « déjà là », même s’il a été depuis très attaqué par le patronat et vidé de sa substance. C’est cet imaginaire qu’il nous faut actualiser. Nous ne réussirons pas à ressusciter du jour au lendemain la force syndicale de 1946, il faudra donc inventer d’autres formes démocratiques plus dans l’air du temps, comme des assemblées les plus directes et les plus locales que possible. Sur cela aussi nous avons des pratiques déjà là. Nous sommes très loin de partir d’une page blanche.
Justement, vous parliez de sécurité sociale, ainsi que de socialiser l’alimentation et l’agriculture. Cela me fait beaucoup penser à la sécurité sociale alimentaire, telle que défendue par Bernard Friot. Quel est votre point de vue là-dessus ?

Bernard Friot a exposé son projet alternatif sur les retraites devant un auditoire de 350 personnes, vendredi soir, au Sterenn de Trégunc
Notre point de départ, c’est que sans socialisation de l’alimentation, donc finalement de l’agriculture qui la produit, il n’y aura probablement pas de sortie possible de la logique industrielle. Il y a une question de justice alimentaire, qui est celle de devoir absolument supporter démocratiquement des coûts de productions qui sont supérieurs à l’industrie. Quoi qu’on fasse, mettre de l’humain et du cerveau à la place de serveurs et de machines, cela coûte plus cher. Donc, il faut supporter cette hausse nécessaire des coûts de production démocratiquement, et non sur les portefeuilles de chaque individu.
« La sécurité sociale de l’alimentation n’est qu’une proposition parmi d’autres de socialisation. »
Finalement, nous rencontrons la démarche de Bernard Friot, qui n’attrape pas la question du même côté. Lui, il part de la socialisation de l’économie en général, c’est-à-dire il se demande comment délier la capacité de survie du revenu individuel, par le “salaire à vie” et des institutions démocratiques, comme les caisses de cotisation. L’idée est de bâtir une société anticapitaliste avec les institutions qui vont avec. Son entrée, et celle du Réseau salariat, c’est la production. Il commencerait bien par socialiser l’agriculture pour qu’il n’y ait plus de propriété privée de fermiers, etc. Ce n’est pas notre entrée dans la question. C’est ce qui fait notre différence.
C’est pour cela que le Réseau salariat et nos organisations paysannes appartenons à une même organisation nationale, le Collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation. Mais entendons-nous bien, la sécurité sociale de l’alimentation n’est qu’une proposition parmi d’autres de socialisation. Le principal est l’idée de socialisation.
Et pouvez-vous développer ce qu’il y a d’autre dans cette idée de socialisation ?
Il y a d’autres formes. La PAC par exemple est une forme de socialisation, par l’impôt. Mais nous pourrions aussi nationaliser toutes les fermes et rendre les paysans fonctionnaires ou les productions par des systèmes de cotisation, qui rendent l’alimentation gratuite. Il y a tout un panel pour faire de la socialisation. Nous pourrions aussi rendre gratuites les terres. C’est pour cela qu’une sécurité sociale de l’alimentation, nous sommes partants pour cet imaginaire-là, mais nous insistons : ce n’est pas la solution géniale dans un papier cadeau, ce n’est qu’une proposition parmi d’autres qui sert beaucoup à travailler l’imaginaire, plus qu’un truc clé en main. C’est important de le souligner. Les gens sont globalement en désarroi politique et subissent dans une impuissance totale. Il y a du coup une très grande avidité pour des solutions déjà prêtes. Nous avons essayé de dessiner des pistes qui nous semblent pragmatiques. Mais méfions-nous de ne pas introduire une espèce de solutionnisme militant.
Vous entendez combattre le libre-échange, non pas à l’aide du protectionnisme, mais avec le “prix d’entrée”. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Si, il s’agit de protectionnisme solidaire, mais pas à partir de droits de douanes. Nous avons fait nôtre, l’idée développée par la Confédération paysanne d’établir des prix minimums d’entrée. Plutôt que de mettre un droit de douane, qui nourrit les caisses de l’État et ne laisse passer que les plus productivistes, l’idée c’est de dire : une denrée ne peut arriver sur un territoire que si son prix est au moins égal aux coûts de production du pays accueillant. C’est une forme de protectionnisme, puisqu’il s’agit de protéger les productions qui ont des coûts élevés parce qu’elles n’emploient pas de la main-d’œuvre esclavagisée ou je ne sais quel robot. Il s’agit de protéger du dumping technologique et social nos productions. Mais le prix minimum est un protectionnisme plus solidaire qu’un droit de douane.
La valeur ajoutée du produit qui transite la frontière est captée par l’État dans le cas d’un droit de douane, alors qu’avec un prix minimum d’entrée, il « suffit » que le prix se mette à niveau des coûts de production du pays importateur et la valeur ajoutée n’est pas captée, mais demeure dans le pays exportateur. Par exemple, prenons l’Espagne avec les fruits et légumes. Avec le prix minimum d’entrée, la valeur ajoutée de leurs produits exportés resterait chez eux et donnerait du grain à moudre au mouvement social espagnol, qui pourrait se battre pour récupérer cette valeur ajoutée aux mains des capitalistes. Alors que si elle est captée par l’État français, il n’y a plus de valeur ajoutée pour laquelle se battre.
Cela nous semble être un protectionnisme solidaire, voire une mesure internationaliste, parce qu’il ne me semble pas que nous ayons de leçon à donner au mouvement social ou aux paysans espagnols. À leur charge de s’en débrouiller, puisque nous sommes attachés à la démocratie.
Les solutions que vous proposez reviennent à rebâtir un modèle de société qui reposerait plus sur la paysannerie, contre un modèle qui aujourd’hui repose sur l’industrie et les services. Est-ce que cela exige de lutter également contre l’urbanisation ? Les métropoles sont des lieux dans lesquels une agriculture paysanne ne peut pas voir le jour et qui favorisent une forme de division territoriale du travail, et donc du productivisme ?
Oui et il faut ajouter que dans une perspective d’autonomie paysanne et alimentaire, il faudra aussi renforcer l’artisanat. Nous aurons besoin de beaucoup d’innovation. Il faut enlever la capacité d’innover au monopole techno-industriel. Il va falloir beaucoup de production, connexe à la production alimentaire. Et il va sûrement falloir commencer à ralentir, voire contrer, la concentration urbaine, qui est due à la révolution industrielle et à la volonté de vider les campagnes pour donner de la main-d’œuvre pour la concentrer autour des villes. C’était vrai il y a deux siècles ou en 1945. Et c’est ce qui continue de se passer.
« Il va falloir probablement dépeupler un peu les villes et déconcentrer. »
Le siège de l’Atelier paysan n’est pas loin de Grenoble et dans cette ville c’est flagrant. Le foncier n’est pas du tout extensible, à cause des montagnes autour, on voit donc très bien que pour revenir à la terre, il va falloir enlever du bitume et avant, il va falloir arrêter de l’étendre. Nous soutenons toutes les luttes foncières, nombreuses sur le territoire, contre la bétonisation et l’artificialisation des terres. Nous avons encore largement la place pour installer un ou deux millions de paysans, à condition de stopper l’extension urbaine.
Si nous voulons créer et renforcer communautés paysannes et artisanales, il va falloir probablement dépeupler un peu les villes et déconcentrer. Concernant les sociétés paysannes, nous avons un exemple incroyable, celui de l’État indien de l’Andhra Pradesh, qui a vécu en 2022 le plus grand mouvement social de l’histoire de l’humanité à partir d’une lutte paysanne. Là-bas, ils ont des grandes villes et une densification forte de population. L’Inde est le premier producteur mondial de lait. Pourtant, celui-ci ne parcourt jamais plus de cinq km entre sa production et sa consommation. Même avec de la densité urbaine, nous pouvons imaginer d’autre manière de produire.
Je le dis pour qu’on ne dise pas que tant qu’il y aura des villes, on ne pourra rien faire. Même avec les villes, il y aura beaucoup de choses à faire, comme rendre autonome leur capacité d’approvisionnement. Si on pousse le raisonnement, il faudra aussi qu’on socialise la transformation alimentaire et sa distribution. En gros, il va falloir imaginer que dans vraiment pas longtemps, une alimentation produite autrement puisse arriver aux pieds des tours de nos quartiers. Cela signifie qu’on va peut-être devoir socialiser des coopératives d’habitants qui remplaceraient Carrefour ou Auchan. Il faut mener les deux fronts. Je ne sais pas si nous appellerons cela de la désurbanisation ou de l’urbanisation paysanne… Mais sinon les classes populaires seront les dernières servies. Nous ne voulons pas qu’elles soient absentes de nos réflexions sur la paysannerie et l’écologie de manière générale – et cela est prioritaire pour nous.
Nos Desserts :
- Trouver Reprendre la terre aux machines en librairie
- Recension du manifeste sur Marianne
- Site de l’Atelier paysan
- (Re)lire notre entretien de Pierre Bitoun sur le sacrifice des paysans
- (re)lire notre article « L’avenir de l’agriculture : un enjeu politique »
Catégories :Politique
Il existe une solution qui a fait ses preuves depuis 1 siècle : la biodynamie.
Toutes les études comparatives faites par le FIBL Suisse depuis plus de 10 ans démontrent la supériorité de la biodynamie comparée à l’agriculture conventionnelle et à la bio en matière de fertilité du sol, de vie du sol et de la qualité alimentaire des produits récoltés.
Et que vont faire ces gens dans les villes s’il n’y a plus de service ni d’industrie ?
Article très intéressant.
L’atelier paysan OFFRE une perspective, un projet de société. BRAVO.
L’agriculture telle qu’ appréhendé de nos jours soit ne fait pas rêver soit rend les paysans malheureux…
Il faut sortir de cette spirale infernale.
Ce projet peut paraître utopique, mais au moins, il a le mérite de poser un constat et de proposer autre choses.
Merci l’atelier paysan.
C’est bien de pouvoir lire ça sur un site internet qui n’existerait pas sans la division industrielle du travail et l’efficacité associée. On a un grand sentiment de cohérence.
Bonjour,
C’est avec un grand intérêt que j’ai lu votre article.
J’aimerais vraiment que la population adhère à votre idée.
Seulement, je pense qu’il faudra l’éduquer à ce changement, car en regardant autour de moi, la majeur partie des personnes est obèse !
Très bon article.
Je ne crois pas qu’il faille considérer le bio comme un créneau pour personnes aisées. Ce ne doit pas rester une niche, toute personne à droit à une nourriture saine et goûteuse, à ne pas être intoxiquée en se nourrissant…
À M
Cet article est confus et erroné sur nombre de points. Pourquoi opposer la bio et l’agriculture paysanne ? Ecrire que sortir de la bio permettra de se débarrasser de l’agriculture industrielle est une illusion. Assimiler l’agroécologie à une agriculture qui se passe de pesticides et d’appareillage chimique est bien mal connaître les récupérations faites par le FNSEA à travers les chambres d’agriculture de l’agroécologie. Ce mot devient un mot fourre tout et est récupéré. Certains disent faire de l’agroécologie tout en utilisant des pesticides de synthèse, alors lorsqu’on a un label bio on ne peut pas utiliser de pesticides de synthèse. C’est vrai qu’il y a du bio industriel, mais il y a aussi de l’agriculture paysanne avec des pesticides.
C’est vrai que le bio est encore un marché de niche et que la crise a tendance à le faire reculer. Le bio n’est pas un long fleuve tranquille, comme l’agriculture paysanne et la consommation de proximité. Il n’y a pas à les opposer mais à ce qu’ils se rejoignent. Cela arrivera plus ou moins vite selon plusieurs facteurs :
* Un facteur individuel de prise de conscience du consommateur à consommer bio et local. Le revenu joue un rôle car le bio est plus cher quand on compare les mêmes types de produits entre eux , comme d’ailleurs beaucoup de productions paysannes. Mais par des choix alimentaires et culinaires on peut très bien consommer bio et local (pour l’essentiel) sans dépensant pas plus que des personnes qui consomment non bio et de la cuisine industrielle.
* Un facteur politique, notamment à travers le PAC qui subventionne les agriculteurs à la surface et non à l’unité de main d’œuvre come le demande la confédération paysanne. Il est certain, que tant qu’on continuera ainsi on obtiendra le résultat que l’on aura provoqué, à savoir : de moins en moins d’agriculteurs et des exploitations de plus en plus grosses et industrielles.
« c’est en sortant de la bio qu’on pourra se débarrasser de l’agriculture industrielle » ??? je dirais plutôt : c’est en sortant LA bio de l’agriculture industrielle et de ses filières agro-alimentaires qu’on retrouvera aussi une agriculture paysanne et agrobiologique ! cela fût la démarche de Nature&Progrès ou celle des « teikei » japonais, les ancêtres des AMAP’s !