Il avait 68 ans. Le 7 janvier 2015, Bernard Maris tombe sous les balles de fous d’Allah, au côté d’une large partie des membres de la rédaction de Charlie Hebdo et d’inconnus tristement rentrés dans l’histoire. Ce jour-là, la France perd un de ses meilleurs économistes. Un an après la manifestation nationale du 11 janvier, qui réunit quatre millions de personnes, le Comptoir a souhaité rendre hommage à ce penseur hétérodoxe, élève de Keynes et de Freud, mais aussi historien, sociologue, écrivain et grand lecteur, d’Honoré de Balzac à Michel Houellebecq.
Être ou ne pas être Charlie : est-ce vraiment la question ? Depuis maintenant un an, l’analyse des attentats du 7 au 9 janvier 2015 se concentre finalement uniquement sur les caricatures de l’hebdomadaire. Étaient-elles islamophobes ? Avons-nous le droit de caricaturer le prophète ? Les autres victimes, de la policière Clarissa Jean-Philippe au correcteur Mustapha Ourrad, en passant par le brigadier Ahmed Merabet, la psychologue Elsa Cayat et les clients de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes (Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab et François-Michel Saada), passent presque inaperçues. Bernard Maris, chroniqueur sous le pseudonyme d’Oncle Bernard pour Charlie Hebdo, est également moins mis en avant que ses camarades Charb, Cabu, Tignous, Wolinski et Honoré. Nous estimons cependant avec Jean-Claude Michéa – qui saluait dans L’Impasse Adam Smith (Climats 2002) « les indispensables ouvrages pédagogiques de Bernard Maris » – que cet ancien professeur des universités agrégé, qui a été membre du conseil général de la Banque de France après avoir enseigné à Paris-VIII ainsi qu’à l’université et l’Institut d’études politiques (IEP) de Toulouse, a encore beaucoup à nous enseigner.
Un économiste en croisade contre l’économie
Si “être Charlie” relevait d’une unanimité suspecte, une chose est certaine : « Tout le monde n’est pas Bernard Maris », comme l’explique Hervé Nathan dans Marianne. Oncle Bernard était un marginal dans sa discipline. Il y a quarante ans, l’école de Chicago[i] devenait hégémonique au sein des sciences économiques et faisait du keynésianisme, dominant jusque-là, une théorie “hétérodoxe”. Cette véritable épidémie mondiale a tant et si bien uniformisé la discipline qu’il est aujourd’hui presque devenu impossible de penser hors des clous dans le milieu académique. Et comme les économistes aiment bien les chiffres, quelques statistiques pour étayer cette assertion : en France, entre 2005 et 2011, seulement 5 % des professeurs recrutés à l’université étaient hétérodoxes, soit six économistes pour cent vingt postes[ii]. Cette hégémonie des orthodoxes convaincus de la toute-puissance bienfaitrice de la « main invisible du marché » (Adam Smith) serait sans conséquence si cette pensée unique ne nous avait pas menés, depuis plus de trente ans, de crises en crises.
« En économie, il y a deux génies. Marx et Keynes. »
L’économiste, voilà l’ennemi ! « Celui qui est toujours capable d’expliquer ex-post pourquoi il s’est, une fois de plus, trompé », comme le définit Maris dans Houellebecq économiste (Flammarion, 2014). Et en bon économiste, lui aussi savait se justifier de ses erreurs d’appréciation, en témoigne son total retournement vis-à-vis de l’euro. S’il a défendu la monnaie unique à l’époque du traité de Maastricht, il qualifiait ladite mesure, quelques mois avant sa mort, de « très grave échec », allant jusqu’à avouer : « Aujourd’hui, je pense qu’il faut quitter la zone euro. » Si la folie consiste à « refaire toujours la même chose, et en attendre des résultats différents », selon le bon mot d’Albert Einstein, Oncle Bernard était clairement plus lucide que la majorité de ses pairs. Son ami Jean-Marie Harribey, ex-coprésident d’Attac et des Économistes atterrés, le décrit ainsi dans les colonnes de Bastamag : « Bernard Maris fut peut-être, à l’aube du capitalisme néolibéral, celui qui vit la “science” économique basculer définitivement dans l’apologie de la finance spéculative, l’un des premiers sinon le premier de notre génération à partir en bataille contre cette pseudo-science. Il fit cela avec toute sa connaissance de l’intérieur de la discipline et avec un humour ravageur. » Un humour qui s’oppose au ridicule de ses confrères tartuffes : « À quoi servaient les économistes, dira-t-on alors dans cent ans ? À faire rire », concluait-il dans sa Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles (1999). Car ceux qui se bornent à leur stricte discipline avaient fort à faire pour égaler ce mastodonte de la pensée. Dominique Seux, directeur adjoint de la rédaction des Échos, qui a débattu près de 400 fois avec lui dans la matinale de France Inter, explique aux journalistes de Marianne : « Je n’avais qu’un terrain, celui de l’économie. Lui avait l’histoire, la sociologie, la philosophie. Je partais battu. »
Disciple de John M. Keynes et, dans une moindre mesure, de Karl Marx et de Sigmund Freud, le Toulousain expose très clairement le problème de sa discipline dans le premier chapitre de sa Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles. « En économie, il y a deux génies. Marx et Keynes. (…) Mais la science économique, 99 % de ce qui est enseigné, 99 % de ce qui fonde la recherche, ce n’est ni Marx ni Keynes, c’est Walras. » Maris ne réservait cependant pas ses flèches aux représentants de l’orthodoxie. Car l’économiste était un keynésien à part. Dans une lettre d’adieu publiée par La Décroissance en février dernier, son ami Serge Latouche résume très bien l’originalité de la pensée du personnage : « À côté du Keynes de la relance que les économistes ont retenu, tu mettais même en évidence un Keynes précurseur de la décroissance. » Dans Keynes ou l’économiste citoyen (1999), Oncle Bernard réhabilite le penseur britannique dans sa complexité. Car, s’il n’oublie pas que l’économiste de Cambridge était un défenseur acharné de la société bourgeoise, il rappelle les éléments subversifs de sa pensée, souvent oubliés par ses disciples autoproclamés. Le Keynes de Maris est avant tout le Keynes qui prévoit la réduction drastique du temps de travail (à quinze heures par semaine), s’oppose au libre-échange (lire De l’autosuffisance nationale, 1933) et invite à ne pas exagérer « l’importance du problème économique » ni à sacrifier « à ses nécessités supposées d’autres affaires d’une portée plus grande et plus permanente », estimant qu’il sera un jour résolu et que nous pourrons consacrer nos forces à plus important (Nos perspectives pour nos petits-enfants, 1930).
C’est sûrement à cause de ce dernier point que Latouche voit dans la victime des frères Kouachi un keynésien décroissant. Lecteur de l’économiste Georgescu-Roegen, père du concept, qu’il place près de Marx et Keynes dans son panthéon personnel, Maris n’a cependant jamais réellement revendiqué l’étiquette. Dans Capitalisme et pulsion de mort, coécrit avec Gilles Dostaler, il analyse la croissance comme étant à la fois « l’énergie motrice du capitalisme » et sa « pulsion de mort ». Mais surtout, comme les décroissants et leur chef de file Latouche, qui invite à sortir de l’économie, le Toulousain voit dans sa discipline le moteur d’un capitalisme considéré comme un « fait social total » (Marcel Mauss), colonisant toutes les sphères de la société et la détruisant peu à peu. Il explique ainsi dans Houellebecq économiste : « Tout, dans l’économie, est fait pour briser les liens qui pouvaient unir les individus à leur famille, leurs géniteurs, des proches. (…) L’économie libérale brise tout ce qui est collectif : l’équipe au travail, la famille, le couple. En ce sens, la libération sexuelle relève d’une explosion de l’individualisme et a pour effet la destruction de ces communautés intermédiaires, les dernières à séparer l’individu du marché. » Pour lutter contre cette discipline, sa première arme a été la pédagogie.
« Avec vous, on comprend ! »
Bernard Maris avait le chic pour rendre l’économie sexy. Si les titres de ses ouvrages font sourire et sont évocateurs − Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Marx, ô Marx, pourquoi m’as-tu abandonné ?, Ah que la guerre économique est jolie ! − l’économiste a su devenir inclassable, oscillant entre sa discipline originelle et le journalisme, qu’il pratiquait dans une chronique hebdomadaire dans Charlie Hebdo où il était actionnaire depuis 1992, lors de débats sur I-télé ou face à Dominique Seux, chaque vendredi matin sur France Inter. Avec lui, foin de courbes statistiques et de novlangue jargonneux, le maître mot est celui de la pédagogie. La vulgarisation passera notamment par ses deux Anti-manuels d’économie, consacrés aux cigales puis aux fourmis, et qui rencontrent un succès phénoménal lors de leur parution. Enfin, on comprend ! Avec Maris, Dieu qu’on est loin des pages roses illisibles du Figaro économie ou du deuxième cahier du Monde, où on arrive, saoulé de mots et de chroniques, trop fatigué pour oser défier la partie économie dont on survolera les titres et accroches, avant de s’avouer vaincu, terrassé par les subprimes, les dividendes, la bourse et le marché.
« C’est tellement emmerdant l’éco ! Faut reconnaître que c’est plus agréable de lire de la poésie… Et en même temps, ça nous concerne tous. Alors, mon vrai plaisir − en dehors de la petite satisfaction personnelle et égocentrique de voir ma trombine dans les médias − est de me faire apostropher par un auditeur ou un téléspectateur me disant : “Avec vous, on comprend !” » Bernard Maris, propos recueillis par Telerama en 2008.
Avec Oncle Bernard, on donne tort à Élie Cohen et son fameux « L’économie est une science de droite ». D’ailleurs, l’économie, ce n’est pas une science, qu’on se le dise : « Discipline qui, de science, n’eut que le nom, et de rationalité que ses contradictions, l’économie se révélera l’effroyable charlatanerie idéologique qui fut aussi la morale d’un temps », assène-t-il dans son introduction à Houellebecq économiste. De droite, que nenni ! Avec cet oncle bienveillant, l’économie orthodoxe est démantelée et révèle son vrai visage. Le libéralisme d’un Alfred Marshall, qui s’appuie sur le faux antagonisme des égoïsmes des hommes rationnels et uniquement mus par la loi de l’offre et la demande, et qui créerait enfin l’équilibre, sorte de paix sociale garantie par le « doux commerce » de Montesquieu, est un mensonge grossier qui oublie une donnée pourtant évidente : l’irrationalité des hommes, qu’on retrouve notamment dès que les basses questions d’amour et de mort font leur apparition. Keynes rappelle en effet « l’indétermination fondamentale des motivations des producteurs, comme celle des consommateurs, [qui] rend les théories économiques si hasardeuses et en fin de compte si fausses ».
Et pour penser le réel, Maris n’a rien trouvé de plus original que de se référer, par exemple, aux romans de Michel Houellebecq. Ainsi sont décortiquées la pulvérisation de la société en une multitude de monades en chocs perpétuels ou la création de désirs illusoires, aussi inutiles qu’illimités, qu’accompagne l’infantilisation organisée des consommateurs. Car avec Houellebecq, la vie ne fait plus de cadeau : comme Zola nous plongeait dans le quotidien alcoolique et misérable de Gervaise et Coupeau, l’écrivain français actuel le plus traduit dans le monde aujourd’hui nous plonge dans les tréfonds d’une société dominée par l’économie. Cette toute-puissance est dénoncée, sordidement, au fil de son œuvre : « Le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société » (Extension du domaine de la lutte) ; « Les joies de la consommation par lesquelles notre époque se montre si supérieure à celles qui l’ont précédée » (La possibilité d’une île) ; « Le piège s’était refermé ; elle était désormais dans le monde du travail » (Plateforme). Avec eux, les plus sombres et poussiéreuses théories économiques prennent vie dans les existences des personnages, qui oscillent entre échec professionnel et ruptures amoureuses, allant parfois jusqu’au suicide. C’est toute cette noirceur que Maris a aussi voulu expliquer rationnellement, en la passant au crible des théories de Schumpeter, de Malthus ou Fourier.
« Aucun écrivain n’est arrivé à saisir comme Houellebecq le malaise économique qui gangrène notre époque. » Bernard Maris, à propos de “La Carte et le territoire”.
Un citoyen engagé
Pour Maris, l’engagement ne se résume pas qu’aux idées. L’intellectuel est avant tout un membre de la cité et doit participer à son fonctionnement. C’est pour cette raison que le Toulousain a activement milité dans le monde altermondialiste et écologiste. Il s’engage d’abord dans l‘Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne, plus connue sous le nom d’Attac. Actif dès la création du mouvement altermondialiste, à la fin du siècle dernier, l’économiste a assuré la vice-présidence de son conseil scientifique. Il participe alors au premier Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre au Brésil en 2001, qui a pour objectif de faire rencontrer des organisations citoyennes du monde autour du mot d’ordre “Un autre monde est possible” et de concurrencer le Forum économique mondial, qui réunit chaque année en janvier les puissants de ce monde à Davos, en Suisse. Maris souhaite aider à « penser le commerce international autrement » et contrer la toute-puissance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). S’il ne reste pas actif au sein d’Attac, il n’en demeurera pas moins toute sa vie un compagnon de route. L’ancien président du conseil scientifique de l’organisation, René Passet, note ainsi qu’« à de multiples reprises, la plume acérée d’Oncle Bernard devait participer à la promotion de [leurs] initiatives ».
En 2002, il est candidat aux élections législatives dans le Xe arrondissement de Paris pour les Verts. Quelques années plus tard, en 2009, c’est sous l’étiquette de la CFDT qu’il se présente, cette fois-ci à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels. Ces engagements peuvent surprendre au vu de la radicalité des idées défendues par le personnage. Mais comme en économie, Oncle Bernard sait reconnaître une erreur politique. Son idylle avec les Verts finit mal, le Toulousain allant en 2012 jusqu’à traiter ses ex-camarades de « politicards » et à dénoncer Daniel Cohn-Bendit qui « n’existe que par sa grande gueule faussement anar dans les médias ».
« Tous les pays européens devront, tôt au tard, se résigner à effacer une partie de leur dette.«
Son dernier engagement est celui au conseil général de la Banque de France. Beaucoup ont vu dans sa nomination le 21 décembre 2011 par le président socialiste du Sénat de l’époque, Jean-Pierre Bel, une preuve de son embourgeoisement. Pour ses détracteurs, cette promotion n’était qu’une contradiction de plus chez ce défenseur des petites gens domicilié dans le XVIe arrondissement après un bon mariage et pratiquant le golf. Dans un premier temps, Bernard Maris hésite à accepter ce poste et recommande des amis plus académiques, comme Michel Aglietta et Dominique Plihon, tous deux hétérodoxes, quoique le premier ait mis de l’eau dans son vin. Il l’occupera finalement, pensant pouvoir mener ses combats à l’intérieur du système. Parmi ses chevaux de bataille, nous retrouvons l’annulation des dettes des États européens. Il explique : « Tous les pays européens devront, tôt au tard, se résigner à effacer une partie de leur dette. Il faut la renégocier au-delà du seuil de 60 % du PIB pour de nouveau respecter les critères de Maastricht. Les créanciers, et donc les banques, devront évidemment consentir un effort important. Même les grands pays comme l’Allemagne et la France n’y échapperont pas. » Il défend également un revenu d’existence, qu’il considère comme un « droit à l’autonomie ». Malheureusement, l’euro a confisqué tout vrai pouvoir à la Banque de France au profit de la Banque centrale européenne (BCE). Si Bernard Maris se savait pieds et poings liés, il semble que l’envie d’œuvrer pour son pays ait été la plus forte, même lorsque les combats étaient perdus d’avance. Car, ce qui animait l’économiste, c’était avant tout un amour inconditionnel pour la France. C’est celui-ci qui fonde à la fois son internationalisme – l’idée du poète portugais Miguel Torga selon laquelle « l’universel, c’est le local moins les murs » – et son engagement citoyen.
Cet anarchiste qui aimait la France
« Quoi ! Toi ? L’anarchiste ? L’internationaliste ? Le type amoureux de l’Espagne et de l’Amérique latine ? L’Alsacien de Marseille ? » l’ont questionné ses proches quand il leur a fait part de sa volonté d’écrire un livre sur la France. Oui, lui, parfaitement. Le sort se drape parfois d’une cruelle ironie. Car il n’aura pas fallu deux vagues d’attentats meurtriers en moins d’un an pour faire (re)naître en Bernard Maris, tombé sous les balles djihadistes à 68 ans, cet élan patriotique qu’on a vu chez tant de Français, notamment après les 130 morts du 13 novembre.
Et si on aimait la France, dernier ouvrage inachevé de l’économiste, se voulait une déclaration d’amour lucide à la nation qui l’a vu naître à Toulouse, le 23 septembre 1946. L’occasion de convoquer Bainville, Bloch, Maurras, Péguy, Jeanne la Bonne Lorraine, Houellebecq (encore), Cioran, Bernanos, De Gaulle, Moquet… Mais aussi M. Vergniaud, son maître de CM1, Abd al Malik, Sartre « le faux résistant, le planqué de l’Occupation », Éric Zemmour ou Alain Finkielkraut. Chez chacun d’entre eux, il relève un amour de la patrie, une fierté nationale, ne gardant que le meilleur pour porter aux nues cet Hexagone multiple, aux paysages et aux géographies si divers. Ce dernier ouvrage est une déclaration d’amour qui aurait sûrement, parions-le, été drôlement accueillie par la presse sans les attentats. Un éloge de la France, mon bon monsieur ? Mais pensez-vous ! Ça sent le rance, le nationalisme, la xénophobie ! Oui, il ne faut point en douter : si Maris avait pu sortir ce livre sans accroc, nul doute que toute la bonne presse qui distille la bienpensance quotidiennement l’aurait vite rangé dans la catégorie des Onfray, Zemmour, Finkielkraut, Guilluy, Houellebecq (toujours lui !), etc. Une liste qui avait pris l’habitude de s’allonger chaque jour, au fur et à mesure des “dérapages” des uns et des autres, de tous ceux qui déplorent notre société malade, abîmée par trop de libéralisme, d’individualisme, de progressisme, de libre-échangisme… La mort a certainement sauvé Maris d’un french bashing devenu permanent.
« Voilà la raison de ce livre : depuis peu, le french bashing me ravit, m’exalte ; je me sens bien. Je relève la tête et je souris ; et mes traits se durcissent, comme ces prisonniers giflés avant l’exécution. Tremblez, ennemis ! » Bernard Maris, Et si on aimait la France
Seulement, l’ouvrage fut posthume. Et sa sortie se fit au son de la Marseillaise, qu’on n’a jamais tant chantée qu’en 2015, d’abord timidement en janvier, avec beaucoup plus de ferveur en novembre. À l’heure de l’union nationale factice, de l’état d’urgence et de l’exaltation d’une sorte de république gri-gri, récupérée par les politiciens les moins honnêtes du monde, Et si on aimait la France dépasse les symboles pour chanter la beauté de la mère-patrie, mais aussi pour regarder avec lucidité tous les problèmes qui la gangrènent et la meurtrissent : le chômage, les inégalités, la haine de soi et des autres… Et si on aimait la France, sans point d’interrogation ni d’exclamation (il avait insisté) : par-delà la mort, Oncle Bernard, toujours bienveillant, ne nous invite à rien de moins qu’à nous aimer, enfin, les uns les autres.
Ludivine Bénard et Kevin « L’Impertinent » Victoire
Nos Desserts :
- La recension de Et si on aimait la France, sur le Comptoir
- Bernard Maris parle de son livre Houellebecq économiste
- Nos réactions à chaud après les attentats de Charlie Hebdo
- Notre analyse des attentats de janvier : “Charlie Hebdo : qu’Allah bénisse la République !”
- “Charlie et Todd : droit d’inventaire”
- Le “charlisme”, nouveau mythe républicain ?
Bernard Maris en quelques livres :
- Keynes ou l’économiste citoyen, Presses de Science Po, 1999
- Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, éditions Points, 1999
- Antimanuel d’économie : Tome 1, les fourmis, Bréal, 2003
- Antimanuel d’économie : Tome 2, les cigales, Bréal, 2006
- Marx, ô Marx, pourquoi m’as-tu abandonné ?, Éditions Les Échappées, 2010
- Houellebecq économiste, Flammarion, 2014
- Et si on aimait la France, Grasset, 2015
Notes :
[i] Courant de pensée économique issu de l’Université de Chicago, qui a pour chefs de file Milton Friedman (“Nobel” d’économie 1976), Gary Becker (“Nobel” d’économie 1992) et Robert E. Lucas (“Nobel” d’économie 1995). Connu pour son libéralisme, il a pour caractéristiques sa foi inébranlable dans le marché et son obsession anti-inflationniste. Il a notamment inspiré les politiques de Pinochet (conseillé par les “Chicago boys”), Ronald Reagan et Margareth Thatcher.
[ii] Pour saisir les enjeux du manque de pluralisme en économie, lire À quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose ? sous la direction d’André Orléan (Les Liens qui libèrent, 2015) ou encore l’excellent article de Laura Raïm dans Le Monde diplomatique de juillet dernier, intitulé Police de la pensée économique à l’université.
Catégories :Politique
3 réponses »