« Je ne m’auto-analyse pas vraiment, c’est plutôt un constat général, une photographie du monde qui m’environne. »
Le Comptoir : Tu viens de sortir ton premier recueil de poèmes, Je demeure paisible au travers de leurs gorges. Pourquoi ce projet et pourquoi ce titre ?
Ludovic Villard : Ce projet est dans les tiroirs depuis longtemps. J’écris des “poèmes” depuis mes quatorze ou quinze ans et là, j’ai la sensation que ça commence à être publiable. Je suis beaucoup plus exigeant et stressé pour l’écriture que pour la musique, donc j’ai attendu d’avoir une matière qui me contentait assez pour oser publier un premier ouvrage. Et ça m’a un peu débloqué… Ça va entraîner un certain nombre d’autres recueils dans les mois et années à venir, qui sortiront chez Les Gens du Blâme évidemment.
En ce qui concerne le titre, il est venu pendant les corrections à dire vrai. L’image me plaisait et me paraissait appropriée au contenu.
Sur la quatrième de couverture est écrit de manière énigmatique : « Et chaque enfant incendia son Acardie. » Pourquoi ?
Cette phrase est extraite de la dernière partie du recueil. Elle symbolise assez bien les thématiques abordées par les textes qui y sont regroupés : le temps et son obsession, la désillusion, la perte du caractère “vital” de l’existence, la destruction presque instinctive de nos êtres par nous-mêmes. L’idée de bourreau de soi est très présente, je crois. Je ne m’auto-analyse pas vraiment, c’est plutôt un constat général, une photographie du monde qui m’environne.
Tu as des modèles en poésie ? Ton admiration pour Louis Calaferte est connue. Dans tes chansons, tu fais également référence à des poètes comme René Char, Antonin Artaud ou André Breton. Tu as pioché chez eux pour écrire ?
Chez Calaferte c’est une évidence. La quatrième partie du recueil est d’ailleurs un clin d’œil direct à ses livres d’aphorismes tels que Paraphe par exemple. Pour Breton ou Artaud, non, je ne crois pas que ma poésie soit teintée de leur griffe. Par contre, j’imagine que Dylan Thomas, Li Po, Pessoa ou Michaux, ainsi que la musique de Bashung ou les textes de Ian Curtis (que je lisais pas mal lors de la rédaction du livre) ont un rôle indirect dans ma façon d’écrire. La poésie persane également si l’on veut pousser, notamment pour les quatrains.
On sent dans tes écrits une forme mélancolie, voire de spleen. Ça te vient d’où ? Tu penses que ce genre de sentiment est indispensable à l’écriture ?
Non, je pense qu’on peut écrire en étant quelqu’un de bien dans sa peau, sans angoisses, sans peurs, sans pensées noires… Mais ces auteurs ne m’intéressent pas. Je n’y trouve aucun écho. Charles Bukowski disait qu’il était du côté de « ceux qui hurlent quand ils se brûlent ». Je me sens appartenir à cette même communauté.
« Dire beaucoup en quelques mots, c’est cela pour moi. Sinon il faut écrire des nouvelles, des romans. »
Pourquoi la majorité des poèmes de ton recueil n’ont pas de titre ? Et pourquoi des formats si courts ?
J’aime cette brièveté en poésie. Le quatrain, le haïku, l’aphorisme, le poème court et tranchant. La longueur est perte de substance et d’énergie. Dire beaucoup en quelques mots, c’est cela pour moi. Sinon il faut écrire des nouvelles, des romans.
En ce qui concerne les titres, je n’en utilise pas pour les quatrains par exemple. C’est inutile car la forme et la concision du quatrain racontent déjà tout. Et puis un titre oriente a priori et c’est parfois dommage. C’est comme lire le résumé d’un film avant de le voir ; l’intérêt de la narration est alors altéré et l’œuvre est abîmée avant-même qu’elle ait débuté.
À l’avenir, serait-il possible de te voir avec un autre projet écrit, du type roman, nouvelle ou même essai ?
Oui, les idées fourmillent. Mais dans l’avenir immédiat ça ne sera que de la poésie. Et toujours de la musique évidemment !
En juin 2017, tu as sorti un nouvel album, SIMORGH, avec Lionel Soulchildren. C’est quoi ton secret pour être aussi productif ? Tu écris tout le temps ?
Oui, tout le temps et partout. Et surtout, je ne me pose pas de questions sinon celle de mon bon plaisir à créer. L’appel intérieur et c’est tout. Aucune contingence de type « j’espère que ça va plaire ». D’ailleurs si je savais ce qui plait ou non, et si c’était mon objet, je serais riche et célèbre comme un rappeur de Def Jam France…
Nos Desserts :
- Au Comptoir, on avait déjà eu l’occasion de rencontrer Lucio Bukowski qui nous disait qu’« il ne peut y avoir de changement que par le bas »
- Retrouvez Lucio Bukowski sur sa page Facebook, son compte Twitter et sa chaîne YouTube
- On avait aussi discuté avec Philippe Villard-Mondino, son frère, qui nous parlait notamment du génocide arménien
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