Politique

Castoriadis répond aux internautes : « Le mot “révolutionnaire” est devenu un slogan publicitaire »

À l’occasion de la semaine que nous lui consacrons au Comptoir et après moult pourparlers autour d’une boule de cristal, nous avons réussi à convaincre le philosophe Cornelius Castoriadis de répondre à quelques unes de vos questions. Monté au ciel il y a vingt ans, notre philosophe grec préféré n’en a que gagné en hauteur de vue. L’occasion pour lui de nous livrer ses réflexions sur la société contemporaine. 

« Dans l’Occident contemporain, l’“individu” libre, souverain, autarcique, substantiel n’est guère plus, dans la grande majorité des cas, qu’une marionnette accomplissant spasmodiquement les gestes que lui impose le champ social-historique. »

Jul42 : Vous êtes l’un des plus grands intellectuels du XXe siècle…

f2385376926b394ea2d91b670eec22dc_XLJe vous arrête tout de suite ! Intellectuel : je n’ai jamais aimé (ni accepté pour mon compte) ce terme, pour des raisons à la fois esthétiques – l’arrogance misérable et défensive qu’il implique –, et logiques – qui n’est pas intellectuel ? Sans entrer dans des questions de biopsychologie fondamentale, si l’on entend par le terme intellectuel celui qui travaille presque exclusivement avec sa tête et presque pas du tout avec ses mains, on laisse en dehors des gens que l’on voudrait visiblement inclure (sculpteurs et d’autres catégories d’artistes) et l’on inclut des gens que l’on ne visait certainement pas (les informaticiens, les banquiers, les cambistes, etc.).

On ne voit pas pourquoi un excellent égyptologue ou un mathématicien qui ne voudraient rien savoir en dehors de leur discipline nous intéresseraient particulièrement. À partir de cette remarque, on pourrait proposer de prendre en compte, aux fins de la présente discussion, ceux qui, quel que soit leur métier, essaient de dépasser leur sphère de spécialisation et s’intéressent activement à ce qui se passe dans la société. Mais cela est, et doit être, la définition même du citoyen démocratique, quelle que soit son occupation (et l’on remarquera qu’elle est l’opposée exacte de la définition de la justice donnée par Platon : s’occuper de ses affaires et ne pas se mêler de tout, ce qui n’a rien pour surprendre puisqu’un des buts visés par Platon est de montrer qu’une société démocratique n’est pas juste).

« La seule gloire du Parti socialiste est d’avoir appliqué le programme du néo-libéralisme en France. »

rassrahoudarka2018 : À quoi servent les intellos alors ?

Ici apparaît de toute évidence une antinomie, qui n’a pas de solution théorique, que seule la phronésis, la sagesse peut permettre de surmonter. L’intellectuel doit se vouloir citoyen comme les autres, il se veut aussi porte-voix, en droit de l’universalité et de l’objectivité. Il ne peut se tenir dans cet espace qu’en reconnaissant les limites de ce que sa supposée objectivité et universalité lui permettent ; il doit reconnaître, et pas du bout des lèvres, que ce qu’il essaie de faire entendre, c’est encore une doxa, une opinion, non pas une épistémé, une science. Il lui faut surtout reconnaître que l’histoire est le domaine où se déploie la créativité de tous, hommes et femmes, savants et analphabètes d’une humanité dans laquelle lui-même n’est qu’un atome. Et cela encore ne doit pas devenir prétexte pour qu’il avalise sans critique les décisions de la majorité, pour qu’il s’incline devant la force parce qu’elle serait celle du nombre. Être démocrate, et pouvoir, si l’on en juge ainsi, dire au peuple : vous vous trompez, voilà encore ce qu’on doit exiger de lui. Socrate a pu le faire, lors du procès des Arginuses : le cas apparaît, après coup, évident, et Socrate pouvait s’appuyer sur une règle de droit formelle. Les choses sont souvent beaucoup plus obscures. Ici encore, seule la sagesse, la phronésis, et le goût peuvent permettre de séparer la reconnaissance de la créativité du peuple et l’aveugle adoration de la “force des faits”. Et que l’on ne s’étonne pas de trouver le terme de goût à la fin de ces remarques. Il suffisait de lire cinq lignes de Staline pour comprendre que la révolution ne pouvait pas être ça.

D4rk_L0rd : Le Parti socialiste a vécu après les présidentielles de 2017 une véritable saignée, alors qu’il était auparavant le premier parti de gauche en France. Qu’est-ce que vous en pensez ?

1564557_3_cb7d_les-candidats-a-la-primaire-lors-de-la_f439ad10cbbe3d484a067365cbbab732Je n’ai jamais pensé que les socialistes français soient des socialistes. Leur programme en 1981 était déjà un monument archéologique. Par exemple, les “nationalisations”. Cela faisait des décennies que des gens, comme moi, passaient leur temps à montrer que les “nationalisations” n’avaient rien à voir avec le socialisme.

De toute façon, l’État français avait depuis toujours influencé et même, en fait, dirigé l’économie, et il avait toujours les moyens de le faire, ne serait-ce que par sa maitrise du crédit et du système bancaire. Ce point de leur programme, comme presque toutes les mesures qu’ils ont prises hors de la gestion courante des affaires, étaient purement démagogiques – la seule exception, dans l’état actuel des choses, étant l’instauration du RMI [Revenu minimum d’insertion, NDLR] : dans une société qui reste capitaliste, il faut avoir un filet de protection sociale. Il ne s’agit pas de philanthropie, là encore : quelqu’un qui crève de faim – et cela, on le voit aux États-Unis – ne peut pas être un citoyen, même au sens actuel du terme.

Les socialistes ont essayé, en 1981-1982, une “reflation” de l’économie, et ont lamentablement échoué. Pourquoi ? Parce que – et cette constatation a une valeur plus générale – ils ignoraient les règles du jeu de la société qu’ils prétendaient réformer. On ne peut ni réformer ni conserver un système social si on n’a pas en vue le tout ; on ne peut pas faire bouger une pièce de ce mécanisme immensément complexe sans tenir compte des répercussions sur d’autres parties du système. Les socialistes ont appris tant bien que mal les règles du jeu de l’économie capitaliste – et les ont appliquées avec un enthousiasme débordant. De sorte que leur seule gloire est d’avoir introduit et appliqué le programme du néo-libéralisme en France. Ce que la population aurait peut-être difficilement accepté de la part de la droite, elle l’a, en grognant, accepté de la part des socialistes. C’est à ce seul titre qu’ils resteront dans l’Histoire, et c’est suprêmement risible.

« La marginalité devient quelque chose de revendiqué et de central, la subversion est une curiosité intéressante qui complète l’harmonie du système. »

ColouuucheIsDead : On est devenu trop individualistes non ?

Non, pas vraiment. Il ne peut y avoir d’individualisme pur, c’est-à-dire vide. Les individus prétendument “libre de faire ce qu’ils veulent” ne font pas rien, ni n’importe quoi. Ils font chaque fois des choses précises, définies, particulières, ils désirent et investissent certains objets et en refusent d’autres, ils valorisent telles activités, etc. Or ces objets et ces activités ne sont et ne peuvent jamais être déterminés exclusivement, ni même essentiellement, par les “individus” tout seuls, ils sont déterminés par le champ social-historique, par l’institution spécifique de la société où ils vivent et ses significations imaginaires. On peut sans doute parler d’un “individualisme” des vrais bouddhistes, même si ses présupposés métaphysiques sont diamétralement opposés à ceux de l’“individualisme” occidental (nullité de l’individu là-bas, réalité substantielle autarcique de l’individu ici) ; mais quel est le contenu substantif du premier ? En principe, le renoncement au monde et à ses “jouissances”. De même, dans l’Occident contemporain, l’“individu” libre, souverain, autarcique, substantiel n’est guère plus, dans la grande majorité des cas, qu’une marionnette accomplissant spasmodiquement les gestes que lui impose le champ social-historique : faire de l’argent, consommer et “jouir” (s’il y arrive…). Supposé “libre” de donner à sa vie le sens qu’il “veut”, il ne lui “donne”, dans l’écrasante majorité des cas, que le “sens” qui a cours, c’est-à-dire le non-sens de l’augmentation indéfinie de la consommation. Son “autonomie” redevient hétéronomie, son “authenticité” est le conformisme généralisé qui règne autour de nous.

Cela revient à dire qu’il ne peut pas y avoir d’“autonomie” individuelle s’il n’y a pas d’autonomie collective, ni de “création de sens” pour sa vie par chaque individu qui ne s’inscrive dans le cadre d’une création collective de significations. Et c’est l’infinie platitude de ces significations dans l’Occident contemporain qui conditionne son incapacité d’exercer une influence sur le monde non occidental, de contribuer à l’érosion de l’empire des significations religieuses ou similaires dans celui-ci.

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L’épisode 2 de la saison 1 de la série Black Mirror

60_kilos_de_rage : Un épisode de la série Black Mirror (« 15 millions de mérites », le second épisode de la première saison) montre à quel point le système peut arriver à intégrer les critiques, en faire finalement des éléments du système, une excentricité intéressante. Vous en pensez quoi ?

La crise de la critique n’est qu’une des manifestations de la crise générale et profonde de la société. Il y a ce pseudo-consensus généralisé. La critique et le métier d’intellectuel sont pris dans le système beaucoup plus qu’autrefois et d’une manière plus intense. Tout est médiatisé. Les réseaux de complicité sont presque tout-puissants. Les voix discordantes ou dissidentes ne sont pas étouffées par la censure ou par des éditeurs qui n’osent plus les publier, elles sont étouffées par la commercialisation générale. La subversion est prise dans le tout-venant de ce qui se fait, de ce qui se propage. Pour faire la publicité d’un livre, on dit aussitôt : “voici un livre qui révolutionne son domaine” – mais on dit aussi que les pâtes Panzani ont révolutionné la cuisine. Le mot “révolutionnaire” – comme les mots “création” ou “imagination” – est devenu un slogan publicitaire, c’est ce qu’on appelait il y a quelques années la récupération. La marginalité devient quelque chose de revendiqué et de central, la subversion est une curiosité intéressante qui complète l’harmonie du système. Il y a une capacité terrible de la société contemporaine à étouffer toute véritable divergence, soit en la taisant, soit en en faisant un phénomène parmi d’autres, commercialisé comme les autres.

Issou1337 : Il y a eu il n’y a pas longtemps le Black Friday, où des nuées de citoyens-consommateurs se sont rués sur les étalages d’objets mis à leur disposition. On voit en Amérique de véritables ruées provoquant blessés voire morts durant ces journées de promotion. Qu’en pensez-vous ?

L’enfant entre dans un monde inane, il est aussitôt noyé dans une quantité incroyable de jouets et de gadgets (je ne parle ni de la zone et des loubards, ni des enfants de milliardaires, je parle des 70 % de la population), et il s’emmerde là-dedans comme un rat mort, à preuve qu’il les laisse tout le temps tomber pour aller regarder la télé, quittant une inanité pour une autre. Tout le monde contemporain est déjà, in nuce [en résumé, NDLR], dans cette situation. Qu’est-ce que tout cela, si nous quittons la simple description ? C’est bien entendu encore une fois une fuite éperdue devant la mort et la mortalité, dont on sait par ailleurs qu’elles sont exilées de la vie contemporaine. On ignore la mort, il n’y a pas de deuil, ni public ni rituel. C’est cela aussi que vise à masquer cette accumulation de gadgets, cette distraction universelle, lesquelles du reste, comme on le sait par les névroses, ici encore ne font que représenter la mort elle-même, distillée en gouttes et transformée en menue monnaie de la vie quotidienne. Mort de la distraction, mort à regarder un écran sur lequel il se passe des choses qu’on ne vit pas et qu’on ne pourra jamais vivre.

Le caractère de l’époque, aussi bien au niveau de la vie quotidienne qu’à celui de la culture, n’est pas l’“individualisme” mais son opposé, le conformisme généralisé et le collage. Conformisme qui n’est possible qu’à condition qu’il n’y ait pas de noyau d’identité important et solide. À son tour, ce conformisme, comme processus social bien ancré, fait en sorte qu’un tel noyau d’identité ne puisse plus être constitué. Comme le disait un des chefs de file de l’architecture contemporaine à New York lors d’un colloque en 1986 : « Grâce au postmodernisme, nous autres architectes nous avons enfin été débarrassés de la tyrannie du style. » Ils ont été, autrement dit, débarrassés de la tyrannie d’avoir à être eux-mêmes. Ils peuvent maintenant faire n’importe quoi, coller une tour gothique à côté d’une colonne ionienne, le tout dans une pagode thaïlandaise, ils ne sont plus tyrannisés par le style, ce sont de vraies individualités individualistes : l’individualité consiste désormais à piquer à droite et à gauche divers éléments pour “produire” quelque chose. Mais la même chose vaut plus concrètement pour l’individu de tous les jours : il vit en faisant des collages, son individualité est un patchwork de collages.

Shoppers reach for television sets as they compete to purchase retail items on Black Friday at a store in Sao Paulo

Black Friday à Sao Polo au Brésil, le 24 novembre 2016. REUTERS/Nacho Doce

M@teo21 : Vous êtes favorable à l’écologie, mais vous pensez quoi de la science du coup ?

Tout a été déjà dit. Tout est toujours à redire. Ce fait massif, à lui seul, pourrait conduire à désespérer. L’humanité semblerait sourde ; elle l’est, pour l’essentiel. C’est de cela qu’il s’agit avant tout, dans toute discussion portant sur les questions politiques fondamentales. Telle est, pour l’humanité moderne, la question des rapports entre son savoir et son pouvoir – plus exactement : entre la puissance constamment croissante de la techno-science et l’impouvoir manifeste des collectivités humaines contemporaines. Le mot de rapport est déjà mauvais. Il n’y a pas de rapport. Il y a un pouvoir – qui est impouvoir quant à l’essentiel – de la techno-science contemporaine, pouvoir anonyme à tous égards, irresponsable et incontrôlable (car inassignable) et, pour l’instant (un très long instant en vérité), une passivité complète des humains (y compris des scientifiques et des techniciens eux-mêmes considérés comme citoyens). Passivité complète et même complaisante devant un cours des événements dont ils veulent croire encore qu’il leur est bénéfique, sans être plus tout à fait persuadés qu’il le leur sera à la longue.

« Considéré dans sa totalité, le rôle de la science est loin d’être univoquement positif. »

La science est et devrait être, contrairement à ce qui s’est passé depuis Hegel, objet de passion pour le philosophe. Non pas comme ensemble de certitudes mais comme puits interminable d’énigmes, mélange inextricable de lumière et d’obscurité, témoignage d’une incompréhensible rencontre toujours assurée et toujours fugitive entre nos créations imaginaires et ce qui est. Aussi, comme affirmation éclatante de notre autonomie, du rejet des croyances simplement héritées et instituées, de notre capacité à tisser constamment le nouveau dans une tradition, à nous transformer en nous appuyant sur nos transformations passées.

Mais nous devons distinguer la portée philosophique et les virtualités pratiques abstraites de la science de sa réalité sociale-historique, du rôle effectif qu’elle joue dans le monde contemporain et dans son immense dérive. Considéré dans sa totalité, ce rôle est loin d’être univoquement positif. La destruction de l’environnement aux conséquences incalculables et largement inconnues, a peut-être commencé déjà avec la fin du Néolithique (début de l’élimination de diverses espèces vivantes, déboisement). Elle a pris des dimensions quantitativement autres depuis non pas tellement la révolution industrielle, mais la révolution scientifique de l’industrie, à savoir, comme disait Marx, « l’application consciente (!) à de la science à l’industrie ». En somme, depuis que nous ne vivons plus avec une technologie “naïve” (!), mais avec une technologie scientifique. Que pèseront les conforts, pour ceux qui en jouissent, de la vie moderne devant une éventuelle fonte des calottes glaciaires ? Et combien de centimes vaudront toutes les conquêtes de la médecine moderne si une troisième guerre mondiale explosait ?

Ces comptes ne peuvent pas être faits, dans aucun domaine – le plus et le moins s’enchevêtrent inextricablement. Ils peuvent encore moins être faits pour tous les domaines à la fois – à moins que la réalité ne les fasse un jour pour nous. Pour faire des comptes, il faudrait avoir des éléments séparables, qui n’existent pas ici. La fallace de la séparation : “gardons la médecine moderne et rejetons (les conséquences militaires de) la physique nucléaire” contient un illogisme identique à celui des jeunes écologistes qui fuient l’industrie en fondant des communautés rurales – au sein desquelles ils ne peuvent pas se passer des produits de l’industrie. La médecine moderne et la physique nucléaire (théorique et appliquée) ne sont pas des plants différents, mais deux branches du même arbre pour ne pas dire deux substances contenues dans le même fruit. L’existence et le développement de l’une comme de l’autre présupposent le même type anthropologique, les mêmes attitudes à l’égard du monde et de l’existence humaine, les mêmes modes de pensée, de technicité et d’instrumentation.

Tout cela ne signifie pas que la recherche scientifique est “mauvaise” en soi, loin de là, ni qu’il faille l’arrêter (de toute façon on ne le pourrait pas et on ne le devrait pas).

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VousConnaissezAsselineau5879463 : Vous soutenez quel parti ?

Je n’en soutiens aucun, VousConnaissezAsselineau5879463. Les partis politiques sont un frein au développement de mouvements de création sociale. Cette conception de la politique – bureaucratique, réduite à l’affrontement des partis pour s’emparer de la direction de l’État – est nécessairement incorporée dans ce que sont les partis : des organisations bureaucratiques, qui prétendent (en fonction d’une idéologie plus ou moins bancale) avoir trouvé le point archimédien pour la transformation de la société ; à savoir, il faut s’emparer de l’appareil d’État, et tout le reste va suivre. C’est ce qui explique l’aveuglement des partis devant ce qui était en train de se passer avec les nouveaux mouvements, et le fait que ces organisations d’“avant-garde” sont apparues comme des arrière-gardes traînant lamentablement loin derrière les événements. Les géniaux leaders politiques et les illustres théoriciens ont découvert avec un décalage qui de cinq ans, qui de dix ans, qui de vingt ans l’autogestion – nous en parlions, nous, depuis 1947 –, la vie quotidienne – nous en parlions depuis 1955 –, les femmes et les jeunes – nous en parlions depuis 1960 –, etc. Je lisais il y a quelques jours dans Le Monde que M. Séguy a déclaré très sérieusement à je ne sais plus quelle réunion de la CGT que le problème des conditions de travail était nouveau et important, mais difficile, et qu’il fallait l’étudier plus à fond avant de s’engager là-dessus. Sans blague ! Ce “chef” ouvrier et sa confédération découvrent en 1979, le “nouveau” problème des conditions de travail – problème sur lequel les ouvriers se battent depuis qu’il y a des usines capitalistes, soit pratiquement depuis deux siècles.

« Révolution ne signifie ni guerre civile ni effusion de sang. »

Par rapport à ces mouvements, les partis “de gauche” adoptent deux attitudes, qui du reste ne s’excluent nullement l’une l’autre. La première – qui correspond à la réalité de ces partis – consiste à dire : il nous faut le gouvernement, les nationalisations, etc., et le reste suivra. La deuxième consiste en la transformation des nouvelles revendications en plumes décoratives, en simples cosmétiques, par une série de concessions démagogiques verbales. Les femmes revendiquent ? Eh bien, qu’à cela ne tienne, on décrète que 30 % des postes des instances dirigeantes seront occupés par des femmes – comme si cela résolvait quoi que ce soit. De même : les gens entreprennent des activités pour changer leurs conditions de vie ? Eh bien, on va baptiser cela “expérimentation sociale” et le déclarer “intéressant”. “Expérimentation” par rapport à quoi ? Par rapport aux vérités “assurées”, inscrites dans les “programmes” des partis. Tels qu’ils existent les partis “de gauche” sont des organisations qui, indépendamment des intentions et des idées des individus qui les composent, sont destinées à diriger, à gérer de l’extérieur et par en haut.

derp_derp_derp : Révolution révolution… Mais la révolution, c’est aussi les morts, le goulag et Staline !!

On se calme tout de suite derp_derp_derp. Révolution ne signifie ni guerre civile ni effusion de sang. La révolution est un changement de certaines institutions centrales de la société par l’activité de la société elle-même : l’autotransformation explicité de la société, condensée dans un temps bref. Si le roi d’Angleterre avait été mieux conseillé, la Révolution américaine n’aurait comporté aucune dimension militaire ou violente ; elle n’en aurait pas moins été une révolution. La “révolution” de Clisthène à Athènes – dont nous sommes toujours, en un sens, les héritiers – n’a pas été violente. La révolution de Février 1917 en Russie n’a guère été violente : le deuxième ou le troisième jour, les régiments du tsar ont refusé de tirer sur la foule, et l’ancien régime s’est effondré.

Sources : La montée de l’insignifianceLe monde morceléUne société à la dérive.

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2 réponses »

  1. …Très bel article empli de bon sens…Et exprimé sous un certain angle…A 360° serait-ce la simplicité dans l’humanité?…

  2. Merci au comptoir pour cette série sur Castoriadis, grand penseur s’il en est.

    La où je ne suis pas d’accord avec notre ami cornelius c’est sur la faisabilité d’une révolution, la probabilité étant selon moi très proche de zéro avec l’adoucissement des moeurs et le vieillissement de la population entre autres. L’option électorale est la seule voie dans cette optique.

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