Politique

Le Comptoir, socialistes et révolutionnaires

Associés à l’extrême droite dans une enquête sur les « franges variées des droites dures qui s’appuient sur des éléments critiques empruntés à la gauche anticapitaliste (…), tout en puisant dans l’histoire des liaisons dangereuses entre la nature et le fascisme », publiée dans le numéro 8 de la Revue du Crieur, nous avons tenu à remettre les points sur les i et les barres sur les t.

© Selçuk Demirel, collaborateur régulier du Monde diplomatique

Revue en ligne et en librairie, Le Comptoir regroupe une trentaine de membres issus de la gauche radicale, institutionnelle ou libertaire (Insoumis, conseillistes, anarcho-primitivistes, etc.). Prônant l’autonomie, la revue n’est pas regroupée « autour » de Kévin Boucaud-Victoire, mais fonctionne de manière démocratique et horizontale. De même, la rédaction n’a pas « rejoint pour partie l’équipe de Limite », mais quelques rédacteurs ont choisi d’y écrire. Ce choix que n’approuve pas toute l’équipe ne regarde qu’eux, mais n’engage pas la rédaction, qui est indépendante de toute structure. Ajoutons à cela que les deux revues sont issues de mondes politiques différents. Le Comptoir n’est, en conséquence, pas une revue d’écologie intégrale, mais une revue socialiste, prônant la décroissance. Partant, si nous réfutons les procès d’intention des procureurs du “confusionnisme” – ce que nous appelons la « pensée maraboutdeficelle » –, nous sommes évidemment ouverts à la critique de notre travail journalistique. À ce jour, nous avons publié plus de 380 articles et l’on serait bien en peine – sauf malhonnêteté manifeste – d’en trouver un seul qui permette de nous associer à l’extrême droite.

De même, s’il semble évident que Jean-Claude Michéa est une référence majeure pour nous, cela ne suffit pas pour faire de nous ses « jeunes disciples ». Plusieurs autres penseurs ou figures, que nous citons régulièrement et à qui nous avons consacré plusieurs articles ou dossiers sont aussi essentiels à nos yeux, si ce n’est plus : Jacques Ellul, Guy Debord, Christopher Lasch, Pier Paolo Pasolini, Simone Weil, George Orwell, Rosa Luxemburg, Thomas Sankara, Pierre Clastres, Jack London, Cornelius Castoriadis, etc.

Le socialisme comme colonne vertébrale

Revenant à une définition originelle du socialisme, celle de Pierre Leroux, qui en fait « la doctrine qui ne sacrifiera aucun des termes de la formule liberté, fraternité, égalité, unité, mais qui les conciliera tous », nous défendons une société sans classes, fondée sur les valeurs traditionnelles du don et de l’entraide. Nous combattons ainsi l’exploitation, la domination et l’aliénation. De même, il est évident que nous ne tolérons ni le racisme, ni le sexisme, ni l’homophobie. Nous nous opposons en toute logique au capitalisme, application de la théorie libérale, qui se décline en trois composantes intrinsèquement liées entre elles : le libéralisme économique, le libéralisme politique et le libéralisme culturel. Derrière la “société libérale”, il y a la dangereuse utopie qu’une société peut survivre avec des membres mutuellement indifférents, qui ne partagent aucune valeur (libéralisme culturel), grâce à la double régulation du marché (libération économique) et du droit (libéralisme politique). Au contraire, nous pensons qu’une société décente ne peut exister sans référents culturels partagés et valeurs communes. L’individualisme narcissique, produit anthropologique du capitalisme, est également une de nos cibles régulières. Selon nous, le Capital utilise notamment trois biais pour asseoir sa domination. Il s’agit du consumérisme, qui favorise l’aliénation des personnes, du progrès techno-scientifique, qui en s’autonomisant réduit l’autonomie des personnes et des communautés (ce fameux « progrès sans le peuple » dont parle David Noble), et de la déterritorialisation, qui permet l’extension du marché aux quatre coins du globe et l’uniformisation mondiale.

Notre revue mène alors une critique radicale – qui va à la racine – du productivisme. Cette idéologie du “toujours plus” restreint la liberté des travailleurs – en les soumettant toujours plus aux impératifs de la société marchande – et nuit à l’environnement, comme nous pouvons chaque jour le constater. Le combattre, selon nous, exige d’abord de remettre en question l’imaginaire progressiste, traduction d’un fantasme d’expansion illimitée de la « (pseudo-)maitrise (pseudo-)rationnelle » (Castoriadis). Permis matériellement par la révolution industrielle, cet imaginaire consacre la croyance dans le perfectionnement global et linéaire de l’humanité. L’augmentation du savoir, notamment scientifique, devrait entraîner avec elle le progrès technique. Jugé bénéfique pour l’homme, qui n’aurait plus à accomplir les tâches les plus fatigantes grâce aux machines, celui-ci devrait permettre un accroissement des richesses – rebaptisé “croissance économique”– ainsi qu’une amélioration morale et sociale. De fil en aiguille, les sociétés s’approcheraient donc du meilleur des mondes possibles, à la fois prospère et composé d’individus bons. Mais cette vision optimiste du Progrès s’est muée depuis quelques décennies en simple volonté d’accumuler des marchandises, grâce à un progrès techno-scientifique toujours plus sacralisé. Loin de nous l’idée de vouloir « revenir à la bougie » comme le caricaturent les opposants à l’écologie politique, nous en appelons à une reprise en main démocratique de ces évolutions : par exemple, l’introduction de référendums au sein des collectifs de travail afin que les travailleurs puissent décider de l’introduction ou non de nouvelles technologies. L’autre composante qui rend possible ce productivisme est la culture de masse, issue de la société de consommation. C’est la raison pour laquelle Serge Latouche, une autre référence pour nous, parle de « décolonisation de l’imaginaire ».

© Selçuk Demirel, collaborateur régulier du Monde diplomatique

Notre socialisme défend également la souveraineté populaire, autre nom de la démocratie, « mais enfin comprise en un sens tant soit peu exigeant », comme l’explique Frédéric Lordon. Nous ne sommes pas tous d’accord sur ce qu’implique une telle définition de la démocratie – certains la pensent possible au sein des institutions étatiques, d’autres veulent leur disparition au profit d’une fédération de conseils et de communes autogérés (sans oublier toutes les nuances qui existent entre ces visions). Néanmoins, nous nous accordons sur le principal : la participation la plus pleine et entière du peuple à la gestion des affaires communes, et partant à la maîtrise de son destin collectif. Face à cela, nous nous accordons sur un autre point essentiel : nous pensons que la mondialisation et l’Union européenne sont dans leurs formes actuelles les chevaux de Troie du néolibéralisme. Surtout, ils minent la démocratie de l’intérieur, en se servant des institutions de la démocratie représentative. Ainsi, Juncker, président de la Commission européenne nous a averti il y a bientôt trois ans : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » Cette souveraineté diffère néanmoins des nationalismes qui enferment la nation dans une définition ethnique, dans laquelle nous ne retrouvons pas, et qui ne veulent que restaurer un capitalisme autoritaire et national. Nous sommes résolument anticapitalistes et internationalistes : nous croyons en la coopération entre les nations et nous voulons la fin de l’exploitation à toutes les échelles.

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3 réponses »

  1. Bien répondu, bravo au comptoir. Je suis heureux d’avoir trouvé un blog de tendance anarchiste-conservateur j’ai longtemps cru que j’étais seul au monde dans cette tendance et que ça avait disparu de notre époque.

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