Culture

Les shots du Comptoir – Avril 2018

Au Comptoir, nous lisons. Un peu, beaucoup, passionnément. Contre la dictature de l’instant, contre l’agitation de l’Internet et des écrans, contre la péremption annoncée et la critique avortée. Sans limite de genre ni de style, de l’essai au théâtre en passant par l’autobiographie ou le roman, nous faisons le pari du temps long, de l’éternelle monotonie des pages, des jouissances de l’histoire qu’on ne peut lâcher. Parce que « le savoir est une arme », nous mettons ici, à votre disposition, les recensions des livres qui nous ont marqués ces derniers temps. Pour vous donner, à tout le moins, l’envie d’aller feuilleter dans ces univers qui nous ont séparés du commun des mortels le temps de quelques chapitres.

Quatre voix capitales [1]

Paris, 1832. Alors que l’insurrection des républicains fait rage et que le choléra s’insinue dans les foyers, quatre femmes sortent des limbes des petites destinées personnelles pour apparaître, chacune à leur manière, sur la scène de la grande Histoire. C’est Adélaïde, la bourgeoise, qui aime correspondre avec son amie et arpenter le jardin des Plantes mais qui redoute les criminels qui rôdent autour du quartier de la rue de la Seine-Saint-Victor autant que la maladie qui fait effraction dans son quotidien convenu. C’est Émilie, militante farouche de la cause saint-simonienne, haranguant les travailleurs dans les cafés, prêchant la parole du Père, se faisant copieusement insultée par les habitués des estaminets de Ménilmontant. C’est Louise, la marchande ambulante, embrigadée (malgré elle ?) sur les barricades aux côtés des républicains, arrêtée à plusieurs reprises par la police, interrogée sans relâche, emprisonnée plusieurs années à Saint-Lazare pour actions subversives. C’est Lucie, enfin, recluse dans un couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, qui jouit intérieurement de sa foi extatique pour le Christ, hallucinant son amour pour Lui, “aidée” en cela par le choléra qui la détruit à petit feu.

Historien spécialisé dans la pensée et les pratiques politiques et sociales de la France du XIXe siècle, Thomas Bouchet (que nous avions interviewé à propos de son ouvrage Les Fruits défendus : Socialismes et sensualité du XIXe siècle à nos jours) s’empare cette fois-ci de la fiction pour relater les bouleversements de l’année 1832. Si le chercheur a parcouru de long en large la monarchie de Juillet pendant des décennies, accumulant un savoir érudit sur cette période charnière de l’histoire de France, l’écrivain se fait fort de donner corps et âme à des personnages qui possèdent les traits de personnalités ayant réellement existé. Comme il l’avoue lui-même : « À bien des égards Adélaïde ressemble à Alphonsine Delaroche épouse Duméril, Émilie à Claire Démar, Louise à Louise Bretagne. » S’appuyant sur une enquête minutieuse des archives de la police, des journaux, des livres et des registres de la morgue, Thomas Bouchet rend plus que vraisemblable les voix de ces quatre femmes qui, bien qu’étant issues de son imagination, révèlent la réalité sensible et tragique de cette époque pleine de révolte et de mélancolie.

Sylvain Métafiot

Simone Weil vue par sa nièce [2]

Quel fardeau que d’avoir une “sainte” pour tante ! Et quelle pression quand la majeure partie de la famille, certes, mais aussi le monde intellectuel, les religieux, les proches et les inconnus, ne vivent que dans la commémoration de la philosophe surdouée, suicidée à 34 ans. Sylvie Weil est la fille d’André Weil, mathématicien de génie et frère de Simone Weil. Agrégée de lettres à 22 ans et professeur de littérature française dans plusieurs universités américaines, Sylvie vit dans l’ombre de sa tante, qu’elle n’a pourtant pas connue – ou si peu, étant bien trop jeune pour s’en rappeler. Il n’est pas rare que l’on confonde leurs deux prénoms, qu’on cherche dans la nièce une trace du génie de feue sa tante, qu’elle déçoive par sa “normalité”. Chez les Weil : André et Simone, n’est pas une biographie à proprement parler : c’est un amas de souvenirs désordonnés, vivants ; un hommage autant qu’un exorcisme de la part de celle qui, certaine de ne pas pouvoir être à la hauteur du monstre sacré, choisit de faire la part des choses, de vivre sa vie, d’être elle-même.

Contrairement au récit chronologique, minutieux et détaillé réalisé par Simone Pètrement, ex-camarade de classe de Simone Weil à l’École normale supérieure, l’œuvre de Sylvie Weil est décousue, pleine de vie, de fragments de lettres, de descriptions de photographies, d’anecdotes pas toujours reluisantes. En un mot, de sentiments. À la différence de Pètrement, par exemple, Sylvie ne se laisse pas aller à l’hagiographie et détaille aussi bien l’amour et la complicité qui règnent entre André et Simone que le sordide des disputes entre ses parents et ses grands-parents après le décès de la tante chérie : les trop fameuses “histoires de famille”, les scandales, les non-dits… On y découvre notamment la mère de Simone, Salma, en mère juive jalouse et ultra-protectrice, qui portera jusqu’à la fin le deuil de sa petite fille – bien loin de l’image de la famille parfaite, d’origine juive mais totalement athée, libérale, qui vivrait dans la joie et la bonne humeur constantes, qu’aura véhiculée Pètrement. Le livre de Sylvie Weil détonne d’avec les trop nombreux ouvrages austères consacrés à la philosophe, socialiste non marxiste et mystique, et c’est pour ça qu’il faut le lire.

Ludivine Bénard

Humboldt, pionnier de l’écologie scientifique et politique [3]

Il fut un temps, dans l’Europe du XIXe siècle, où le nom de Humboldt était sur toutes les lèvres, avant que peu à peu sa gloire et sa renommée ne s’estompent. La remarquable biographie que lui consacre Andrea Wulf permet de réparer cette injustice et de rendre a Humboldt sa juste place parmi les grands précurseurs de la sensibilité écologique. Si cette biographie se lit par moments comme un roman d’aventures – notamment dans les chapitres consacrés aux fabuleuses années de voyage de Humboldt en Amérique latine –, elle nous offre également une plongée dans l’histoire du XIXe siècle, celle de l’Europe après la Révolution française bien sûr, mais aussi celle des États-Unis ou des guerres d’indépendance latino-américaines (Humboldt a bien connu Simon Bolivar). Plus encore, cette biographie propose une généalogie de l’écologie scientifique et politique au sein de laquelle Humboldt fait légitimement figure de pionnier. Par-delà Humboldt lui-même, elle s’intéresse à différents auteurs sur lesquels le grand savant prussien a exercé une influence décisive, et non des moindres : Darwin, Thoreau, John Muir ou encore George Perkins Marsh. Ajoutons enfin que cette biographie, écrite dans une langue claire et simple, n’est pas exclusivement destinée a un public académique et qu’elle peut donc être une excellente idée de cadeau pour quiconque souhaite initier un proche à l’histoire des idées écologiques.

Pierre “Petul” Madelin

Extension du domaine du narcissisme [4]

Marxiste et spécialiste de Guy Debord, Anselm Jappe se situe dans le courant de la “critique de la valeur” (“wertkritik” en allemand), dont le principal théoricien est Robert Kurz. Prolongeant l’analyse sur le fétichisme de la marchandise développée dans le premier chapitre du Capital, les membres de ce courant distinguent un Marx ésotérique, plus radical et plus actuel que le Marx exotérique. Plutôt que de mener une lutte des classes – qui selon eux reste à l’intérieur du capitalisme – ou de changer la structure de la propriété privée, le socialisme doit abolir simultanément le travail, la marchandise, l’argent et la valeur. C’est du moins ce qu’estiment Kurz ou Jappe, qui constatent que l’URSS n’a été qu’une modernisation du capitalisme russe. Quinze ans après son livre phare, Aventures de la marchandise : Pour une nouvelle critique de la valeur, réédité pour l’occasion, et deux ans après son débat avec le décroissant Serge Latouche, dans Pour en finir avec l’économie : Décroissance et critique de la valeur, l’Italo-Allemand sort La société autophage : Capitalisme, démesure et autodestruction.

Jappe invoque le mythe grec d’Érysichthon, roi condamné à une faim inextinguible pour avoir profané la nature. Affamé, il se dévora lui-même. Cette histoire symbolise parfaitement notre société. Pour Jappe, la pensée de Descartes, dont le rationalisme voulait nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature », est la racine du mal. La morale de Kant et l’immoralité de Sade jouent aussi un rôle décisif, la seconde étant la « face cachée » de la première. Avec le rationalisme, les Lumières et le capitalisme apparaît la forme-sujet, qui se croît libre et autonome mais est surtout soumise au fétichisme de la marchandise. Pour Jappe, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le narcissisme prend le pas sur la névrose. Il prolonge alors Freud, l’École de Francfort – Theodor Adorno, Max Horkheimer, Erich Fromm et Herbert Marcuse – et surtout Christopher Lasch. La généralisation du sujet fétichiste-narcissique est due à la crise du père symbolique et du complexe d’Œdipe. Sont en cause la nouvelle phase “liquide” du capitalisme, permissif et jouissif, la culture de masse, ainsi que les nouvelles technologies qui provoquent un sentiment de toute-puissance, tout en restreignant l’autonomie. En découle une crise du surmoi, l’individu n’admettant plus de séparation entre lui et le monde et finissant par se replier sur lui-même.

Jappe y voit l’incarnation de la « pulsion de mort du capitalisme » et explique ainsi le déchaînement des violences extrêmes. Les djihadistes et les amok ­– tueries de masse comme celle de Colombine – en sont les symptômes les plus visibles. À une époque où les keynésiens prônent le retour au bon vieux capitalisme de papa, l’analyse radicale – c’est-à-dire qui va à la racine ­– du marxiste fait du bien. Par contre, on déplore toujours le manque de perspective politique des wertkritik.

Kévin Boucaud-Victoire

Le Capital, responsable du dérèglement climatique [5]

Depuis quelques années, le concept d’Anthropocène, selon lequel l’espèce humaine est devenue la principale force géo-écologique façonnant la Terre, a connu un essor considérable. Mais, s’interrogent les penseurs critiques, quel est donc cet acteur indifférencié, ce sujet trans-historique apparemment étranger à tous les conflits qui agitent la société ? Le “grand récit” induit par l’Anthropocène ne risque-t-il pas par ailleurs d’ouvrir la porte à des lectures purement démographiques de la crise écologique, et en conséquence à des solutions néo-malthusiennes ?

Pour s’opposer à ces errements épistémologiques et à ces risques politiques, un certain nombre d’auteurs ont avancé le concept alternatif de Capitalocène. Le grand responsable du dérèglement climatique, selon eux, ce n’est pas l’espèce humaine, mais un acteur socio-historique beaucoup plus spécifique : le Capital. Armel Campagne, proche du courant de la théorie critique de la valeur et animateur de l’émission « Sortir du capitalisme » sur Radio libertaire, propose dans ce premier livre une synthèse brillante et stimulante, car non seulement descriptive mais aussi réflexive et critique, des débats épistémologiques et historiographiques qui entourent ce concept. Le lecteur francophone découvrira ainsi au fil des pages les réflexions encore largement inconnues en France d’Andreas Malm, de Jason Moore et de Daniel Cunha, mais aussi un récit limpide des grandes étapes de l’émergence du capitalisme fossile, en Angleterre et dans ses colonies. Saluons-donc ce premier ouvrage publié par Armel Campagne aux jeunes éditions Divergence, qui nous rend impatients de connaître la suite de ses recherches.

P. M.

Simone Weil face au personnalisme [6]

Dans les années 1930, le personnalisme, courant intellectuel qui entend se fonder sur la personne, qui englobe l’individu et sa dimension spirituelle, incarné par Emmanuel Mounier et Jacques Maritain, est très en vogue. Exilée à Londres pendant la résistance, la philosophe anarchiste et mystique Simone Weil entend déconstruire cette notion.

Pour elle, « le vocabulaire du courant de pensée moderne dit personnaliste est erroné ». Ce n’est pas la personne qui est sacrée, mais c’est chaque homme tout entier. C’est pour ça que toute souffrance infligée à quelqu’un est condamnable, tout comme son asservissement et sa mise en esclavage. Simone Weil va même plus loin en affirmant : « Ce qui est sacré, bien loin que ce soit la personne, c’est ce qui, dans un être humain est impersonnel. » Elle entend par-là fonder l’être humain hors de toute collectivité et institution. L’homme doit être défendu dans ce qu’il a d’universel et d’ordinaire. Elle récuse alors à la fois le “je” et le “nous”, pour un “on”, « possible dans la solitude ». L’anarchiste admet cependant que le passage du personnel à l’impersonnel est possible, alors que celui du collectif à l’impersonnel n’est guère possible. Cependant, « la personne est toujours soumise au collectif ». Pour Simone Weil, la personne a aussi le défaut de fonder les droits de l’Homme, base du libéralisme moderne qu’elle critiquera par la suite dans la première partie de L’Enracinement. Elle plaide alors pour l’abolition de « tout ce qui, dans la vie contemporaine, écrase les âmes sous l’injustice, le mensonge et la laideur. »

Réédité par RN éditions et préfacé Florence de Lussy, ce texte splendide ravira tous ceux qui sont en quête de sacré et d’absolu.

K. B. V.

Sionisme libertaire [7]

Proche des milieux libertaires, dont l’anarchiste Gustav Landauer, Martin Buber demeure encore trop méconnu en France. En 2016, les éditions L’Échappée ont partiellement réparé l’injustice en rééditant Utopie et socialisme (1952), qui contenait une excellente préface de Patrick Marcolini. Cette année, ce sont les éditions de l’Éclat qui mettent à l’honneur le philosophe juif, en republiant six articles écrits entre 1900 et 1953 sur le thème de la communauté.

« Notre communauté ne veut pas la révolution ; elle est la révolution. Mais elle a surmonté le vieux sens négatif de la révolution ; pour nous la révolution ce n’est pas renverser de vieilles choses, c’est vivre de nouvelles choses. Ce n’est pas l’esprit de destruction qui nous anime, mais un enthousiasme créateur », explique Buber. Il s’appuie sur la vieille distinction du sociologue allemand Ferdinand Tönnies entre société (Gesellschaft) et communauté (Gemeinschaft) ou celle de Max Weber entre “socialisation sociétaire” (Vergesellschaftung) et “socialisation communautaire” (Vergemeinschaftung). Rappelons que pour ce dernier, la première « est fondée sur des intérêt partagées » et la seconde « sur des sentiments partagés ». Buber, lui, estime que cette définition est trop imprécise et préfère parler d’« union de vie », plutôt que de sentiments. Selon lui, le tandem entreprises et État a détruit le mode de vie communautaire, pour la société individualiste et atomisée. Voilà pourquoi le socialisme — entendu comme « développement solidaire de la société » — se méfie de l’étatisme et entend s’appuyer sur un modèle de communautés électives.

Selon lui, la communauté ne peut s’appuyer que sur quatre unités : la commune, l’association coopérative, les cercles de camaraderie et les confréries. C’est en ce sens que celui qui se prend d’enthousiasme pour les kibboutzim et émigre en Palestine en 1938 défend le sionisme libertaire. Celui-ci se distingue fortement des sionismes nationaliste de Theodor Herzl, social-démocrate de David Ben Gourion ou religieux des juifs orthodoxes. Il milite pour la création de foyers juifs, sans État et librement associés, qui n’excluraient pas les populations arabes locales, mais vivraient en harmonie avec elles. Un essai intéressant, qui devrait inspirer les socialistes révolutionnaires actuels, même si les kibboutzim ont échoué et pris dans les années 1990 un virage franchement libéral.

K.B. V.

Rakidd se dévoile en images [8]

Diplômé en arts appliqués, Rakidd — ou « RAKID THE KIDD pour les intimes » — est principalement connu grâce à son blog « Les gribouillages de Rakidd ». En 2016, il sort chez la toute jeune maison d’édition Faces cachées son premier ouvrage Le Monde de Rakidd. Un an et demi après, il revient avec sa première autobiographie graphique, Gribouillages ou comment je suis devenu (presque) moi. Né en 1988 au Puy-en-Velay, en Auvergne, l’enfance de Rakidd ressemble à celle de beaucoup de jeunes, notamment ceux issus des classes populaires, qui ont grandi dans les années 1990 entre Dragon Ball Z, les autres dessins-animés du Club Dorothée, Le journal de MickeyRetour vers le futur, les Pogs, Street fighter et la violence « presque normale » omniprésente de la cour de récré à la maison, en passant par la rue. Seule petite exception, notre héros n’aime pas le foot et se désintéresse même de la Coupe du monde 1998.

Mais le petit Rachid a quelque chose que n’ont pas les autres : une passion et un talent pour le dessin, qu’il exprime librement sur ses tables de classe. Élève moyen, ce hobby lui permet de s’évader, mais lui vaut aussi de belles punitions, dont une correction physique par son directeur. Il lui permet également de régaler ses camarades avec des Sangoku et des Piccolo. D’origine marocaine, il nous raconte aussi l’expérience de la double identité, d’être à la fois chez lui et pas chez lui des deux côtés de la Méditerranée. Rakidd se livre aussi à un éloge vibrant du kebab, « ce Parlement du peuple ». L’auteur nous raconte ensuite sa scolarité dans un collège catholique, où il se passionne pour les cours de religion. L’ouvrage nous emmène jusqu’à janvier 2018. En fin de récit, Rakidd se livre à un exercice original. Il va demander à plusieurs figures qu’il respecte (de l’éditorialiste Usul à l’humoriste Kevin Razy, en passant par la journaliste Rokhaya Diallo, l’écrivaine Kaouther Adimi et le rappeur Demi Portion) comment ils sont devenus eux-mêmes. Un livre drôle et passionnant qui se lit en plus très rapidement.

K. B. V.

La vengeance d’une époque vaincue [9]

L’air du temps est à la nostalgie. Ceux qui ont vécu le monde d’avant racontent. Et ceux qui n’ont fait qu’en entendre parler, qui ne l’ont connu qu’à l’agonie, fantasment. Dans Les panthères grises, son nouveau roman, Patrick Eudeline raconte. C’est qu’il a vécu. Chanteur, musicien, écrivain, romancier et critique rock, le dandy de grand chemin commémore le Pigalle vaincu par les trottinettes électriques, les magasins bio et Internet. Son roman regrette les bars populaires où les habitués et les novices commentaient l’actualité d’un monde qu’ils avaient encore en commun. C’est la vengeance, par le casse à l’ancienne, des anti-héros d’une époque révolue contre les starlettes de réseaux sociaux. Celles qui finiront par abrutir leur descendance. On comprend que Patrick Eudeline ne se passionne guère pour l’hédonisme bobo. Quand les hippies influençaient les foules, lui a toujours préféré un rock à contre-courant, plus populaire, plus punk. À travers les aventures farfelues d’un groupe de rockers en manque d’adrénaline, Eudeline règle ses comptes avec les idéaux, ceux qui ont peut-être, sans doute, été les siens. Le progrès l’a déçu et il le fait savoir avec l’élégance qui est la sienne.

Yassine El Azzaz

Argumentaire anti-UE [10]

Olivier Delorme est historien de la Grèce contemporaine et romancier, mais il est aussi aujourd’hui l’un des critiques de l’Union européenne les plus conséquents et les plus radicaux. C’est ainsi qu’il publia fin 2016 un ouvrage qui pourrait s’apparenter à un manuel de combat contre l’euro-libéralisme et ses divers poncifs. Cherchez un mélange entre un anti-manuel d’économie et l’exégèse des lieux communs de Léon Bloy : 30 bonnes raisons de sortir de l’Europe offre aux militants comme aux curieux des argumentaires solides et sourcés pour répondre aux dogmes assénés à longueur de tribunes par les militants pro-UE. Non sans humour, il rappelle par exemple le caractère extra-européen (américain) de la création de l’UE, les origines souvent douteuses des fameux “pères de l’Europe” (notamment la complaisance envers les dictatures fascistes des années 1930), généralement proches de l’Église catholique de Pie XII et furieusement anticommunistes, l’illusion d’une Europe sociale qui n’arrive jamais, etc.

Très didactique et agréable à lire – à la lisière entre l’essai, le pamphlet et l’écrit historique –, il est structuré en trente chapitres qui sont autant de « bonnes raisons de sortir de l’Europe » au sens d’Union européenne. Un ouvrage rassérénant au moment où la prétendue Europe triomphe sur le dos des peuples européens, dont la Grèce qui intéresse tout particulièrement auteur et qui a servi, comme il le démontre, de laboratoire aux politiques de choc des euro-libéraux. Un phénomène pas si nouveau comme le rappelle Delorme, qui mentionne les impérialismes en tous genres qui ont parcouru l’histoire européenne. Nous pourrions y ajouter aussi le fascisme hitlérien, qui se voulut européiste dans son projet de construction d’un IIIe Reich millénaire.

Galaad Wilgos

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