Culture

Quelques disques de 2017 (à se faire) offrir pour Noël

L’heure des bilans arrive, et 2017 a été riche en bons albums : rock, hip-hop, rap, jazz… Nous vous avons concocté une sélection de nos coups de cœur musicaux de l’année. À écouter sans modération sur les internets ou mieux, sur votre chaîne hi-fi, si vous assumez votre côté anti-moderne et faites partie des personnes qui achètent encore leurs disques, espèce en voie de disparition s’il en est.

    • Tant qu’on est là, Hugo TSR, Chambre froide [1]
    • 4:44, Jay-Z, Roc Nation [2]
    • Hang, Foxygen, Mis  [3]
    • DAMN, Kendrick Lemar, Top Dawg/Aftermath/Interscope [4]
    • Division, Shannon Wright, Vicious Circle [5]

 

« La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. » Beethoven

Du rap qui désaltère [1]

« À mon art qui reste un tas d’torts, j’ai la cervelle de Malcolm 
Le talent d’Dewey et les pulsions d’Francis et Reese »

Depuis la fin des années 2000, Hugo est devenu le chouchou des amateurs de boom bap et d’underground. Discret et peu bavard, le leader du TSR Crew suscite à chaque apparition énormément d’attente. Après un bon Passage flouté, second album de son groupe sorti en 2015, mais qui en a laissé plus d’un sur sa faim, les fans n’avaient plus qu’une question : c’est pour quand le prochain skeud d’Hugo ? La pression est montée d’un cran avec l’excellent Là-haut dévoilé le 21 juillet 2016. Mais il a fallu encore un peu de patience.  La réponse arriva le 22 septembre 2017 : retour gagnant pour le MC parisien, avec Tant qu’on est là. La formule est simple est efficace : douze titres, zéro featuring, un flow entraînant qui ne varie pas et une avalanche de punchlines qui sentent la rue à plein nez, le tout encore chez Chambre froide.

De « Rei » à « Couleur miroir », en passant par « La cage », « Les vieux de mon âge », « En marge » ou encore « Pauvre roi », l’artiste nous décrit froidement notre société et son quartier. C’est encore un sans-faute pour le rappeur du XVIIIe, qui nous avait fourni avant lui des talents bruts comme Fabe, Koma et Flynt. Si Tant qu’on est là est un cran en dessous de Fenêtre sur rue, son opus précédent sorti en 2012, Hugo reste à la hauteur des espoirs qu’il suscite. Bref, « les meilleures phases viennent d’Hugo Boss, le roi des punchlines ».

Kevin Boucaud-Victoire

La puissance du chiffre 4 [2]

Quatre ans après le très bon Magna Carta… Holy Grail, Shawn Carter nous revient avec un énigmatique 4:44, sorti dans le plus grand secret le 30 juin 2017. Pourquoi ce titre ? Jay-Z est né un 4 (décembre), tout comme sa femme, Beyoncé (4 septembre), avec qui il s’est marié un 4 avril… Pourtant, ce n’est pas parce que le 4 est son chiffre fétiche que l’album s’intitule ainsi. Tout est en fait lié au titre éponyme de l’album. « C’est une chanson que j’ai écrite et qui se retrouve au cœur de l’album. Je me suis réveillé littéralement à 4:44 du matin pour écrire ce morceau. C’est devenu le titre de l’album, parce que c’est un son tellement puissant… Je pense que c’est l’un des meilleurs titres que j’ai jamais écrits », explique le MC de Brooklyn.

Pendant 36 minutes 11 (46 min 16 pour la version CD, qui contient trois bonus track), Jigga se promène sur des instrus entièrement composées avec No I.D, un des meilleurs producteurs du monde avec lequel il a déjà travaillé à maintes reprises. Pour ce treizième album, qui fera plaisir aux vieux fans, le sample – de soul principalement –  est de mise. Si le skeud n’abrite que peu d’invités (Beyoncé, Damian Marley, Frank Ocean), ils sont tous à la hauteur. Textuellement, l’album qui est construit autour d’une histoire de trahison vaut également le coup. Des sujets sérieux comme celui de l’héritage lié à la paternité ou le racisme, comme dans le stratosphérique « The Story of O.J. », sont traités avec brio. Peut-être un des cinq meilleurs albums de Jigga. Il a bien mérité son intégration au Songwriter hall of fame.

K. B. V.

Suivez le guide [3]

Au tout début de l’année 2017, dans la froideur de la fin du mois de janvier, Hang, le quatrième album des doux et psychédélicieux Foxygen débarquait discrètement en France. Certes, le duo californien n’en était plus à son coup d’essai et avait même failli se séparer quelques mois auparavant, mais leur musique reste encore très confidentielle dans notre pays, malgré quelques concerts remarqués et une bonne couverture média chez Les Inrocks.

Que dire de ce court disque de huit titres qui a dérouté la fan-base du groupe ? Simplement que c’est l’un des plus beaux efforts rock de l’année, un enchaînement de tubes réconfortants et nostalgiques, une synthèse modeste de ce qu’auraient pu engendrer les enfants de Queen et de David Bowie à l’heure où pop et rock ont fusionné avec les musiques électroniques depuis longtemps. On constatera même quelques déviations musicales de la part de Foxygen qui nous gratifient d’un hymne funky (« Follow The Leader » ) croisant Prince avec la pop sixties en ouverture, mais aussi d’un titre aux accents mercuriens (« America » ) et de chansonnettes chaleureuses rappelant les Beach Boys (« On Lankershi »), le tout agrémenté de la belle voix de Sam France, le leader chevelu et dégingandé du groupe.

Il est clair que sur Hang, Foxygen n’invente rien mais la simplicité de ce disque – et son aspect réconfortant lors des longues soirées d’hiver – le consacre dans le haut du panier musical de cette année. Un album expéditif, fortifiant, et chargé d’influences pour nostalgiques, donc.

Noé Roland

Effort soutenu [4]

Une fois de plus, le très prolifique Kendrick Lamar a marqué une année de son empreinte. Célébré par de nombreux médias comme l’un des rappeurs US les plus talentueux des années 2010, il a sorti son quatrième album au cours du printemps dernier. Une bonne poignée de producteurs – parmi lesquels James Blake, Top Dawg Ent, BadBadNotGood et The Alchemist –, ainsi que quelques invités prestigieux (Rihanna, U2) sont venus prêter main forte à la réalisation de cet opus sobrement intitulé DAMN.

Très agréable dès la première écoute, il faut toutefois avouer d’entrée que DAMN n’atteint pas les hauteurs de son grand frère To Pimp A Butterfly, qui fut certainement l’une des plus grandes sorties hip-hop aux États-Unis de ces dernières années. L’album ne manque cependant pas de perles : le single « Humble », sautillant à souhait, restera assurément dans les annales. Le titre « Loyalty », armé d’un sample faisant grésiller Bruno Mars, réussit la prouesse de rendre Rihanna à peu près audible. La chanson « Pride », à la fois sexy et nébuleuse, risque de devenir un grand classique des slows hip-hop lascifs. Tout le reste est à l’avenant, sans grande originalité mais composé avec une grande justesse, avec un son impeccable et même un aspect “crade-chic” revendiqué.

DAMN ne fera peut-être pas partie des plus grands albums de Kendrick Lamar, mais il restera tout de même dans la liste des grands crus de l’année 2017. À tout le moins, on peut souhaiter à l’artiste de parvenir à se maintenir à ce niveau pendant encore quelques temps, en espérant tout de même qu’il le dépassera à nouveau mais en espérant surtout qu’il ne descendra pas à l’étage inférieur.

N. R.

Renaissance à Rome [5]

Son dernier disque, In film sound (2013), était colérique et électrique. Avec Division, la trop méconnue Shannon Wright revient dans un registre plus mélancolique — on n’ose pas dire apaisé, tant l’album reste celui d’une éternelle écorchée vive.

La genèse de l’album résume tout le personnage : la pianiste classique Katia Labèque vint trouver Shannon dans sa loge après un concert en Suisse, scotchée par un spectacle incroyable. Mais à sa grande surprise, elle y trouva une artiste déprimée, à bout de nerfs, et persuadée de ne plus rien avoir à offrir à son public. Katia Labèque mit ainsi son studio romain bardé de pianos à disposition de Shannon, en espérant qu’elle s’y retape. Ainsi naquit Division, un album atypique dans la discographie de la musicienne américaine : une orchestration plus minimaliste qu’à l’accoutumée (qu’elle exécute quasiment seule, de la guitare à la batterie en passant par les claviers), marquée par une prédominance du piano (forcément !), par des rythmes plus lancinants et des textures sonores intrigantes. Mais en ce court album (33 minutes pour huit chansons), poignant, intense et d’une rare authenticité, on comprend aisément comment Katia Labèque a été séduite. Et on regrette d’autant plus que cet album de Shannon Wright soit, selon ses dires, peut-être le dernier de sa carrière.

Frédéric Santos

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Catégories :Culture, Shots et pop-corns

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