Politique

Pierre Thiesset : « La gauche reste cramponnée à ses vieilles lunes productivistes »

Journaliste à “La Décroissance”, Pierre Thiesset a également cofondé les éditions Le Pas de côté, qui viennent de publier avec L’échappéeLe Progrès m’a tuer. Leur écologie et la nôtre.” Cet ouvrage collectif regroupe les textes d’une quarantaine d’auteurs, dont Aurélien Bernier, Marie-Jo Bonnet, Jean-Claude Michéa, François Jarrige, Cédric Biagini, Dany-Robert Dufour, Agnès Sinaï, Vincent Cheynet, Serge Latouche et Mohammed Taleb. Nous avons souhaité nous entretenir avec Pierre Thiesset pour en savoir plus sur ce recueil, mais également sur la critique du Progrès qu’il porte, ainsi que sur la décroissance comme projet politique. Compte-tenu de la densité de ses réponses, nous avons décidé de publier cet entretien en deux parties. Cette première partie est dédiée à la réalisation du livre et au Progrès, alors que la seconde portera plus exclusivement sur la décroissance.

Le Comptoir : Votre maison d’édition vient de publier avec L’échappée Le Progrès m’a tuer, recueil de textes coordonné par le journal La Décroissance, qui réunit une quarantaine d’auteurs. Pouvez-vous expliquer la genèse du projet ?

pierre_thiessetPierre Thiesset : La Décroissance organisait un contre-sommet sur le climat le 14 novembre dernier à Vénissieux où des intervenants devaient se succéder à la tribune pour démonter l’imposture de la COP21, la Conférence de Paris sur le climat. Notre événement a malheureusement été annulé, quelques heures après les attentats de Paris. Nous avons alors décidé de publier les interventions prévues dans un ouvrage, qui comporte aussi plusieurs articles parus dans notre journal (notamment le n° 121 de cet été, déjà intitulé « Le Progrès m’a tuer »). La quarantaine d’auteurs réunis, parmi lesquels se trouvent des références internationales de la critique du développement, sont des penseurs qui comptent beaucoup pour nous. Avec ces grandes voix qui réaffirment l’impératif de la décroissance, cet ouvrage est une prise de position importante pour notre mouvement d’idées.

Nous avons voulu ce livre comme un livre de combat contre le capitalisme vert. Car il est temps d’en finir avec l’idéologie du développement durable : croire que grâce à l’innovation technologique, nous pourrons poursuivre indéfiniment l’essor de la civilisation industrielle tout en réduisant notre empreinte écologique, c’est une complète mystification. Nous avons assez de recul pour l’affirmer : la croissance verte promise depuis plus de quarante ans n’a jamais eu lieu. Il n’y a pas eu de découplage entre expansion économique et destruction de l’environnement. Au contraire, nous sommes en plein emballement : le développement est insoutenable, toujours plus prédateur, il se nourrit d’une quantité croissante d’énergie, de matières, d’espace, de ressources, engendre toujours plus de déchets, de pollution, d’exploitation, de destruction.

« L’écologie que porte la décroissance est conflictuelle et radicale, puisqu’elle appelle à remonter aux racines du problème, qu’elle pointe la responsabilité du mode de production capitaliste. »

Dans la perspective du capitalisme vert, la crise écologique est considérée non pas comme une contrainte mais avant tout comme une aubaine, une opportunité pour déployer de nouvelles infrastructures, de nouvelles technologies, de nouveaux marchés… Alors que l’écologie que porte la décroissance est conflictuelle et radicale, puisqu’elle appelle à remonter aux racines du problème, qu’elle pointe la responsabilité du mode de production capitaliste, qu’elle veut mettre un terme à la fuite en avant de la civilisation industrielle. Elle n’attend pas que des savants assistés par ordinateurs nous sauvent, elle ne croit pas que le salut viendra de quelques éoliennes, de “l’internet des objets” ou d’un grand plan d’isolation des bâtiments, mais elle met en cause l’économie, la puissance technologique, l’organisation de nos sociétés, leurs finalités, jusqu’à nos propres valeurs et modes de vie. Un tel projet de rupture, c’est ce qu’a toujours revendiqué l’écologie politique, du moins quand elle n’était pas phagocytée par Cécile Duflot et consorts.

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Vous avez déjà travaillé avec L’échappée, il y a deux ans pour la parution de Vivre la simplicité volontaire, ouvrage déjà coordonné par le journal La Décroissance. Cédric Biagini, cofondateur des éditions L’échappée, collabore dans La Décroissance et a été interviewé par le journal. Quelle proximité existe-t-il entre vos deux maisons d’édition ? En quoi vos deux lignes divergent-elles ?

Cédric Biagini est chroniqueur à La Décroissance, et j’y suis journaliste. J’ai l’honneur de travailler avec lui, et avec les autres contributeurs du journal qui ont tellement compté dans mon parcours, depuis environ quatre ans. Avant cela, j’avais eu l’occasion de le rencontrer pour lui demander des conseils afin de lancer ma propre maison d’édition, Le Pas de côté. Il existe donc une proximité assez forte entre nous, de par nos liens de travail et d’amitié. Au-delà, Cédric Biagini est aussi un exemple pour moi, une des personnes qui m’ont beaucoup influencé dans mon cheminement vers la décroissance. Les textes qu’il a écrits, notamment dans La Décroissance et Offensive, ainsi que les livres qu’il a publiés à L’échappée, ont eu un grand impact sur mon évolution intellectuelle et politique, sur l’orientation de ma pensée. C’est sans doute l’une des maisons d’édition, avec L’Encyclopédie des Nuisances, dont les publications m’ont le plus nourri.

LaDecroissance60pourAnnePour faire court : quand j’ai commencé à m’engager politiquement, au lycée, j’étais plutôt dans l’altermondialisme mou. C’est en découvrant le journal La Décroissance, fondé par Vincent Cheynet et Bruno Clémentin, que je me suis plongé dans la critique de la société industrielle et que je me suis mis à dévorer des auteurs dont la pensée me semblait bien plus percutante. Elle ne se contentait pas de revendiquer une « taxation des transactions pour l’aide aux citoyens » – le cheval de bataille de l’association où je me situais alors –, elle était bien plus radicale et remettait en cause le système capitaliste dans ses fondements, et dans toutes ses dimensions, en parlant à la fois de notre aliénation culturelle, de notre dépendance aux méga-réseaux techniques, de notre asservissement à la marchandise… Ce n’était pas un simple discours écologiste classique qui s’interroge sur les moyens de réduire notre impact sur l’environnement. C’était une réflexion profonde sur le sens de l’existence, sur notre condition mutilée de producteurs-consommateurs au service du PIB. Pour moi, c’était une vraie bouffée d’air.

L’échappée est donc un modèle pour Le Pas de côté. Mais nos lignes éditoriales divergent tout de même. Quand j’ai créé cette maison d’édition avec mon ami Quentin Thomasset, nous avions l’objectif de publier avant tout des textes “classiques” de la décroissance. C’est pourquoi notre catalogue fait la part belle à de glorieux anciens du XIXe siècle et du début XXe, qui contestaient l’industrialisation, l’esclavage en usines, la destruction de la paysannerie, comme Léon Tolstoï ou John Ruskin ; des anciens textes de critique du machinisme, comme une anthologie sur les méfaits de l’automobile ou des traductions de Samuel Butler et E.M. Forster ; des livres plus actuels de Bernard Charbonneau… Le Pas de côté se concentre surtout sur ces traductions et éditions d’auteurs pour la plupart décédés, les livres d’auteurs actuels sont minoritaires dans notre catalogue (Décroissance ou décadence de Vincent Cheynet, Sortir de l’économie, et les deux titres co-édités avec L’échappée, Vivre la simplicité volontaire et Le Progrès m’a tuer). Ce n’est pas le cas de L’échappée, qui publie des livres de critique à la fois radicale et plus contemporaine.

Pas de coté

La critique du Progrès est généralement associée au conservatisme et à la réaction, ainsi qu’à des auteurs comme Louis de Bonald, Joseph de Maistre, Charles Baudelaire ou Edmund Burke. Qu’est-ce qui distingue votre anti-progressisme d’un anti-progressisme de droite ?

Je trouve votre question un brin retorse. Si vous lisez La Décroissance, vous savez très bien que les auteurs que vous citez, de Bonald, de Maistre ou Burke, ne sont pas du tout nos références. Notre critique du Progrès s’appuie sur des maîtres comme Bernard Charbonneau, Jacques Ellul, Lewis Mumford, Ivan Illich, Günther Anders, etc. Notre numéro 111, « Géants d’hier néant d’aujourd’hui », qui présentait une trentaine de penseurs phares pour nous, ne parlait pas des réactionnaires que vous mentionnez. Nous n’avons rien à voir avec des auteurs contre-révolutionnaires qui estiment que la civilisation sombre dans la décadence depuis les Lumières et qu’il faudrait revenir à l’Ancien Régime. Nous n’avons rien à voir avec les franges qui se revendiquent « d’une certaine Action française ». Tout notre travail consiste au contraire à diffuser une critique du Progrès sans tomber dans la réaction.

« La réaction, elle est aujourd’hui du côté des gouvernements qui cherchent à fragiliser les salariés, qui attaquent le code du travail et la sécurité sociale, qui accélèrent l’offensive libérale. »

Nous nous situons dans la filiation d’auteurs qui ont défendu une sorte de « socialisme sans le Progrès », pour reprendre le titre d’un ouvrage paru aux éditions La Lenteur, dans lequel l’auteur Dwight MacDonald critique à la fois le capitalisme et le marxisme obsédé par le développement des forces productives, cette « conviction que les avancées de la science et la maîtrise croissante des humains sur la nature qui en résulte seraient l’aboutissement de la marche historique vers le Progrès ». MacDonald revendique la radicalité contre le culte du Progrès. Et pour lui, la racine, c’est l’homme : une société doit être centrée sur l’humain, et non pas vouée à accroître sans fin la production et à étendre le commerce. Car comme le dit John Ruskin, « il n’y a de richesse que la vie ». Plutôt que de nous soumettre aux machines et au marché, nous devrions viser « le flux immatériel toujours mystérieux de la joie de vivre », pour reprendre l’expression de Nicholas Georgescu-Roegen qui a inspiré le sous-titre du journal La Décroissance.

Le philosophe Ivan Illich dans les années 70Notre “anti-progressisme” met donc en cause l’ordre économique et le système technicien. Il vise à repenser les rapports sociaux, réévaluer les besoins, transformer notre mode de production, notre organisation politique, pour faire naître des sociétés qui ne seraient plus structurées autour de l’impératif d’expansion illimitée. Des sociétés plus simples, frugales, autonomes, égalitaires, des sociétés conviviales disait Ivan Illich, où les hommes dominent leurs outils, où l’économie est encastrée dans les relations sociales. Des sociétés qui refusent la démesure, qui se libèrent de l’aliénation marchande et du règne des experts, où les travailleurs produisent pour répondre aux nécessités et non pour alimenter les profits, dans l’entraide et l’autolimitation. Bref, des sociétés où nous reprenons collectivement la maîtrise de nos conditions d’existence. Vous jugez cela réactionnaire ? La réaction, elle est aujourd’hui du côté des gouvernements qui cherchent à fragiliser les salariés, qui attaquent le code du travail et la sécurité sociale, qui accélèrent l’offensive libérale. Elle est du côté de tous ces idolâtres des nouvelles technologies qui nous racontent que nous n’avons pas le choix que de nous adapter à l’innovation, au mouvement dicté par la Silicon Valley, que “l’ubérisation” de nos sociétés est inéluctable, qu’il faudra nous plier davantage à la robotisation et à la précarité. Elle est du côté des partisans du « on n’arrête pas le progrès », du « laissez-faire », « adaptez-vous à l’évolution dictée par les ingénieurs ».

« Je dirais même que la critique du Progrès a été très loin d’être minoritaire à travers l’histoire. La base de la décroissance, nous la retrouvons dans toutes les philosophies antiques, les sagesses ancestrales, les religions. »

Il faut en finir avec le lieu commun “critique du progrès = réaction”. La critique du Progrès n’a pas du tout été l’apanage de monarchistes ces deux derniers siècles. Des réfractaires ont toujours contesté la mécanisation et ont toujours cherché à préserver des modes d’existence qui résistaient au déploiement de l’industrie. L’automobile par exemple s’est heurtée à une forte opposition populaire à la COUV ptogrès.indd“Belle Époque”, de larges parties de la population se sont soulevées contre « cet instrument de progrès à tout écraser » (je vous renvoie à l’anthologie Écraseurs ! Les méfaits de l’automobile). Des figures du socialisme et de l’anarchisme, mais aussi de simples artisans et paysans – qui ont été largement méprisés comme des culs-terreux archaïques –, se sont élevés avec force contre le culte du Progrès, cette idéologie bourgeoise par excellence. Tenez, un exemple : qui a dit « Le dieu Progrès conduit les peuples à civilisation capitaliste, à la dégénérescence physique et à la dégradation morale » ? Un odieux passéiste qui voudrait retourner à l’âge des cavernes ? Non, Paul Lafargue, socialiste, gendre de Karl Marx.

Je dirais même que la critique du Progrès a été très loin d’être minoritaire à travers l’histoire. La base de la décroissance, nous la retrouvons dans toutes les philosophies antiques, les sagesses ancestrales, les religions. Toutes appelaient à la tempérance et condamnaient la démesure. La sobriété, la solidarité, la recherche d’équilibre étaient célébrées comme des vertus essentielles, alors que  l’enrichissement était réprouvé. Ce n’est que depuis peu que l’évangile mercantile a fait exploser ce cadre moral et a transformé nos conceptions du bien et du mal, allant jusqu’à valoriser l’avidité et à qualifier de “réactionnaires” ceux qui appellent à l’autolimitation… Mais ces dévots qui nous font croire que le développement de la production, de la consommation, de la puissance technique nous conduira au paradis terrestre, ne forment qu’une minorité de fanatiques à l’échelle de l’histoire humaine.

En 1934, Simone Weil écrivait déjà dans ses Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale : « Le progrès technique semble avoir fait faillite, puisque au lieu du bien-être il n’a apporté aux masses que la misère physique et morale […]. Quant au progrès scientifique, on voit mal à quoi il peut être utile d’empiler encore des connaissances sur un amas déjà bien trop vaste ». Pourquoi, 80 ans plus tard, l’aveuglement perdure-t-il encore ? Après la philosophe, de nombreux penseurs socialistes comme Dwight Macdonald, Jacques Ellul, Cornelius Castoriadis ou Jaime Semprun se sont efforcés de remettre en question radicalement la technique, le Progrès et la modernité. Pourtant, La Décroissance et L’échappée semblent aujourd’hui bien seuls à le faire à gauche. Comment l’expliquez-vous ?

French Historian Jacques Ellul TalkingJe suis d’accord avec vous pour dire que la critique de la technique est quasiment inaudible à gauche. Mais je pense que cela n’est pas nouveau et que c’était déjà largement le cas à l’époque de Jacques Ellul ou de Simone Weil. Nous pourrions remonter aux écrits de Dieu-le-Père, Karl Marx, qui fustigeait les luddites, briseurs de machines. Nous pourrions citer à tire-larigot Engels, Lénine, Trotski, et tous les rouges qui nous racontaient que mécaniquement, du fait du développement des forces productives, le capitalisme pavait la voie au triomphe du socialisme. Nous pourrions parler de Marchais et de la CGT qui, dans les années 1970, ont fait partie des plus hargneux opposants (avec le CNPF…) à toute remise en cause de la croissance économique. Mais retracer les positions productivistes de la gauche depuis le XIXe siècle risque de nous entraîner dans des développements trop longs…

Ce qui est surprenant aujourd’hui, c’est de voir que la gauche est largement restée cramponnée à ses vieilles lunes productivistes, comme aveuglée, incapable d’autocritique. Il suffit de se pencher sur les discours de Mélenchon, le fer de lance de “la gauche”, pour voir qu’il a une foi complètement délirante dans la technique : il est fasciné par l’immortalité promise par les transhumanistes, il pense que les ingénieurs seront capables d’inventer des voitures à dépolluer l’air, il veut planifier un grand plan d’industrialisation des océans… On est effectivement très loin de la décroissance. Vous avez même des “intellectuels de gauche” qui dernièrement ont appelé à “l’accélérationnisme” : pour sortir du capitalisme, il faudrait selon eux intensifier le capitalisme, accélérer le déferlement technologique… Ces universitaires n’ont visiblement retenu aucune leçon de ces cent cinquante dernières années.

Mais au-delà de la gauche, il faut bien comprendre que la religion du Progrès est universelle, qu’elle est partagée du Front national jusqu’à Lutte ouvrière. La totalité de la représentation politique chante les louanges de “l’innovation”, même les syndicats (CGT, FO, CFDT, etc.) appellent à investir toujours davantage dans la recherche et le développement. La critique de la technique est complètement absente du débat politique. Même les Verts, enfin les débris qui en restent, nous racontent que pour répondre au “défi” climatique, nous devrons investir dans un “green new deal”, que nous avons besoin d’une troisième révolution industrielle qui s’appuierait sur de nouvelles technologies, de nouvelles infrastructures, toujours plus de numérique[i]. L’écologie ne doit pas freiner la société industrielle, au contraire elle permettra de relancer l’activité et de créer des centaines de milliers d’emplois.

Pour en revenir à votre question, « comment expliquer cet aveuglement », Jacques Ellul nous donne peut-être des éléments de réponse : il écrivait déjà en 1962 qu’un programme politique qui mettrait en doute le Progrès ou le travail, « qui présenterait l’avenir de l’homme sous l’aspect d’une austérité et d’une contemplation », scandaliserait et n’aurait aucune audience. Les partis, qui convoitent les suffrages des électeurs, savent qu’il est plus “rentable” de promettre le plein emploi, la relance éternelle, du pouvoir d’achat en veux-tu en voilà, des lendemains qui chantent sous les cieux radieux de la croissance, que de dire : « accrochez vos ceintures, l’atterrissage commence, nous allons devoir renoncer à l’hyper-mobilité, désindustrialiser, couper les moteurs, nous désintoxiquer du consumérisme et du productivisme. » Il ne faut pas se leurrer, ce discours-là, il n’est pas populaire. La tentative du communiste italien Enrico Berlinguer l’illustre bien : à la fin des années 1970, il prônait une “austérité révolutionnaire” qui était proche de la décroissance. Berlinguer voulait mettre fin à la société de consommation, réduire la place de l’automobile, insistait sur la nécessité de revoir les modes de vie, de diminuer les besoins, de lutter contre le gaspillage, de réorganiser la production… Bref, de quoi faire désespérer Fiat ou Billancourt. Cette austérité révolutionnaire avait beau être égalitaire et viser l’abolition des privilèges, elle a été rejetée par la plupart des partisans de la “lutte des classes”, qui ont refusé une telle remise en cause du supermarché, de la bagnole, de l’expansion.

Nos Desserts :

Notes :

[i] Un exemple parmi d’autres : Pascal Canfin et Peter Staime dans leur livre Climat. 30 questions pour comprendre la conférence de Paris, Les Petits matins, 2015.

 

16 réponses »

  1. Lorsque Enrico Berlinguer promeut une austérité révolutionnaire en Italie, le PCI fait plus de 30% aux élections, et le taux de syndicalisation tourne autour de 48%. Berlinguer dispose donc de relais et de puissants leviers d’action. Sa promotion d’une certaine austérité ne risque à aucun moment d’apparaître pour ce qu’elle n’est pas: une tentative de diversion gauchisante, ou un clin d’oeil à la droite.

    Ne pas le rappeler, c’est faire parler Berlinguer et Ellul à quarante ans de distance, c’est leur attribuer un message essentialisé (et non plus une position politique située), et utiliser leurs propos en dehors de toute contextualisation réelle.
    Appuyer l’austérité avec le PCI quand le PCI est à 30%, ça fait sens et espoir. Mais appuyer l’austérité quarante ans plus tard, quand elle est le fer de lance des politiques les plus réactionnaires et les plus dures au faible…

    En outre, le titre de l’article est mensonger, car il existe bel et bien une critique du productivisme à gauche. Mais elle n’est pas assez « pure » pour l’équipe de rédaction de La Décroissance – qui ne s’inquiète par contre jamais de voir l’Opus Dei se rapprocher d’elle. C’est plus facile de tâcler Paul Ariès? Ou c’est par affinités?
    On est en meilleure compagnie avec Alliance Vita et Tugdual Derville?
    http://www.lavie.fr/actualite/ecologie/tugdual-derville-l-encyclique-nous-remet-tous-en-cause-18-06-2015-64378_8.php

    • Vous lirez la suite de l’interview, il y a une question sur l’austérité justement. Il existe une critique du productivisme à gauche, mais elle reste encore très minoritaire et est souvent faible (je pense à celle de Mélenchon, pour lequel j’éprouve une certaine sympathie).

      Quant à la réduction ad Opus Dei, elle me semble un peu trop facile et pas argumentée.

      • Ah bon? Lorsque Tugdual Derville, chef de file d’Alliance Vita et de LMPT, évoque dans un mensuel catho sa soudaine attirance pour la « décroissance », ce n’est pas un rapprochement politique qu’il est en train de préparer dans l’opinion?

        Confession publique? Besoin de s’épancher? Expression d’une foi ébranlée? Peut-être, après tout…Qui serait assez méchant pour imaginer qu’un responsable de mouvement politique, parfois, calcule?

      • Qu’un intégriste catho parle de décroissance, ne signifie aucun rapprochement avec les décroissants de gauche (pour ça, il faudrait une quelconque réciprocité). On est donc en plein maraboutdeficellisme. Pour le reste Thiesset répond bien à toute accusation de proximité avec l’extrême droite réactionnaire.

      • « Maraboutdeficellisme »? On en reparlera quand Tugdual Derville sera désigné comme l' »écotartufe du mois » après cette prise de position en faveur de la décroissance. Que la droite ultralibérale façon Opus Dei se réclame de l’écologie, cela mériterait sans doute quelques articles…Je n’y crois pas trop…mais faites-moi signe si quelque chose se passe!

  2. La faiblesse intellectuelle, qui se meut chaque jour davantage en faiblesse stratégique, de la gauche, s’explique non seulement par sa fascination pour le Progrès qu’elle vénère, mais aussi, par ce syndrome paranoïaque qui l’a contaminé durant le XXème siècle, et qui lui fait crier au fascisme, ou ici à l’Opus Dei, dès qu’une idée sort de sa grille de lecture progressiste.
    D’un côté cette gauche progressiste défend le même idéal de vie assistée par les machines et la science que les industriels, de l’autre elle condamne ceux qui disent stop au développement, comme par exemple, ceux qui votent contre l’Union européenne et à sa défense aveugle des multinationales. Elle s’octroie le pouvoir de séparer les purs des impurs, les fascistes des anti-fascistes, et ce non pas à l’aide d’arguments rationnels et d’analyses, mais avec des présomptions vagues, des conjonctures infondées comme « salve » en délivre une bonne pelletée dans ces, excusez-moi, pitoyables commentaires.
    Quand on la voit opérer, on comprend que cette gauche-là est l’alliée objective des classes dominantes, quand elle n’en fait pas directement partie.

    Pierre Thiesset répond pourtant, dans cette interview comme ailleurs, point par point à toutes les accusations d’extrême droitisme qui affligent la Décroissance depuis des années et que les progressistes qui ne veulent pas l’entendre, lui jette pour la bannir du cercle fermé des purs.
    Il n’y a pas pire aveugle que celui qui refuse de voir.

    • On dit pas des « conjonctures », mais des conjectures, et c’est un mode de connaissance tout à fait fondé pour comprendre ce qui se passe derrière la vitrine des beaux idéaux de jeunesse, de santé et de fraîcheur affichés en devanture d’une mouvance idéologique nouvelle. Quand cette mouvance se revendique tout à la fois de LaoTseu, de Georges Bernanos et de Natacha Polony, il convient, quoi que vous en pensiez, d’interroger cet ésotérisme en construction,et encore plus lorsqu’il prétend s’approprier les penseurs et les lutteurs du socialisme pour les fourvoyer dans un apolitisme sentimental et fourre-tout.

      L’Opus Dei n’est pas qu’un accessoire pour roman policier, c’est surtout une force politique considérable. A partir du moment où elle s’intéresse à l’écologie, il faut être bien rempli de hauteur et de morgue pour s’imaginer que la décroissance n’est pas concernée, qu’elle est bien au-dessus de ça. Comme si un combat idéologique et culturel ne passait pas par l’appropriation réussie des signifiants de l’adversaire! Comme si le journal « La Décroissance » disposait de la force de frappe idéologique de l’Oeuvre!

      Ouvrons les yeux, que voyons-nous? Tugdual Derville s’approchant à pas de loup du vocable « décroissance ». Montrons-le aux concernés. Comment répondent-ils? Par des « arguments rationnels et des analyses », bien sûr!
      Ils répondent ceci: vous souffrez manifestement de « fascination pour le progrès » (que vous vénérez), de « syndrome paranoïaque » (qui vous fait crier), et d' »incapacité à sortir de votre grille de lecture ». Vous me semblez, en outre, un allié objectif des industriels, un défenseur aveugle des multinationales, un commentateur pitoyable, un allié objectif des classes dominantes, un membre du cercle fermé des purs, et un aveugle volontaire.

      C’est tout?

      • J’ai lu la rubrique consacrée à Tugdual Derville dans le dernier numéro de « La Décroissance ». Le problème, c’est que l’auteur de cette rubrique s’appuie sur des propos de Derville datant de 2014, et passe donc complètement à côté du fait que le chef d’Alliance Vita n’a changé son fusil d’épaule qu’après l’encyclique Laudato Si, en 2015. Ce n’est que depuis cette encyclique qu’il prend l’air amoureux en entendant le mot « décroissance ». Certes, Derville n’est pas encore allé jusqu’à chanter les louanges de mai 68. Mais la question d’une récupération de l’écologie radicale par l’extrême-droite catholique reste entière. Dommage…

        Cela dit, l’article déploie presque moins d’énergie sur le cas de Derville que sur le mien, « troll haineux et anonyme » qui aurais sûrement écrit des lettres de dénonciation à la préfecture si j’avais vécu l’Occupation…On est vraiment dans le grand n’importe quoi. D’ailleurs, mes plaisirs d’internaute sont beaucoup plus simples. Ainsi, imaginer qu’au « journal de la joie de vivre », on puisse passer l’été à ruminer des insultes si disproportionnées et si pleines de ressentiment, cela suffit à me faire rire. Des joies aussi simples, si ça c’est pas de la sobriété heureuse!

  3. La Décroissance proche de l’Opus Dei et de Tugdual Derville ? Haha, poursuivez votre salve de commentaires chez Salve, vous êtes très drôle !

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