Daoud Riffi est historien, professeur d’histoire et cofondateur des éditions Tasnîm. Il est chercheur spécialisé en histoire du monde arabe contemporain, en particulier des courants wahhabites et salafistes. Il revient pour nous sur les distinctions entre les différents courants politico-religieux modernes dans le monde musulman et leurs liens supposés avec la violence.
Le Comptoir : Les dernières attaques terroristes en France ont relancé le débat intellectuel sur les causes et les solutions à la menace terroriste. Six ans après les attaques contre Charlie Hebdo, les réponses ne semblent pas avoir évoluées. Quelle est la raison de ce blocage ?
Daoud Riffi : Ces attentats ont relancé des débats que les « Printemps arabes » semblaient avoir laissé en suspens. Le défi terroriste, sa violence concrète mais aussi symbolique, ont replongé la France dans une crispation surmédiatisée autour de l’Islam et des thèmes négatifs qu’on lui accole. Quatre types de facteurs, imbriqués, l’expliquent.
D’abord l’urgence sécuritaire, avec un effet de sidération, suivie de six années de crises politiques intérieures et de menaces terroristes, le tout mêlé à l’arrivée de réfugiés : climat propice à l’hystérisation et la récupération politique plutôt qu’à la réflexion. Ensuite – et c’est lié – nous subissons les conséquences d’une recherche française sur le monde arabe sinon moribonde, du moins indigne d’une ancienne puissance coloniale : peu d’experts sont disponibles pour répondre aux besoins de clarification dans les médias et chez les décideurs. Le troisième facteur est propre à la France : l’intense sécularisation de la société, fruit d’une histoire conflictuelle et « compliquée » avec l’Église, a abouti à un « analphabétisme religieux » (selon Régis Debray). En somme, on ne comprend plus ce qu’est une religion, ses manifestations et principes, surtout quand elle est associée à l’histoire coloniale et au fanatisme. Religiosité se confond alors avec extrémisme, esprit normatif et ritualiste avec crypto-terrorisme : un diagnostic erroné qui identifie de faux ennemis.
Mais ces trois points culminent vers un quatrième : la grande complexité du phénomène, au carrefour de sciences, surtout si on prend en compte le large spectre que recouvre l’idée « d’islamisme ». En somme, on est confronté à un objet qui impose une approche multiscalaire et transdisciplinaire, ce qui est d’autant plus compliqué que, je l’ai dit, on peine déjà à avoir de vrais spécialistes pour certains domaines de recherches.
Le concept d’islamisme, à la fois équivoque et aux contours flous, semble cristalliser les débats en France tout en étant créant des quiproquos comme la séquence entre Emmanuel Macron et le Financial Times. Peut-on encore utiliser ce concept dans le débat intellectuel ?
On connaît l’histoire du mot, longtemps synonyme de « islam » – d’où la réponse du philosophe Roger Caratini à Chateaubriand, publiant Le Génie de l’islamisme en 1992. C’est Jean-François Clément (anthropologue et philosophe, spécialiste du Maroc) qui reprend le mot en 1980 pour traduire une nouvelle réalité qu’il observe dans le monde musulman : les haraka al-islamiyya, traduit par « groupes islamistes », ceux-ci voulant (re)mettre l’islam au centre des sociétés musulmanes et de la chose publique.
« Nouvelle réalité », car liée à une suite de ruptures. D’abord l’abolition du Califat (1924) et le morcellement de l’Empire ottoman entraînant dans leur sillage une innovation dans la pensée islamique. Emerge alors une notion inédite : al-Dawla al-islamiyya, « l’État islamique ». En effet, pour la première fois, la Oumma (la communauté des musulmans) n’a plus d’unité politico-religieuse traditionnelle, tiraillée entre États-nations aux frontières réduites et régions musulmanes sous coupe coloniale. Dès lors la question, inconnue des musulmans du passé, « qu’est-ce qu’un État islamique ? », se conjugue avec défis coloniaux et occidentalisation galopante. Cette soudaine politisation des masses est accentuée par le développement de l’imprimerie (et l’écroulement concomitant des élites traditionnelles), autour d’enjeux inédits où le référent religieux n’est plus seulement spirituel ou ritualiste mais socio-politique. Après les indépendances, l’autoritarisme des régimes arabes créera une nouvelle rupture, puisqu’on doit alors penser la défense de l’islam contre un pouvoir lui-même musulman : la violente répression des Frères Musulmans – alors entièrement pacifistes – par le président égyptien Nasser en est le symbole. De ces quatre réalités nouvelles – morcellement de la Oumma ; sa politisation ; défis de l’occidentalisation ; répression des régimes arabes – vont donc émerger de nouveaux enjeux, portées par des figures variées qui vont toutes, peu ou prou, s’appuyer sur des idées de courants religieux et intellectuels des XVIIIe et XIXe siècles, qu’on range dans la catégorie « salafisme ». Les « islamistes », ce sont eux.
« Le défi terroriste, sa violence concrète mais aussi symbolique, ont replongé la France dans une crispation surmédiatisée autour de l’Islam et des thèmes négatifs qu’on lui accole. »
Le but assumé de Jean-François Clément est donc de reprendre un mot tombé en désuétude – islamisme – pour traduire ce militantisme politique dont l’arrière-fond doctrinal est celui de la salafiyya. Tout le problème est qu’« islamisme » désigne désormais deux types distincts : le premier, pacifiste et légaliste – telle une « démocratie-islamique », pendant de la démocratie-chrétienne européenne – ; l’autre violent, révolutionnaire et/ou guerrier, dont l’héritage doctrinal majeur est celui du wahhabisme politisé post-répression nassérienne, inspiré en partie par Sayyid Qutb (exécuté en 1966). Plus grave : il est aussi utilisé pour des acteurs très différents, présents en France, tel le mouvement Tabligh, (missionnaire, apolitique et revivaliste, issu du soufisme indien, cible majeure du wahhabisme). On devine la terrible confusion puisqu’on mélange des acteurs/penseurs aux profils, perspectives, méthodes et objectifs très différents. Pour Olivier Roy ou François Burgat, « islamisme » désigne ainsi la première catégorie ; pour Gilles Kepel ou Bernard Rougier, cela regroupe tous les acteurs d’une « (ré)islamisation », politique, sociétale mais aussi individuelle et piétiste. Une notion, plusieurs définitions : c’est une terminologie inutilisable.
Vous mentionnez le débat entre les grands noms de l’islamologie en France. Bien qu’étant moins idéologue que Burgat et Kepel, Olivier Roy semble être plus en phase avec la réalité des terroristes modernes. Où en sommes-nous dans ce débat ?
Ces trois chercheurs, par publications/disciples interposés, s’affrontent dans une bataille intellectuelle qui n’est ni sans intérêt, ni sans virulence – l’historienne Leyla Dakhli en conclut que « l’islamologie est un sport de combat ». Mais, au-delà de leurs divergences idéologiques, ils s’opposent d’abord par leurs angles et champs d’observation, puis par leur prisme de lecture : les conclusions diffèrent ainsi. Mais relativisons leurs antagonismes.
Différences d’angles d’abord. Kepel appréhende le phénomène du point de vue islamologique, dans son ancrage théologique, étudiant la radicalisation via le prisme du discours salafo-djihadiste et son impact dans les « banlieues ». Ici le terrorisme est un islam radicalisé, l’islamisation & ses symptômes (le halal, la lutte contre l’islamophobie, etc.) à endiguer ; une posture proche du « choc des civilisations » donc, face aux « territoires conquis de l’islamisme », selon le mot de Rougier qui partage cette analyse. Le principal écueil ici étant le confusionnisme, déjà noté, qui met sur le même plan des pratiques et discours relevant en réalité de champs très différents : on ne peut confondre religiosité (même prenant des aspects très formalistes et normatifs) et extrémisme (dont le premier marqueur, chez les djihadistes, est d’abord la haine des musulmans eux-mêmes). Mais l’obsession, chez Kepel, de « l’islamisation » (notion éminemment anxiogène pour la vox populi) ne doit pas empêcher de relever avec lui ce fait indiscutable : la doctrine des « djihadistes » (même faiblement maîtrisée par ces derniers), leur univers sémantique et leurs orientations théologiques sont intimement liées au wahhabo-salafisme.
Le point de vue de Burgat est davantage géopolitique, inscrivant le « djihadisme » dans le sillage des luttes coloniales/postcoloniales, faisant du terrorisme une réponse du dominé à l’hégémonie occidentale et aux souffrances du monde musulman : il est donc largement affaire de ressentiments. Ici les torts sont partagés et toute solution excluant le soutien aux « pays du Sud » est un échec assuré.
Roy, enfin, a un angle davantage sociologique, avec une appréhension du religieux comme phénomène social et « pratique discursive », c’est-à-dire la façon dont les acteurs s’approprient le « dire et faire musulman ». Il inscrit le phénomène dans une vision plus large (avec des questions liées aux pratiques des musulmans : vote, insertion sociale) et volontiers comparatiste (il englobe les « fondamentalismes » chrétiens et juifs dans son analyse).
Différents prismes de lecture ensuite. Kepel et Burgat se rejoignent dans une commune prise au sérieux du discours djihadiste, lui conférant une consistance doctrinale : le premier l’inscrivant dans l’islam et le salafisme ; le second l’insérant dans une politisation et des luttes « Sud-Nord ». Roy, lui, insiste au contraire sur l’inconsistance de la radicalité, qui pourrait épouser d’autres idéologies selon d’autres contextes : le salafisme n’est qu’un prétexte, les revendications des terroristes des chimères en phase avec une époque (aujourd’hui « l’islamisme », hier le « gauchisme »).
« La doctrine des « djihadistes », leur univers sémantique et leurs orientations théologiques sont intimement liées au wahhabo-salafisme. »
Kepel insiste sur les permanences de la radicalisation perçue comme un continuum transgénérationnel. Il s’agit d’y voir un même phénomène depuis la politisation de l’islam au début du XXe siècle jusqu’à DAESH, avec des évolutions en fonction de ruptures historiques (époques coloniales, postcoloniales, Guerre froide, etc.) mais avec une permanence évolutive (islamisation, puis salafisation, puis djihadisme, qui correspond pour lui à la « troisième génération de l’islam de France »). Par ce prisme, il voit ainsi dans toute forme de revivalisme et de piétisme, même entièrement apolitique (comme le Tabligh), ou dans toute lutte contre l’islamophobie, même coupée du référentiel religieux (comme le CCIF) un danger séparatiste (pour lui l’islamophobie est une « invention » des Frères et un « mantra » victimaire). Une erreur contreproductive selon moi.
Roy lit au contraire des ruptures dans ces phénomènes. Il perçoit ainsi les discontinuités majeures du terrorisme 2.0 : des « radicalisés » aux profils socio/psychologiques inédits (convertis ; autoradicalisés instantanés, etc.), non passés par le sas de la salafisation, déconnectées des souffrances de la Oumma (notamment de la question palestinienne), aux modes d’action ne reposant sur aucune stratégie terroriste élémentaire, mais plutôt sur une violence de type nihiliste, avec fascination de sa propre mort et sa mise en scène (le « suicide by cop »). En somme, et c’est là une des subtilités de l’analyse de Roy, ces djihadistes ne sont pas une altérité inaccessible pour nous mais au contraire des produits de notre modernité sécularisée qui crée des individus (au sens individualiste) meurtris et déculturés, rejetant l’islam traditionnel et cherchant une violence disponible dans le projet djihadiste. Un profil similaire aux meurtriers de masse américains : l’héroïsme négatif. D’où la fameuse formule, qu’il reprend, de « l’islamisation de la radicalité », opposée à la vision kepelienne d’une radicalisation de l’islam. Le problème ici n’est pas le salafisme, mais la radicalité, qui peut prendre les formes de l’ultragauche dans les années 70, et de l’islam aujourd’hui : question d’époque et de génération. Le caractère islamique n’est qu’accidentel : violence, pulsion de mort et culte de soi constituent l’essence du terrorisme.
Cette grossière schématisation montre les pertinences et limites des trois lectures qui se complètent. La réalité du milieu carcéral des détenus « radicalisés » le confirme (voire les études à échelle européenne de Roy d’abord, de Hakim El Karoui et Benjamin Hodayé récemment) : une minorité d’idéologues conformes au schéma kepelien ; des « seconds couteaux » sommairement islamisés ; des psychopathes ; des convertis ; des petits délinquants passés du trafic au terrorisme en quelques semaines, etc. L’hétérogénéité interdit tout essentialisme, d’autant plus que les profils (leurs sociologies, leurs parcours) ne sont plus les mêmes en 2010 et en 2018 par exemple.
Les manifestations dans le monde musulman ont dévoilé une incompréhension de l’élite politique française vis-à-vis du référentiel islamique. N’est-il pas surprenant que le pays de Silvestre de Sacy, de Louis Massignon et de Rodinson en soit arrivé à là ?
C’est le problème structurel français : la faiblesse de la recherche en islamologie et en histoire du monde musulman. Concrètement, trop peu de chercheurs sur des questions fondamentales qui permettraient de nourrir des politiques publiques. Vous citez pertinemment des noms de l’orientalisme français : bien que longtemps inféodé à la stratégie coloniale, il a cependant produit un travail colossal, souvent de grande qualité, dans un champ disciplinaire large : anthropologie, islamologie, histoire… Les traductions orientalistes de classiques de l’islam sont nombreuses, et toute une part de la littérature islamique francophone n’est en réalité que la réédition de textes publiés à l’époque.
Et aujourd’hui ? Très peu de chaires d’islamologie en France, ou même simplement d’histoire du monde arabe. Ces disciplines sont le plus souvent abordées, bon an mal an, au sein de départements de langue arabe. Résultat : très peu de chercheurs habilités à diriger des recherches (de master ou doctorat) et donc à nourrir le débat. Pour un pays dont l’Islam est une actualité et un enjeu depuis près de deux siècles, c’est sidérant. Nous avons certes de grands spécialistes (comme en islam médiéval ou géopolitique du monde arabe) mais pas d’historien du salafisme par exemple, donc aucune grande synthèse de qualité sur le sujet, ce qui veut dire aucun recul historique et intellectuel sur cette doctrine. Conséquence : peu de chercheurs véritablement compétents sur ces axes, avec souvent peu de circulation des savoirs (chaque chercheur hyperspécialisé travaillant sur son pré carré), ce qui laisse une plus grande place, dans les médias comme les cabinets ministériels, à des « spécialistes » qui oscillent entre incompétence, idéologie et escroquerie, quand les trois types ne sont pas réunis dans la même personne. On a là les ressorts d’une gestion politique médiocre et d’une culture médiatique irrationnelle.
« Premiers voyageurs européens en Arabie et hommes de lettres verront dans le wahhabisme du XVIIIe siècle, puis le salafisme au XXe siècle, la « pureté mahométane », alliage de virilité bédouine et de monothéisme intransigeant. »
Vous soutenez une approche transdisciplinaire qui prenne en compte le phénomène terroriste djihadiste dans toute sa complexité. Quelle place doit-on réserver au discours salafiste en France ?
À phénomène complexe et multifactoriel, on doit répondre par une analyse du même type. Mais je rejoins ici Kepel : on ne comprend rien sans une connaissance solide du salafisme, cœur doctrinal du « djihadisme », et de l’islam classique auquel il s’oppose.

Mohammed ben Abdelwahhab dit Ibn Abdelwahhab (1703 – 1792) photographie réalisée à partir d’un portrait
Car il faut le rappeler : la révolution salafie se fait d’abord dans l’islam : depuis Ibn ‘Abd al-Wahhâb (XVIIIe siècle), jusqu’au salafisme révolutionnaire des années 60, c’est une contre-religion qui rejette le patrimoine pluriséculaire de l’islam – en théologie, droit et spiritualité – et combat les partisans de ce dernier, soit l’immense majorité des musulmans, via l’excommunication, colonne vertébrale du wahhabisme. C’est ce qui explique que les victimes soient avant tout musulmanes. Cela ne veut pas dire que tous les wahhabis sont des crypto-terroristes : c’est là l’enjeu d’une analyse fine. Car, dans l’histoire des idées, un autre paramètre que les doctrines vont jouer c’est leur réception. Pour différentes raisons, dont la « routinisation » théologique expliquée par l’historien Nabil Mouline, tout un pan problématique du wahhabisme a été comme anesthésié, et la plupart des partisans du wahhabisme ignore même cette réalité idéologique. C’est aux chercheurs, justement, à montrer les nuances.
Pour vous répondre : le panorama socioculturel des « radicalisés » incarcérés montrent que beaucoup ne maîtrisent pas même les fondamentaux de l’islam – un argument de poids dans la lecture de Roy – ce qui ne veut cependant pas dire que leur orientation, leur vocabulaire (spécifique au wahhabisme, notamment les mots-marqueurs de la rupture) et leurs références ne soient pas purement wahhabo-salafies. L’étude de la bibliographie religieuse en milieu carcéral par exemple, montre clairement la permanence doctrinale, même de façon superficielle, du salafisme dans le référentiel « djihadiste ».
Les orientalistes et les savants « salafs » peuvent parfois converger sur certains mythes comme les notions de « fermeture des portes de l’ijtihâd » et de déclin intellectuel dont vous montrez l’aspect de légendes. N’est-ce pas un paradoxe que deux courants antagonistes se retrouvent en accord sur un tel mythe ?
La convergence entre orientalisme et penseurs salafis autour d’une dépréciation de l’Islam classique et d’une fascination du salafisme a des causes historiques.
D’abord par les échanges et rencontres entre des orientalistes et ces penseurs : Afghani et son élève Abduh – deux penseurs réformistes – ont vécu à Paris fin XIXe siècle. Le disciple d’Abduh, Rachid Rida (1935), sans doute au cœur de l’hybridation entre réformisme et wahhabisme donnant naissance au salafisme, entretient lui aussi des relations avec des orientalistes. Ceux-ci avaliseront le « paradigme du déclin » théorisé par les réformistes – idée d’un long déclin intellectuel causé par l’islam classique, notamment ottoman – en partie car il entrait en coïncidence avec les préjugés coloniaux d’un Orient passif et endormi, mais aussi parce que les salafis usent mieux de l’imprimerie pour diffuser leurs idées que les clercs traditionnels. Convergence de point de vue donc, autour d’un ennemi commun au salafisme naissant et à la pensée coloniale : l’establishment islamique traditionnel et son patrimoine intellectuel.
À cela s’ajoute la « fascination wahhabite » : premiers voyageurs européens en Arabie et hommes de lettres verront dans le wahhabisme du XVIIIe siècle, puis le salafisme au XXe siècle, la « pureté mahométane », alliage de virilité bédouine et de monothéisme intransigeant. On rejoue ici l’histoire européenne : Ibn ‘Abd al-Wahhâb est le « Luther de l’islam », luttant contre une orthodoxie vieillie, et on pardonne alors le zèle meurtrier qu’il suscite. Le mythe du réformateur seul contre tous prend vite, et dure jusqu’à des travaux universitaires récents en Occident. Il est partagé par nombre d’intellectuels musulmans gagnés aux idées réformistes, conscients de la puissance européenne et de sa supériorité technique : le peintre converti Étienne Dinet, le journaliste Leopold Weiss (devenu Muhammad Asad), l’intellectuel algérien Malek Bennabi : tous verront dans le wahhabisme la pureté de l’islam en lutte contre les vieilleries de la tradition. Ce mythe sera le levain du salafisme au XXe siècle, et on doit mesurer toute la charge utopique qu’il porte et qui explique, aussi, l’ivresse « djihadiste ».
Nos Desserts :
- Au Comptoir, nous avions interviewé François Burgat à propos de son livre Comprendre l’islam politique
- Nous nous sommes également entretenu avec Wassim Nasr, journaliste et spécialiste des mouvements djihadistes
- Ainsi qu’avec le géopolitologue Gérard Chaliand, ayant observé et participé à la plupart des conflits de ces soixante dernières années
- Nous étions revenu sur la figure d’Abdessalam Yassine fondateur de l’association Al Adl Wal Ihsane
- Nous avions analysé les fondations du salafisme et son évolution au sein de la mondialisation
- Recension de l’ouvrage de Hakim El Karoui et Benjamin Hodayé Les militants du djihad
- Ghaleb Bencheikh déconstruit les usages théologiques du mot « djihad » pour revenir à son sens originel
Catégories :Politique
C’est juste passionnant cet article, de remettre la complexité de situations, de courants, d’enjeux, que le discours « dominant » avait profondément appauvri, merci beaucoup
« la violente répression des Frères Musulmans – alors entièrement pacifistes – par le président égyptien Nasser en est le symbole. » La répression n’a-t-elle pas été précédée de l’assassinat par la branche armée des Frères musulmans du premier ministre Mahmoud an-Nukrashi Pacha??? Faire passer les frères musulmans comme un mouvement pacifiste avant Nasser, c’est se moquer du monde.