Société

Brigade des mères : « Les immigrés sont maintenus dans leur culture »

Créée l’an dernier à Sevran (93), la Brigade des mères (BDM) œuvre auprès des jeunes des quartiers difficiles. Sur la page d’accueil de leur site internet, ces femmes expliquent : « Nous sommes toutes mères et françaises. Nous allons lancer des ponts de la connaissance entre les banlieues et les centres villes, entre Paris et Sevran et créer l’école de la République des mères. Nous voulons que les Lois de la République soient appliquées pour sauver les mères et les enfants. Nous sommes contre la radicalisation, l’islamophobie, l’antisémitisme. La victimisation, le clientélisme, C’est terminé. » Depuis quelques semaines, l’association fait beaucoup parler d’elle, grâce au livre coup de poing de sa fondatrice, Nadia Remadna, intitulé “Comment j’ai sauvé mes enfants” (sous-titré : “Avant on craignait que nos enfants tombent dans la délinquance. Maintenant on a peur qu’ils deviennent terroristes”) aux éditions Calman-Lévy. Intrigués et intéressés par son combat, nous avons décidé de rencontrer cette femme, accompagnée de l’une des fondatrices du collectif, Houria Sebbouh, sevranaise également, et de Laëtitia Messegue, parisienne qui a rejoint l’association.

Le Comptoir : Vous avez fondé l’an dernier la BDM : en quoi consiste cette association et quelles sont vos actions ?

Nadia Redmana : Cette association nous permet, à nous les mères, de nous questionner sur ce qui se passe dans les quartiers populaires. Nous nous sommes demandé pourquoi c’était toujours les mêmes enfants qui finissaient mal (échec scolaire, délinquance, etc.). Nous voulions comprendre. Est-ce que ce sont nous, les mères, qui avons mal éduqué nos enfants ? Quand j’ai fondé la BDM, elle était destinée aux enfants déscolarisés. Je me suis par la suite interrogée sur la place des femmes dans les banlieues. Je me suis rendu compte qu’il y avait un enfermement et une fatalité. C’est pour ça qu’avec Houria et d’autres filles, nous avons voulu faire quelque chose. Avant de créer la BDM, j’ai toujours été militante. Je travaille dans le social : j’ai fait beaucoup de conférences et fréquenté des sociologues, des psychologues. Je me suis dit que c’est à nous les mères de nous lever et de protéger nos enfants. C’est là que j’ai créé l’association, avec pour but de défendre les enfants de la rue et de redonner une nouvelle visibilité aux femmes des banlieues.

Brigade des mères

De gauche à droite : Laëtitia Messegue, Nadia Redmana, Houria Sebbouh

Houria Sebbouh : J’ai suivi la Brigade des mères, parce que je désirais savoir pourquoi les jeunes des quartiers ont une haine au fond d’eux. Ils sont français. Ils sont de la quatrième génération mais ils n’arrivent pas à trouver une place. Même nos parents, qui sont arrivés avec des bagages très minimes, ont réussi à se faire une place dans la société française, mais pas nos enfants.

Laëtitia Messegue : Moi, j’ai rencontré Nadia en 2014 par le biais de mon avocat à Paris. J’ai été charmée par son discours, notamment pour la protection des enfants. Nous avons commencé à réfléchir et à essayer de trouver des solutions. J’ai alors rationalisé ce que Nadia faisait sur le terrain, notamment l’encadrement des mères auprès des institutions françaises (judiciaires ou relevant de l’Éducation nationale). Nous avons par la suite développé des initiatives pour défendre les mères et les enfants, et surtout pour faire respecter les lois de la République. Parce que quand il y a 6 000 enfants non scolarisés en France, c’est qu’il y a un sérieux problème dans l’application des lois. Quand il y a 300 000 enfants placés dans des services sociaux, c’est qu’il y a des dispositifs qui ne fonctionnent plus. C’est aussi qu’il n’y a plus de filiation, puisqu’on arrache les enfants à leurs mères. Je me suis également engagée dans cette association avec l’objectif de créer des ponts entre la banlieue et le centre-ville. Nous essayons de mettre en contact des mères de Sevran et de Paris, sans distinction de milieu social, de religion ou de culture. Le but est de permettre à ces enfants d’avoir accès à la culture française, le socle de notre société. Quand je vois qu’il y a des enfants qui n’ont jamais mis un pied dans un musée ou au château de Versailles, je me dis qu’il est temps d’ouvrir les banlieues.

« Le fait est que nous sommes loin de l’égalité homme-femme en banlieue. »

Quelles sont les urgences dans les quartiers aujourd’hui ?

N.R. : L’ouverture d’esprit, parce qu’il y a un enfermement. Dans certains quartiers, on a l’impression d’être dans des prisons à ciel ouvert. C’est pour cela que nous voulons faire l’“École des mères et de la République”. Nous souhaitons ouvrir les esprits, comme le soulignait Laëtitia, à travers la philo ou l’histoire de France. C’est un enfermement physique et mental. Tant que certains jeunes seront convaincus qu’ils ne sont pas aimés et que cela ne sert à rien de travailler, ça ira très mal. S’ils croient qu’ils sont les meilleurs, mais sont discriminés, ça n’ira pas bien.

H.S. : Nos écoles sont souvent composées de professeurs qui viennent de province et qui ne connaissent pas les banlieues. Les enfants des quartiers n’arrivent pas à communiquer avec eux. Ces derniers ne font pas en sorte de comprendre ce qui se passe. Moi-même qui suis grand-mère aujourd’hui, j’ai fréquenté l’école de la République. Je suis arrivée à 11 mois. Les professeurs actuels ne sont plus du tout comme ceux que j’ai eus.

Mais est-ce que les profs ont les moyens d’enseigner correctement ?

N.R. : Non, ce n’est pas une question de moyens. On a mis des moyens dans les banlieues ! Mais il n’y a pas que l’argent. Pas besoin d’être milliardaires pour transmettre une connaissance, qu’ils sont censés avoir. Mais il faut faire attention à ne plus considérer les enfants des banlieues comme des enfants de seconde zone. Il faut les traiter comme des Français à part entière. Nous avons l’impression que les banlieues appartiennent au tiers-monde et que des ONG viennent. Tant qu’on considérera qu’il faut agir autrement avec les jeunes de banlieue, rien n’ira. Il faut justement faire avec eux comme on fait ailleurs. Ce n’est pas une question d’argent. Ce sont quoi les moyens ? Une classe avec de belles vitres et des profs avec des salaires de 6 000 euros ? C’est pour cela qu’avec les mamans des grandes villes de Paris et Toulouse, nous œuvrons pour abolir cette différence. Il y a un programme scolaire, qui doit être national.

L’autre problème en banlieue est celui de la mixité. Nous sommes revenus en arrière. Je suis travailleuse sociale. Quand je veux animer un atelier, on me dit d’animer un atelier avec des femmes. Vous vous rendez compte : nous sommes en 2016 et je n’arrive pas à animer un atelier homme-femme. C’est dangereux, car les mairies et les municipalités adhèrent à cela. En banlieue, nous sommes dans des prisons à ciel ouvert : il faut briser cet enfermement mental.

Vous combattez également le machisme en banlieue. Mais le sexisme n’est-il pas présent dans l’ensemble de la société française ? À quels problèmes spécifiques sont confrontées les femmes dans les quartiers ?

Clémentine_AutainN.R. : Je parle souvent de “machisme intégriste”, sans pour autant que cela soit religieux. Le problème est que nous avons l’impression que certaines villes, plus particulièrement en banlieue, ne sont peuplées que d’hommes. Les femmes que vous croisez dans les quartiers sont soit en train d’aller faire les courses, soit en train d’aller chercher les enfants à l’école. Elles sont toujours en train d’effectuer des corvées. Tous les loisirs sont des loisirs masculins. Il n’y a que des stades de foot ! On investit énormément d’argent pour les garçons. Ils vont de temps en temps répondre qu’il y a une équipe de foot féminin. Mais c’est une minorité. Les mères sont où ? Elles sont au marché, en train de faire les courses, chez le médecin, en conseil de discipline, au commissariat, au tribunal. C’est pour cela que ce machisme est présent. Il est parfois transmis par les mères elles-mêmes. C’est là que nous travaillons. L’égalité homme-femme n’existe pas dans l’ensemble de la société. Les Français sont machos. Nous le voyons en politique, où les femmes servent souvent à faire joli. C’est pour cela que je dis que Clémentine Autain (porte-parole du parti Ensemble !, membre du Front de gauche, NDLR) est stupide et ne comprend rien. On a l’impression qu’avec elle, c’est : « Sois belle et tais-toi ! » Elle dit ce qu’on lui dit de dire. Mais les problèmes sont différents. Par exemple, là nous buvons un café à Paris, mais en banlieue, les femmes ne font jamais cela. Pour boire un verre ou un café, nous devons monter à la capitale !

« Je pense que les politiques ont maintenu les personnes dans leurs communautés, dans l’ignorance et dans la victimisation. »

Est-ce que cela provient de la culture “arabo-musulmane” fortement patriarcale et très présente en banlieue ?

N.R. : Oui, bien sûr, vu que 80 % de la population est originaire du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne. Mais aujourd’hui, le fait est que nous sommes loin de l’égalité homme-femme en banlieue ! Certains avancent que les femmes sont plus libres en France que dans leur pays d’origine. Mais, j’explique souvent que je ne me bats pas pour la liberté, mais pour rester libre. Car la liberté, je suis censée déjà l’avoir acquise.

H.S. : Je rejoins Nadia. Vous avez parlé de culture “arabo-musulmane”. C’est vrai qu’à Sevran, je ne connais pas les chiffres, mais une majorité de gens sont d’origine maghrébine. Les personnes issues de l’immigration sont maintenues dans leur culture. Il n’y a pas d’ouverture et donc, elles n’avancent pas.

Il y a donc un échec du modèle d’intégration français ?

H.S. : Je pense que les politiques ont maintenu les gens dans leurs communautés, dans l’ignorance et dans la victimisation. Et surtout, ils les ont enfermés dans des ghettos. Nadia appelle cela des “prisons à ciel ouvert”, mais je préfère le terme “ghettos”. Ils nous ont tous mis dans les mêmes cités, dans les mêmes villes, etc. Nous avons tous atterris à Sevran, à Aulnay-sous-Bois…

« Ils nous regardent comme des cas sociaux, des miséreux à qui il faut donner un peu. »

Dans le 93 en général…

H.S. : Oui, mais dans certaines villes, il y a beaucoup plus de concentration africaine. Maintenant, à Sevran, les Maghrébins qui ont réussi partent. Ils reproduisent la même chose avec les Africains subsahariens.

N.R. : Ils ont ramené une autre population, les Maliens, les Sénégalais, etc. et recréent le même problème avec eux. En France, nous ne savons pas gérer l’urgence. Il n’y a qu’à voir comment le pays va mal. Chacun essaie d’accuser l’autre. La gauche prétend que c’est la droite et la droite explique que c’est la gauche. Ne parlons pas du Front national, qui est en train de monter et de prendre de la place. Au lieu de se demander pourquoi les Français votent de plus en plus pour le FN, les politiques préfèrent faire barrage. Mais dans cinq ans, ils ne pourront plus faire barrage. Au lieu de s’assoir tous autour d’une table, de réfléchir et de mettre de côté nos couleurs politiques et nos religions, parce que la France va très mal, on continue dans la même direction. Nos dirigeants préfèrent se battre pour le pouvoir.

Vous évoquez la création des ghettos : l’échec de l’intégration n’est-il pas tout simplement la conséquence de la décomposition de la société française depuis trois ou quatre décennies maintenant (voir encart) ?

encart 3N.R. : Échec de l’intégration, je ne sais pas. Je n’aime pas trop le mot “intégration”. S’intégrer signifie quoi ? Faire comme l’autre ? Effectivement, ils ont échoué quelque part. La génération de nos parents nous a ramenés ici espérant pouvoir partir. Puis, il y a eu nous, qui étions plus militants, et qui souhaitions nous en sortir, car nous aimions la France, qui représentait pour nous une chance. Nos parents appréciaient également ce pays. Nous voyons une nouvelle génération qui éprouve de la haine pour l’Hexagone. C’est pour cela que je dis que c’est l’échec des politiques. Quand des politiques donnent des tracts touchant à nos blessures, qui évoquent la guerre d’Algérie, les discriminations ou le racisme, même si cela existe, par intérêt électoral, ils jouent avec le feu. Qui sème le vent récolte la tempête. Ils ont ce qu’ils ont semé. Ils montent les gens les uns contre les autres. Dans certains quartiers, ils vont parler d’islamophobie et de Palestine. Dans d’autres, ils vont parler insécurité et laïcité. Ils n’ont pas le même discours partout. Il faudrait s’adresser à tout le monde de la même façon et exiger la même chose d’eux. Aujourd’hui, ce sont nous, les mères, qui le payons. À la Brigade des mères, nous souhaitons juste que les lois de la République soient appliquées partout. Nous désirons être traités comme les autres Français.

Il faut arrêter de nous infantiliser comme si nous étions des handicapés. Ils nous regardent comme des cas sociaux, des miséreux à qui il faut donner un peu. S’ils avaient été plus exigeants avec notre jeunesse, en disant : « Non, arrêtez de pleurnicher », tout aurait changé. Ceux qui font des études ne sont pas aidés pour entrer dans le monde professionnel. Au contraire, ceux qui jeunes brûlaient des voitures ont un travail. Il y a un grand clientélisme. Allez dans certaines mairies. Je connais des familles où du grand-père au petit-fils, tout le monde travaille à la mairie. Ce sont parfois des gens incompétents. Est-ce normal que dans certains foyers dix personnes bossent en mairie et dans d’autres dix personnes sont au chômage ? Comment pouvons-nous dire à nos enfants que pour réussir, ils doivent faire des études ? Ils vont nous répondre : « Mais non, ceux qui ont du travail, ce sont ceux qui ont brûlé des voitures, les racailles, et ceux qui ont quitté le système scolaire tôt. » Et ils travaillent où ? Dans les mairies, à l’Éducation nationale, etc. Ils ont des postes importants. Comment être crédible devant nos enfants ? Certains sont même élus !

L.M. : Le discours de Nadia est basé sur les lois de la République et la laïcité. Nous voulons que les enfants qui grandissent à Sevran ou en banlieue aient le même statut de citoyen que les autres, qu’ils aient les mêmes professeurs qu’à Louis-le-Grand et qu’ils puissent avoir accès à la même éducation que nos enfants qui sont à Paris. Il y a beaucoup d’absentéisme des profs en banlieue. Nous ne pouvons pas mettre systématiquement des classes entières en permanence.

H.S. : Absences de professeurs et surcharge d’élèves dans les classes ! Nous avons 26-27 élèves par classe, contre 16-17 dans d’autres écoles, ce qui est plus gérable.

L.M. : Il faudrait rétablir un certain contrôle sur la qualité de l’enseignement donné dans les collèges et lycées. Les professeurs sont perdus quand ils sont en banlieue face à des élèves, qui ont des différences de niveau.

Nadia, en 2014, vous avez été candidate aux élections municipales sur la liste de Clémentine Autain et vous vous êtes abstenue aux régionales l’an dernier. Êtes-vous déçue des formations politiques de gauche ?

gatignonN.R. : Oui, je suis très très très déçue. J’étais contente de voir une féministe qui vient de Paris. J’ai cru qu’elle nous aiderait. Puis, je me suis rendu compte, en fréquentant les politiques de plus près, que tout est stratégie. C’est un monde de requin. Les municipales étaient très violentes. Elles ont fini au commissariat, avec Gatignon [Stéphane Gatignon, maire PCF puis EE-LV de Sevran depuis 2001, NDLR] qui porte plainte contre Clémentine. Je me suis rendu compte que cette dernière ne voulait que le pouvoir. Pour cela, elle est prête à trahir toutes ses valeurs. Elle ne souhaitait qu’être maire de la ville.

Je me suis disputée avec Clémentine à cause de deux mamans qui faisaient la grève de la faim. Leur immeuble avait brûlé, alors qu’elles demandaient depuis longtemps à être relogées. Je venais d’ouvrir mon association et je suis partie les soutenir. J’ai alors demandé à Clémentine d’aller voir ces femmes. Elle m’a répondu : « Non, car cela me rappelle la grève de la faim de Gatignon et je n’accepte pas ce genre de mouvement. » Une des mères avait froid aux pieds. J’ai demandé à des militants du Front de gauche (FdG) – des gens vraiment très bien humainement, je ne reproche rien aux militants – une couette. En attendant qu’ils la ramènent, j’ai pris une petite couverture qui traînait au local du FdG, d’à peine deux mètres. Une des militantes proches de Clémentine m’interpelle : « Va chercher la couverture, c’est celle de Clémentine, quand elle vient au local, elle s’allonge et se couvre avec. » Je lui ai répondu : « Tu diras à Clémentine de venir récupérer elle-même la couverture, comme cela, elle aura l’occasion de voir ces pauvres femmes. » C’est à la suite de cela que nous ne nous sommes plus parlé.

Je me demande comment quelqu’un qui n’est même pas fichue d’aller voir des mamans qui font la grève de la faim peut se dire féministe. Elle a de toute façon rapidement changé de discours et s’est adaptée à la population de Sevran. Elle s’est dit que chez nous, il fallait parler d’islamophobie. À Paris, dans le XVIe arrondissement, elle aurait parlé de laïcité. C’est une politique qui cherche le pouvoir. Elle s’est servie de nous. On ne connaissait pas bien les places et elle nous a utilisées pour remplir sa liste.

« Actuellement, les jeunes disent que nous ne sommes pas de bons musulmans. »

Vous dénoncez une forme de clientélisme chez elle ?

N.R. : Oui. Aujourd’hui, elle flirte avec les intégristes machistes, au détriment des droits des femmes. Je ne veux plus qu’elle se réclame du féminisme. C’est juste une politique menteuse.

Vous fustigez la “victimisation”, ainsi que le terme d’“islamophobie”. Outre le désavantage lié aux conditions de départ, selon certaines études, on a entre deux à quatre fois moins de chances de décrocher un entretien d’embauche avec un prénom à consonance musulmane. Les contrôles de police au faciès restent courants. Pour finir, le rejet de l’islam semble progresser, tant chez les élites que dans la population française. N’existe-t-il pas de bonnes raisons de se sentir victime de la société et de vouloir combattre l’islamophobie ?

N.R. : En Algérie, il y a eu la guerre civile. Des frères se sont entre-tués. Pourtant, il s’agissait d’Algériens, tous musulmans. On va dire que le terrorisme est de la faute de l’islamophobie et des discriminations ? En Tunisie, c’est pareil. Ce qui s’est passé, c’est que la France n’a pas écouté les Algériens et les Tunisiens. On cherche de fausses raisons. Félix, un jeune djihadiste issue d’une très bonne famille, est décédé. Il était à la fac, après avoir fréquenté l’école privé, ses parents l’aimaient, il partait en vacances, etc. Malheureusement, il est quand même tombé dans la radicalisation. Il y a plusieurs profils. Certains jeunes de banlieue sont à la recherche d’une étincelle et de violence. Les djihadistes sont justes convaincus d’avoir raison et que cette vie ne sert à rien, seul compte l’au-delà. C’est facile de dire : « C’est de la faute à la France. » Mais en Algérie, c’était aussi la faute de la France ? L’homme a toujours été barbare. Les guerres ont toujours existé. Quand il y avait eu le conflit au Kosovo, j’habitais à Pantin (93). Beaucoup de jeunes à l’époque s’étaient engagés dans l’Armée française. C’était également pour une guerre. Ils avaient besoin d’une cause. Mais aujourd’hui, nous avons de jeunes Français qui tuent d’autres jeunes Français au nom d’une idéologie. Ils sont convaincus d’avoir raison. Il est difficile de faire entendre raison dans ces conditions. Nous parlons maintenant de déradicalisation. Je pense que les mères ont un grand rôle. Mais il faut que les politiques arrêtent de faire n’importe quoi.

Nadia

Nadia Remadna

Hors du cadre djihadiste, nous avons également une réislamisation des musulmans français. Le retour du religieux n’interviendrait-il pas à cause d’un manque de perspectives ? L’islam serait-il pour certains une identité de substitution dans une société qui ne sait plus qui elle est ?

N.R. : Non. L’islam ne vient pas de naître, après trente ans de politique de la ville. Mais aujourd’hui, les gens sont dans la fatalité. Avant, il existait des gens qui se battaient, comme en mai 68. Certains se disent tout simplement : « Ça c’est à nous, la religion vous ne connaissez pas. » Ils veulent s’approprier quelque chose qui leur appartient. Il y a aussi la situation palestinienne qui joue. La France a attaqué la Syrie également. Il y a toujours des prétextes. Je suis d’accord quand vous parlez de “retour du religieux”. Mais ce n’est pas la religion que nous avons connue, que nos parents nous ont transmise. Actuellement, les jeunes disent que nous ne sommes pas de bons musulmans. Regardez le jeune qui vient de tuer sa mère. Pour eux, nous sommes des mécréants.

Existe-t-il un problème avec un islam importé du Golfe ? On parle beaucoup du financement des imams, par exemple.

Amar Lasfar, président de l’UOIF

N.R. : Ce n’est même pas venu du Golfe. Il ne faut pas oublier que la France a régularisé tous les fanatiques expulsés par l’Algérie. Sarkozy a également fait de l’UOIF [Union des organisations islamiques de France, organisation proche des Frères musulmans, NDLR] un interlocuteur privilégié. On leur a donné des salles, de l’argent, des places. C’est la France qui les a installés. Qui sème le vent récolte la tempête. Ce ne sont pas des gens de l’extérieur qui sont venus radicaliser nos jeunes. C’est pour cela qu’ils ne se méfient pas : ils se font endoctriner par des gens qu’ils connaissent. Les politiques continuent avec leurs conneries. La France veut former des imams au Maroc. Nos dirigeants sont des malades mentaux. Il y a des Français musulmans compétents, pourquoi aller former à l’étranger ? Ils font tout pour faire monter le FN. Vous imaginez ce qu’ils vont dire ? Je vais dire un truc à Hollande : s’il forme ses imams, qu’il les garde à l’Élysée ! Nous n’en voulons pas dans nos banlieues ! Nous avons des jeunes Français largement capables d’être imams. Nous nous battons contre la radicalisation et la réponse de la France est de former des imams !

Justement, n’existe-t-il pas un problème dans l’organisation du culte musulman en France ? Les différentes organisations ne se marchent-elles pas sur les pieds ?

N.R. : Ce qui ne va pas, c’est que la religion s’est politisée. En Algérie, c’était cela. Les hommes qu’est-ce qu’ils veulent ? Le pouvoir !

« Il sera dur d’appliquer la laïcité en banlieue, tant que nos gouvernants flirteront avec les fanatiques. »

Vous défendez la laïcité dans les quartiers. Mais en banlieue, la difficulté ne vient-elle pas du fait que beaucoup de musulmans ont l’impression, que de la loi de 2004 à celle sur la burqa de 2010, celle-ci est spécifiquement orientée contre eux ?

N.R. : C’est vrai que nous défendons la laïcité. Dans la rue, les gens ne savent pas si je pratique ou pas. Pour nous, il est important de ne pas imposer la religion. L’erreur de la loi de 2004, c’est qu’elle s’en est pris qu’aux femmes voilées accompagnatrices. C’est une loi machiste et hypocrite. On en a fait des débats et des débats pour les sorties scolaires.

La loi de 2004 était pour les filles voilées à l’école et a abouti à l’interdiction de tous les signes religieux à l’école…

N.R. : Mais cette loi ne vise que les femmes, alors qu’à côté, les institutions travaillent avec les fanatiques et financent les salafistes. On leur prête des salles, on les laisse faire des débats pour dire n’importe quoi. Mais la maman voilée, on lui dit non. Quand il y a un problème en banlieue, on invite qui ? Des imams, qui ensuite vont décider de ce qu’on a le droit ou pas de faire. Ils sont tous soi-disant docteurs en islam ou professeurs en déradicalisation.

La défense du voile n’est-elle pas au contraire une priorité des islamistes justement ?

N.R. : Oui, c’est vrai. Ils utilisent cela pour dire : « Regardez, ils s’en prennent à nos femmes, c’est de l’islamophobie. » Mais eux aussi ce sont des politiques, comme ceux de gauche qui font semblant de combattre l’islamophobie. Mais il sera dur d’appliquer la laïcité en banlieue, tant que nos gouvernants flirteront avec les fanatiques. Regardez, nous sommes une association qui défend la République, ils ne nous donnent ni local, ni subvention. Les autres ont un rez-de-chaussée entier. Et quand le maire veut parler, il va vers eux.

Est-ce que les institutions religieuses n’ont pas été vues comme un moyen de canaliser la délinquance en banlieue ?

N.R. : Non, nous ne sommes plus au temps où il fallait aller chez le curé pour se confesser !

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