Politique

Emmanuel Todd : « C’est un pays en cours de stabilisation morale qui vient d’élire Trump »

Jeudi 9 février, Emmanuel Todd nous reçoit dans son appartement parisien pour un entretien fleuve sur l’élection de Donald Trump, les États-Unis et la situation politique mondiale, que nous vous proposons en deux parties. Si notre ligne politique peut diverger de celle du chercheur Todd et de sa promotion d’un capitalisme régulé, il demeure pour nous une référence intellectuelle contemporaine majeure. Anthropologue, historien, démographe, sociologue et essayiste, Todd est ingénieur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il est principalement connu pour ses travaux sur les systèmes familiaux et leur rôle politique. En quatre décennies, le chercheur s’est notamment illustré en prophétisant l’effondrement de l’URSS (« La chute finale », 1976) et les printemps arabes (« Le rendez-vous des civilisations », avec Youssef Courbage, 2007). Il a également mis en lumière les faiblesses de la construction européenne et de la mondialisation. 

Le Comptoir : Le 8 novembre 2016, Donald Trump remportait à la surprise générale l’élection présidentielle américaine. Comme lors du référendum sur le Brexit en juin de la même année, ou du rejet français du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) en mai 2005, les élites politico-médiatiques n’avaient rien vu venir. Pourquoi, à chaque scrutin, les élites semblent-elles de plus en plus déconnectées des électeurs ?

© Lucas Pajaud

© Lucas Pajaud

Emmanuel Todd : Je crois que la séparation fondamentale entre peuple et élites – c’est une image, car c’est toujours plus compliqué – a pour point de départ la différenciation éducative produite par le développement du supérieur. Au lendemain de la guerre, dans les démocraties occidentales, tout le monde avait fait l’école primaire – aux États-Unis, ils avaient également fait l’école secondaire –, les sociétés étaient assez homogènes et très peu de gens pouvaient se vanter d’avoir fait des études supérieures. Nous sommes passés, ensuite, à des taux de 40 % de gens qui font des études supérieures par génération. Ils forment une masse sociale qui peut vivre dans un entre-soi. Il y a eu un phénomène d’implosion sur soi de ce groupe qui peut se raconter qu’il est supérieur, tout en prétendant qu’il est en démocratie. C’est un phénomène universel et pour moi, c’est la vraie raison. Il y a des décalages. L’arrivée à maturité de ce groupe social se réalise dès 1965 aux États-Unis. En France, nous avons trente ans de retard et ça s’effectue en 1995. Les gens des diverses strates éducatives ne se connaissent plus. Ceux d’en haut vivent sans le savoir dans un ghetto culturel. Dans le cas d’un pays comme la France, nous avons par exemple l’apparition d’un cinéma intimiste, avec des préoccupations bourgeoises déconnectées des cruautés de la globalisation économique. Il y a des choses très bien dans cette culture d’en haut. L’écologie, les festivals de musique classique ou branchée, les expositions de peinture impressionniste ou expressionniste, le mariage pour tous : toutes ces choses sont bonnes. Mais il y a des personnes avec des préoccupations autres, qui souhaitent juste survivre économiquement et qui n’ont pas fait d’études supérieures. C’est en tout cas ce que j’écris dans mes livres, je ne vais pas changer d’avis soudainement.

Une analyse qui rejoint en partie celle de Christopher Lasch en 1994, dans La révolte des élites et la trahison de la démocratie (The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy)…

Ben écoutez, La révolte des élites, je l’ai là [il attrape un exemplaire de The Revolt of the Elites posé sur sa table]. Oui, peut-être. Honnêtement, j’avais publié le bouquin de Lasch sur le narcissisme [La culture du narcissisme, NDLR] quand j’étais jeune éditeur chez Laffont. J’avais été très attentif à ce livre, dont j’avais revu la traduction. Mais je ne suis même plus sûr d’avoir lu La révolte des élites. C’est ça, l’âge. [Rires] Mais je sais de quoi il s’agit, c’est vrai que c’est à peu près ça. Par contre, je diverge de Lasch et de gens qui dénoncent les élites pour supposer des qualités spéciales au peuple. Je l’ai cru à une époque, mais je n’en suis plus là. Les élites trahissent le peuple, c’est certain. J’estime même de plus en plus qu’il y a au sein des élites des phénomènes de stupidité induits par le conformisme interne du groupe, une autodestruction intellectuelle collective. Mais je ne pense plus que le peuple soit intrinsèquement meilleur. L’idée selon laquelle, parce qu’il est moins éduqué ou moins bien loti, le peuple serait moralement supérieur est idiote, c’est une entorse subtile au principe d’égalité. Adhérer pleinement au principe d’égalité, c’est être capable de critiquer simultanément élites et peuple. Et c’est très important dans le contexte actuel. Cela permet d’échapper au piège d’une opposition facile entre un populo xénophobe qui vote Le Pen et les crétins diplômés qui nous ont fabriqué l’euro. C’est toute la société française qu’on doit condamner dans sa médiocrité intellectuelle et morale.

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En 2008, alors que presque toute la gauche se félicitait de l’élection d’un Noir à la Maison-Blanche, vous étiez l’un des rares à émettre des doutes sur ce symbole. Selon vous, Barack Obama n’avait pas de programme économique. La percée inattendue de Bernie Sanders à la primaire démocrate et la victoire de Trump sont-elles les symptômes de l’échec d’Obama ?

Je crois que c’est le symptôme d’un changement d’humeur de la société américaine dans son cœur, qui est un cœur blanc puisque la démocratie américaine est à l’origine blanche. Depuis longtemps, je suis convaincu que parce que les Anglo-Saxons ne sont au départ pas très à l’aise avec la notion d’égalité, le sentiment démocratique aux États-Unis est très associé à l’exclusion des Indiens et des Noirs. Il y a quand même 72 % du corps électoral qui est blanc. Obama a mené une politique de sauvetage de l’économie américaine tout à fait estimable dans la grande crise de 2007-2008, mais il n’a pas remis en question les fondamentaux du consensus de Washington : le libre-échange, la liberté de circulation du capital et donc les mécanismes qui ont assuré la dégradation des conditions de vie et la sécurité des classes moyennes et des milieux populaires américains. Dans les années 1950, la classe moyenne comprenait la classe ouvrière aux États-Unis. Les ouvriers ont été  “reprolétarisés” par la globalisation et les classes moyennes ont été mises en danger. Il y a eu, en 2016, une sorte de révolte.

Le premier élément qui m’a intéressé – et c’était normal puisque dans L’illusion économique (1997) je dénonçais le libre-échange –, c’est la remise en question du libre-échange, qui était commune à Trump et Sanders. C’est parce que le protectionnisme est commun aux deux que nous pouvons affirmer être face à une évolution de fond de la société américaine. C’est vrai que le phénomène Trump est incroyable : le type fout en l’air le Parti républicain pendant la primaire et fout en l’air les Démocrates ensuite. Mais jusqu’au bout, et des vidéos le prouvent, j’ai cru que c’était possible, parce que j’étais tombé sur des études démographiques largement diffusées. Je ne sais plus si je les avais vues mentionnées dans le New York Times, dans le Washington Post, ou dans les deux. Elles révèlent que la mortalité des Blancs de 45-54 ans a augmenté aux États-Unis entre 1999 et 2013. Pour les Américains, le débat sur les merveilles du libre-échange est clos. Ils ont compris. Il faut partir de l’électorat et pas de Trump. L’électorat est en révolte et les États-Unis ont une tradition démocratique plus solide que la nôtre, à la réserve près qu’il s’agit d’une démocratie blanche.

« Trump a donc foutu en l’air le Parti républicain racial avec ses thématiques économiques, pendant que le Parti démocrate est resté sur ses positions raciales banales. »

Beaucoup de commentateurs ont vu dans l’élection du milliardaire Trump une victoire des classes populaires. Or, encore une fois, celles-ci se sont majoritairement abstenues. En outre, 58 % des Blancs ont voté Trump, contre 37 % pour Clinton. Réciproquement, 74 % des non-Blancs ont préféré la candidate démocrate. L’élection de Trump ne reflète-t-elle pas le retour de la question ethnique dans une Amérique qui s’est crue post-raciale après l’élection d’Obama ?

2/2/2006 -- Washington, D.C. -- TD Greatest Hits 06 - Sen. Barack Obama , D-IL. Photo by Tim Dillon, USA TODAY staff ORG XMIT: TD 28458 2/2/2006 (Via MerlinFTP Drop) ORG XMIT: Q1P-0602021859377871 (Via MerlinFTP Drop)Non, je ne le pense pas. Bien entendu, la question raciale reste lancinante. D’abord, il faut savoir que la situation des Noirs, toujours ghettoïsés, et celle des Hispaniques, pauvres mais en voie d’assimilation, n’est pas du tout la même, même si le Parti démocrate a un discours de ciblage général des minorités. Comme aux précédentes élections, les Noirs ont voté très majoritairement pour la candidate démocrate (89%), mais avec un taux d’abstention plus élevé, parce que les Clinton sont assez ambivalents dans leurs rapports à la question, contrairement à Obama. Toute la politique américaine, depuis Nixon – et ça a culminé avec Reagan –, a été marquée par un Parti républicain qui a fait fortune en devenant un parti blanc, résistant aux mesures de déségrégation et à l’affirmative action (discrimination positive). Les Républicains ont inventé la technique du dog-whistle, c’est-à-dire du “sifflet à chien”, qui agit sans qu’on l’entende. Un langage codé permet de bien faire comprendre à l’électorat blanc qu’il faut détruire le welfare (les aides sociales), censé n’aller qu’aux Noirs. C’est ce qui a permis au Parti républicain de mener une politique économique absolument défavorable à son propre électorat, c’est-à-dire de diminuer les impôts des riches et de continuer à foutre en l’air la classe ouvrière blanche par le libre-échange. Trump est à l’opposé du dog-whistle. Il avait un double discours : d’un côté, un discours xénophobe tourné contre le Mexique – et pas contre les Noirs, qui sont sur le territoire américain – et de l’autre, des thématiques économiques quasi-marxistes. Pour moi, Trump est le contraire du racialisme républicain traditionnel. Il a mené le débat sur le terrain économique, face à des Démocrates qui activaient inlassablement, sur le mode de la bien-pensance, la question raciale, en se présentant comme les défenseurs des Noirs et en expliquant que si on appartenait à tel groupe, on devait voter de telle manière. Trump a donc foutu en l’air le Parti républicain racial avec ses thématiques économiques, pendant que le Parti démocrate est resté sur ses positions raciales banales.

Justement, vous semblez voir, dans l’élection de Donald Trump, l’amorce d’une sortie de la séquence néolibérale qui avait été marquée par l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et Ronald Reagan au début des années 1980. La dénonciation du libre-échange ou la volonté de rétablir le Glass-Steagall Act – aboli par l’administration Clinton – qui séparait les banques de dépôt des banques d’affaires sont effectivement en rupture avec le discours tenu à la fois par les Républicains et les Démocrates. Les premières mesures de dérégulation financière annoncées dès le lendemain de son élection, comme l’abolition de la loi Dodd-Frank – régulation timide des marchés financiers introduite sous Obama – ne sont-elles pas plutôt le signe que ce discours protectionniste et régulateur n’était qu’une façade et que le consensus de Washington continue de faire loi ?

Le problème, c’est qu’en France, nous sommes confrontés à une méconnaissance de ce qu’est le protectionnisme. C’est un certain type de régulation par l’État, mais ce n’est surtout pas une technique de régulation hostile au marché. C’est la fixation d’une limite autour d’un marché, qui doit rester capitaliste et libéral. Dans la théorie classique du protectionnisme, il n’y a pas de contradiction entre le fait de prendre des mesures de libéralisation en interne et le fait de protéger en externe. En formalisant, nous pourrions dire qu’il y a deux forces qui s’opposent aux États-Unis : un parti national et un parti globaliste. Nous pourrions dire que le parti national se caractérise par une protection aux frontières – des biens, de la circulation des personnes, le tout avec une bonne base xénophobe – mais qui n’est pas hostile au marché et qui a pour seul but de relancer un capitalisme interne qui fabrique des biens. En gros, il explique que les entreprises peuvent se faire de l’argent autrement. En face, il y a le parti globaliste qui va laisser les frontières ouvertes, en expliquant que cela va fonctionner même si la théorie économique explique que cela va générer des dégâts et des inégalités, le tout devant être compensé par de la redistribution et du welfare. J’ai obtenu la réédition de l’ouvrage classique de l’économiste Friedrich List sur le protectionnisme [Système national d’économie politique, Gallimard, 1998, NDLR], que j’ai préfacée en expliquant bien que le protectionnisme n’était qu’une branche du libéralisme. Marx détestait List. Je me suis retrouvé dans des émissions de radio face à des incultes qui me répliquaient : « Vous voulez transformer la France en Corée du Nord ? » Ce sont des ignorants qui pensent qu’en économie, le protectionnisme est une branche de l’étatisme. Évidemment, ici, je fais comme si Trump et son équipe avaient une conscience parfaite de ce qu’ils font, ce qui n’est pas le cas. J’évoque l’idéal-type wébérien du libéralisme protectionniste.

« Quand j’ai pensé que Trump pouvait être élu, j’étais au fond en train d’admettre que mon modèle anthropologique était insuffisant. »

Vous expliquez donc que Trump est le promoteur d’un capitalisme national qui va relancer la production de biens. Mais pour le moment, il a surtout annoncé des mesures de dérégulation de la finance et a manifesté son envie de revenir sur les maigres mesures de régulation de l’administration Obama !

Mais ce n’est pas cela qui est important.

La financiarisation de l’économie a généralement nui au capitalisme productif que vous défendez…

Mais l’important, c’est la protection contre l’arrivée de marchandises fabriquées par des gens sous-payés. Une économie qui se protège avec des barrières tarifaires à 30-40 % – c’est une tradition américaine, c’était ainsi avant la guerre de 1914, si mes souvenirs sont exacts –, c’est une économie qui, même si toutes les règles internes deviennent plus libérales, est soumise à des contraintes différentes. C’est une économie où les ouvriers et les ingénieurs vont redevenir nécessaires ! Alors il y aura toujours des gens – c’est le principe du capitalisme – qui voudront se faire de l’argent. Il faudra seulement qu’ils le fassent autrement. Si nous nous en tenons à une approche marxiste, et souhaitons combattre les puissances d’argent, éventuellement abolir le Capital, nous restons à côté du problème. La question, c’est de savoir s’il existe une technique qui permet que des gens s’enrichissent et que cela profite à tout le monde dans l’espace national.

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Vous avez longtemps soutenu que l’acceptation par le monde anglo-saxon de la globalisation et de la montée des inégalités qui en découle renvoyait à la structure familiale de type nucléaire et individualiste, indifférente à la valeur d’égalité. Le Brexit et l’élection de Trump ne sont-ils pas, au contraire, la preuve que l’action des peuples peut échapper, du moins dans certaines limites, aux déterminations anthropologiques ?

Je suis dans un manuscrit où je suis en train de traiter justement cette question. Pour moi, c’est la vraie question. Jusqu’à présent, j’étais résigné à l’enfermement de “l’anglosphère” dans son néo-libéralisme par son indifférence à l’égalité. Dans l’ensemble, mon modèle anthropologique ne fonctionne pas mal. L’idée d’un communisme fabriqué par une famille communautaire, égalitaire et autoritaire explique très bien l’histoire russe. La famille nucléaire absolue explique très bien le modèle libéral anglo-saxon, ainsi que le développement du capitalisme. Le fait que les gens ne sont pas très sensibles aux États-Unis ou en Angleterre à l’idéal d’égalité explique pourquoi le capitalisme y fonctionne de manière bien huilée et pourquoi les individus ne sont pas choqués quand certains font du profit. Mais entre 2000 et 2015, nous avons atteint la limite du modèle. Et bien sûr, les peuples peuvent transcender leur détermination anthropologique, mais à un certain niveau de souffrance seulement. C’est pour cela que la hausse de la mortalité a été un avertisseur qui m’a permis d’échapper à mon propre modèle. Quand j’ai pensé que Trump pouvait être élu, j’étais au fond en train d’admettre que mon modèle anthropologique était insuffisant. Mais c’est finalement la même chose qui s’est passée avec la chute du communisme.

Ce que vous écriviez dans La chute finale (1976)…

Mon modèle anthropologique dit que les traditions communautaires russes expliquent très bien l’invention du communisme. Mais de même que le libéralisme a emmené la société américaine à un niveau de souffrance exagéré, qui a provoqué la révolte de 2016, le communisme avait atteint vers 1975 un niveau d’absurdité tel, avec une hausse de la mortalité infantile, qu’il s’est effondré en 1990. Par contre, ce que nous dit déjà l’existence ultérieure de la Russie, c’est que l’atteinte de ce point de rupture peut amener une modification du système économique, mais ne fait pas sortir définitivement la population de sa culture. Je pense qu’il y a une démocratie en Russie. Les Russes votent à 80 % pour Poutine. C’est une forme de démocratie autoritaire. Mais le fonctionnement de la société garde beaucoup des traditions communautaires d’autrefois. Le système américain tente de se réformer, mais il va garder ses traits libéraux et non égalitaires fondamentaux. D’ailleurs, quand je décrivais un protectionnisme qui laisse fonctionner le capitalisme en interne, c’est exactement cela que j’évoquais.

« Le retour au national promu par Trump devrait s’accompagner d’une “désuniversalisation” des problèmes. »

En 1981, vous introduisiez Christopher Lasch en France, en faisant traduire La culture du narcissisme (sous le titre Le Complexe de Narcisse). L’intellectuel américain y analysait la destruction de la structure familiale américaine et ses conséquences néfastes. Les élections que nous venons de vivre s’inscrivent-elles dans la séquence décrite par Lasch ?

inrocksNon, elles ne sont plus en décomposition justement. Les États-Unis ont traversé une phase d’instabilité et de crise culturelle à partir des années 1960 : montée du divorce, enfants hors mariage, etc. Ce sont quand même les Américains qui ont inventé la pilule. Cette phase de crise a entraîné une montée spectaculaire du taux d’homicide. Mais si nous reprenons tous ces paramètres – ce que je ne ferai pas maintenant – depuis 1995, il est clair qu’en termes de mœurs, les États-Unis sont dans une phase de restabilisation. Dans ses tréfonds, la société américaine opère un retour à l’équilibre. Si nous lisons la presse française – regardez, j’ai même acheté Les Inrocks (il l’attrape) –, nous sommes affolés par Trump. Le subliminal de « Trump est fou », c’est que c’est pour nous que l’Amérique est folle. Pure illusion : l’Amérique de 2016 est rationnelle et raisonnable. J’ai affirmé dans un premier temps qu’il existe une rationalité économique au vote Trump. Votre question me conduit à ajouter qu’en termes de mœurs, l’Amérique revient à l’équilibre. C’est un pays en cours de stabilisation morale, malgré sa souffrance économique, qui vient d’élire Trump.

Avec Youssef Courbage, vous avez largement déconstruit, avec l’outil démographique, la notion de “choc des civilisations” (Le Rendez-vous des civilisations). Ne craignez-vous pas que l’élection d’un Donald Trump ne la fasse revivre ?

Évidemment, le discours de Trump sur les questions identitaires est inacceptable pour quelqu’un comme moi. C’est d’ailleurs parce que ce caractère inacceptable me semble évident que je suis capable d’accepter la dimension économique de son discours. Les choses sont assez claires dans ma tête. Mais nous ne devons jamais oublier la rationalité de Trump et de son équipe, aussi bien en politique intérieure qu’en politique internationale. Un effort intellectuel est nécessaire puisque nous avons affaire à un communicant : derrière les choses horribles qu’il dit – ce qui a poussé ses adversaires à le prendre pour un fou –, il y a des calculs. Sa conquête électorale de la Rust Belt et de la Pennsylvanie, promise par Trump avant l’élection, montre bien une certaine forme de rationalité.

En politique internationale, les commentateurs évoquent cette même folie : Trump attaque la Chine, l’Allemagne, l’Union européenne (qu’il perçoit, à juste titre, comme un instrument de la puissance allemande)… Il marche à la guerre… Mais d’un point de vue protectionniste, ceci est tout à fait normal puisque la Chine et l’Allemagne sont les pays qui posent des problèmes de concurrence économique aux États-Unis. C’est bien l’Allemagne, plus que les États-Unis, qui poussait pour le fameux traité transatlantique. L’Allemagne et la Chine sont deux ardents défenseurs du libre-échange, comme l’indique la proposition absurde d’alliance libre-échangiste faite par la seconde à la première.

Je reviens à votre question sur le conflit de civilisations. Il est vrai que Trump donne des signaux forts d’hostilité à l’islam et aux musulmans. J’ai beaucoup évoqué sa rationalité, mais j’admets que son hostilité à l’Iran est un élément exagéré, discordant. Il s’agit peut-être d’une volonté de semer le trouble au sein de l’électorat américain. Revenons sur le plan des principes généraux : en réalité, le retour au national promu par Trump devrait s’accompagner d’une “désuniversalisation” des problèmes. Cela devrait finir par concerner l’islam aussi, et pourrait finalement conduire à une “désuniversalisation” de la question musulmane. Le retour au national ne suppose pas une rupture avec l’idée de puissance, mais suppose une politique différenciée qui cesse d’être généralisatrice. Je peux me tromper mais il me semble que les axes fondamentaux de la politique de Trump ne comprennent pas cet universalisme généralisateur qui désignerait un ennemi universel qui serait l’islam. Je reconnais que certains aspects de sa politique sont, au stade actuel, insupportables, et je suis ravi de l’action des contre-pouvoirs américains, (de ce système judiciaire qui avait posé tellement de problèmes à Roosevelt), mais je ne parierai pas sur une universalisation durable de la question de l’islam, qui contredirait le retour au national. Je ne m’étais pas vraiment posé la question mais c’est ainsi que je vois les choses pour l’instant : Trump ne peut pas être à la fois universalisant et “désuniversalisant”. Ce sont les partisans de la globalisation qui ont tendance à universaliser tous les problèmes, et donc celui de l’islam. Le retour à l’égoïsme national a ses qualités.

Kevin “L’Impertinent” Boucaud-Victoire & Adlene Mohammedi

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29 réponses »

  1. Pour Emmanuel Todd, intellectuel de « gauche », le discours et la politique racistes de Trump ne sont qu’un détail de l’histoire tant qu’il met en place une politique économique qui lui semble bonne.

    On a vu ce genre de raisonnement à une autre époque de l’histoire et ça ne s’est pas très bien terminé…

    • C’est fou pourtant combien ils sont coinces et faux-cus, ces Francais « bien-intentionnes ». Mais il semblent vraiment ne pas se rendre compte de vivre dans un monde reel! Ils pensent toujours qu’il suffit de pronnoncer des petits mots magiques, comme « gauche », et cela les rends bonnes gens, et libres de toute verification de realite, ils pensent pouvoir perpetuer a l’infini une illusion. Pouah! Bravo Todd, dur a maintenir la relation avec le reel, mais on voit le travail, qui manque aux autres!

  2. En fait, Todd est au moins aussi fou que Trump. Son « modèle anthropologique » confond causalité et corrélation (et plus généralement tout indicateur sociologique avec un déterminisme strict). Son intérêt est simplement qu’il fournit des données intéressantes à ses lecteurs, mais ses raisonnements sont faux (c’est souvent le cas chez les professeurs et on s’en aperçoit généralement quand ils sont passés de mode).

    • Trop de commentaires attaquent Todd mais c’est pas le sujet…LE sujet c’est la politique de Trump…
      Et comme Todd ne va pas à fond dans le sens attendu par certain, plutôt que de critiquer les arguments de Todd, ils attaquent le personnage…
      C’est moche et chiant.

      • Le sujet, c’est surtout Todd qui justifie le protectionnisme de Trump qui justifie celui de Todd. Son déterminisme culturel quasi absolu (sans doute inspiré de Redfield puisqu’il a eu une formation anglaise) est en fait très daté, culturaliste pour ne pas dire volkisch. Comme je le disais, Todd interprète mal les données qu’il donne, puisque justement la diffusion du niveau universitaire supprime la coupure de la société avec les élites, qui correspondent à un monde qui était celui de sa formation personnelle (et de son propre milieu). Prétendre se faire le porte parole du peuple relève précisément du trumpisme comme reproduction « formelle » du discours communiste par des fascistes (ce qui est un peu normal, puisque c’est l’essence du fascisme mussolinien, comme le montre Sternhell). Dans son cas personnel, c’est qu’il est un peu orphelin du discours dans lequel il a grandi à l’époque de la guerre froide. A cette époque, il pouvait briller par ses connaissances sociologiques plus actualisées que le PC ringard de l’époque. Mais sa thèse d’alors était déjà biaisée (quoique ses données aient été intéressantes – en particulier sur les différents systèmes familiaux).

    • Dans le cas de Todd , dire qu’il passera de mode,c’est possible voir probable, mais s’est anticipations sur la fin de l’urss , les « printemps » arabes etc … et plus récemment l’élection de Trump en font, au delà de vos insultes mal argumentées , un intellectuel indispensable pour contribuer à affiner les analyses et la compréhension du monde.

      • @ Bonnardel Bernard

        De fait, la prose de ce M. Bolo est aussi obscure qu’indigeste. Il semble inutile d’y chercher un sens précis ou même l’embryon d’une réflexion argumentée.

        Quant à Emmanuel Todd, il montre livre après livre qu’il est un des plus intéressants penseurs français. Et en plus il écrit clairement, avec les mots et la syntaxe de tout le monde, au lieu de se croire obligé de faire du sous-Deleuze…

  3. Une chose est absolument sûre : Emmanuel Todd n’est pas un professeur. C’est un pur chercheur et il a fourni à de très nombreuses reprises des éléments extrêmement pertinents pour mieux comprendre le monde. Il se trouve que par ailleurs il ne s’est pas toujours soucié de formaliser très clairement son approche d’où les hauts-le-coeur de nombreux universitaires et l’étonnement recurrent devant une pensée si peu conventionnelle qui n’hésite pas à se placer sur plusieurs registres à la fois.

  4. Pas sûr que le « retour au national » de Trump le conduise à « désuniversaliser » l’Islam. N’oublions pas l’intérêt du keynésianisme militaire. Une bonne guerre permet de faire marcher l’économie. Dick Cheney est l’un des conseillers de Trump.
    Le protestantisme des zones non-égalitaires (souche, nucléaire absolu) est tout à fait compatible avec le protectionnisme (l’Allemagne a très longtemps été protectionniste, selon le modèle prescrit par List, et comme le mentionne Todd les Etats Unis ont aussi longtemps été protectionnistes). Il est extrêmement important de dire que c’est plutôt les pays de culture catholique qui ont été les grands défenseurs du libre-échange (par exemple dans l’Amérique Latine seul le Paraguay a connu une expérience protectionniste au 19ème siècle, le reste a massivement été libre échangiste), et aujourd’hui dans les institutions internationales ce sont des Français comme Pascal Lamy qui défendent le libre échange. Le libre échange correspond parfaitement à l’universalisme catholique.
    Les pays de culture catholique ont tendance à alterner entre béatitude libre échangiste et périodes d’expérimentation marxiste qui remet en cause le droit de propriété privée (enfin disons que les PC y sont rarement arrivés au pouvoir mais qu’il y a toujours eu des mouvements révolutionnaires, et des périodes révolutionnaires, la dernière étant mai 68 en France – et le Chili a connu Allende qui a fait exploser l’inflation par ses émissions monétaires massives), mais expérimentent plus rarement des solutions pragmatiques comme le protectionnisme. Dans les pays de culture catholique on préfère s’en remettre aux « grandes idées », aux « grands principes » et aux révolutions, on manque de pragmatisme…
    N’oublions pas que l’Allemagne applique aujourd’hui la TVA sociale (comme le Danemark) et que les Etats Unis ont une préférence dans leurs marchés publics pour les PME américaines. Mais l’Union Européenne, dominée politiquement par des hommes politiques de culture catholique (rappelons que le drapeau européen a été choisi pour le bleu de la Vierge Marie et les étoiles qui couronnent sa tête), que ce soit en France ou en Allemagne (Adenauer était catholique), a choisi le libre échange.
    Personnellement je recommande que l’on écoute Maurice Allais, le premier prix Nobel d’économie français, qui a critiqué sévèrement le libre échange et recommandé la mise en place d’une préférence communautaire européenne (bien que, je ne le savais pas, je viens de le lire, il a apporté à la fin de sa vie son soutien à Cheminade et à LaRouche… c’est vraiment dommage, je ne sais pas s’il était vraiment au courant de qui est Lyndon LaRouche). Mais List et Bairoch sont des références en ce qui concerne le protectionnisme.

    Je pense qu’il faut absolument écouter Keynes, qui disait qu’autant le protectionnisme économique (et financier en particulier) était nécessaire, autant les idées et les hommes devaient pouvoir circuler. Aujourd’hui plus que jamais, avec Internet, il est difficile d’empêcher la circulation des informations, et l’argument stupide des libre échangistes comme quoi le libre échange, « c’est la circulation des informations et des idées » (comme si un Big Mac contenait des idées) n’a plus aucun sens. A l’heure d’Internet, la fermeture des frontières économiques prend tout son sens. Et surtout, rappelons qu’il ne s’agit que d’une fermeture TEMPORAIRE : l’objectif est clairement une CONVERGENCE des niveaux de salaires et de protection sociale. C’est le « protectionnisme éducateur » de List.

    Pour finir là où j’ai commencé mon message : Todd est très intéressant mais je pense qu’il ne pose pas suffisamment la question de l’Islam. Certes la régression de l’endogamie et la hausse de l’alphabétisation dans le Maghreb (en Tunisie en particulier) sont certainement la cause du « printemps arabe », mais dans tous ces pays et pour toutes les personnes qui s’engagent dans l’Islam (aussi pour les Français « de souche » qui se convertissent comme Fabien Clain) l’Islam représente le complément naturel d’une « patrilinéarité » qui progresse et qui a un « effet de cliquet » (c’est la conclusion de l’Origine des Systèmes Familiaux, livre passionnant), c’est-à-dire que, comme l’explique Todd, un pays nucléaire peut devenir patrilinéaire mais que l’inverse n’est pas possible, à moins que la civilisation ne s’effondre et soit remplacée par de nouvelles populations.
    Il y a quelque part une symétrie assez remarquable entre l’Islam (croissant et étoile, Ka’aba) et le communisme (faucille et marteau, mausolée de Lénine), comme si le deuxième était le double mimétique du premier (pour parler comme René Girard). Les musulmans ont leurs chiites qui croient en la succession de Mahomet par Ali, les communistes ont leurs trostkystes avec qui croient que l’héritier légitime de Lénine était Trotsky et non Staline…
    L’Islam est une religion qui se dit abrahamique mais qui remet en cause certaines choses des religions précédentes. Alors que le christianisme reprend textuellement l’ensemble de l’Ancien Testament, les musulmans ne reprennent ni l’Ancien ni le Nouveau Testament mais le réécrivent, et… le falsifient, au moins sur un point précis, l’affirmation que l’Evangile annonce la venue d’un « Glorieux » après le Christ (sourate 61:6), façon de dire « Mahomet », en écrivant « Periklytos » (le Glorieux) au lieu de « Parakletos » (le consolateur, l’avocat de la défense) dans l’évangile de Jean. Même certains musulmans raisonnables reconnaissent que toutes les versions en grec de la Bible disent « parakletos » et non « periklytos ». Par ailleurs le Coran affirme que Jésus n’est pas mort sur la Croix, que Dieu l’en a retiré au dernier moment, et l’a remplacé par quelqu’un d’autre (pauvre type que celui tiré au sort pour remplacer Jésus sur la potence, soit dit en passant !). Bien qu’il ne soit jamais possible d’être affirmatif à 100%, il serait logique d’accorder plutôt crédit à 4 textes écrits par 4 mains différentes à une période relativement proche de celle de l’événement en question, et qui disent que Jésus est mort sur la croix, qu’à un texte écrit plus de 600 ans après l’événement, bien loin du lieu du crime, qui affirme le contraire.
    Ce que je veux dire par là, c’est que j’ai le sentiment que le Coran est révisionniste (on peut l’affirmer avec certitude pour le sujet du « Paraclet », dont l’enjeu est tout de même d’affirmer que l’Evangile annoncerait la venue d’un nouveau prophète après Jésus, et non simplement la descente de l’Esprit Saint dans ce que les chrétiens appellent Pentecôte), et ce révisionnisme pose de très mauvaises bases en ce qui concerne les relations entre les musulmans et les autres religions, en particulier dans la mesure où les musulmans accordent une telle importance à leur unique livre sacré.
    L’emploi du terme « révisionnisme » est tout à fait assumé – je dois quand même rappeler le rapprochement entre le mufti de Jérusalem et Hitler avant la guerre. Dans le contexte du procès fait à G. Bensoussan, certaines choses doivent être rappelées.
    Pour moi la laïcité est une invention qui a été rendue possible par un contexte culturel chrétien (de la même façon que les révolutionnaires marxistes, gauchistes, sont imprégnés de cette culture égalitaire catholique). Le lynchage du Christ, le fait qu’il ait été victime du mensonge, invite à remettre en question toutes les vérités révélées (au lieu d’accuser les Juifs comme le font les débiles de tous bords). Affirmer qu’en cas de lynchage, « de toute façon Dieu interviendra puisque c’est le Messie et le retirera de la croix », c’est dire qu’il ne faut pas avoir peur des passions, des foules en colère, du déchaînement mimétique de la haine dans la mesure où les élus seront sauvés. Pour moi cela prépare clairement le terrain pour une radicalisation religieuse et pour le takfirisme.

    Florent Pirot

    • 68 n’était pas une révolution sociale mais sociétale, pour la libéralisation des mœurs pas tant pour le sort des ouvriers. Cohn Bendit voulait la mixité et les étudiants n’ont pas été bien reçus à Billancourt. Souvenirs, souvenirs….

      • Vous ne pouvez pas nier qu’il y avait des revendications sociales. Non seulement les ouvriers qui se sont mis en grève, mais les trotskos et maos qui fleurissaient dans les universités.

  5. Précisons que mon commentaire ci-dessus n’est pas un appel à la guerre contre les pays musulmans. D’autant que je pense que Trump, objectivement, ne ciblera que les pays dans lesquels il n’a pas d’intérêts commerciaux (donc l’Iran mais pas l’Arabie Saoudite par exemple).
    Sur un plan plus philosophique : était-il dans la nature des choses qu’après le judaïsme et le christianisme, une troisième religion vienne proposer une nouvelle interprétation ? Une « troisième voie » ? Dumézil a montré la tripartition du monde social dans les sociétés indo-européennes. Cependant il me semble que cette ternarité (des trois monothéismes) n’est pas celle de l’enfant né des parents, ou alors seulement celle de l’enfant rebelle…
    Cette ternarité rappelle le triangle, qui est d’abord le triangle mimétique (toute société commence avec l’ajout d’une troisième personne qui peut se joindre alternativement avec la première ou la seconde et se polariser à deux contre un (à partir du moment où on est trois l’incertitude peut régner sur les choix de chacun, c’est le temps du jugement), donc c’est à partir de la troisième personne qu’il y a besoin d’institutions de régulation, alors qu’entre deux personnes l’amour peut suffire), et qui est étonnamment aussi le symbole choisi par les chrétiens pour représenter Dieu, et que l’on retrouve aussi dans l’étoile de David. Mais pour les musulmans on ne saura pas, la représentation de Dieu est interdite…
    Ce qui est certain c’est que Dieu est une institution de régulation (c’est l’acquis de la sociologie depuis Durkheim), et que l’institution optimale me semble être celle qui dit « gardez-vous de toute passion, de tout mouvement mimétique, vous pourriez être en train de vous en prendre au Christ ».

  6. E.Todd a le droit de penser sans que certains l’accusent par une tentative de raisonnement de fascisme mussolinien.

    Évidemment, pour certains, toute pensée qui sort du libéralisme le plus libéral se détermine comme une entrée au fascisme et dont la base est mixte entre nationalisme et communisme. Toujours les années 30 qui sont de retour.

    Jusqu’à preuve du contraire. le programme de Trump s’assimile à un capitalisme libéral national qui s’écarte du globalisme néolibéral. L’Amérique de 1950 à 1980 était libérale patriotique et a connu un impérialisme bien identifié avec ses éléments hideux. Il s’agit de ne pas dire que les É.U sont l’accomplissement de la démocratie en actes sans pour autant coller des étiquettes ici et là sur certains de leurs présidents. Le globalisme est un changement assez récent dans la politique américaine qui est né à partir de tout le capital américain qui de national s’est transformé en entreprises multinationales autour du milieu du 20ème siècle.

    On peut dire que Todd et Sapir et d’autres invitent à revenir à un capitalisme protectionniste par le biais des États-nations tout en sachant que la créature néolibérale est née des États-Unis de Nixon et Carter. On ne peut pas réinventer le réel non plus comme ça. Il s’agit en Occident de revenir au moins à un moindre mal. Le paradis n’est pas au programme tout comme le fascisme, on le trouve d’abord maintenant dans l’État islamique et non dans un État national.

    • Je dis bien que le fascisme mussolinien est une copie formelle (nationaliste) du socialisme, parce que c’est le cas. Todd a le droit de penser que le socialisme national n’est pas du national socialisme, mais ce ne sera pas lui qui sera au pouvoir. Il précise bien d’ailleurs que le problème des anglo-saxons est plutôt de ne pas être égalitaires (contrairement à ce qui devrait être le cas selon son modèle anthropologique d’ailleurs). Mais on peut constater qu’ils ne sont pas les seuls, d’où les inquiétudes de certains. La falsification nationaliste actuelle de l’histoire oublie qu’avant l’apparition supposée des multinationales, la véritable organisation du monde était les empires (anglais, français, ottoman, austro-hongrois…). L’ère des nationalités se réduit bien à celle des nationalismes. Le problème actuel est donc plutôt la querelle pour l’hégémonie contre le multilatéralisme, que les nationaux refusent généralement.

      • Il y a une différence essentielle entre fascisme et socialisme : le socialisme est positiviste, le fascisme anti positiviste. Sorel, source importante de Mussolini, était romantique. Lire « le romantisme de la violence », texte de Raymond Aron, à ce sujet.

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